« Affaire Samuel Eto’o » : le plaidoyer d’un blogueur africain pour le respect

De récentes affaires qui enflamment les réseaux sociaux africains montrent que la misogynie, l’homophobie et la discrimination des minorités gangrènent les sociétés africaines.

 

Nathalie Koah, l’ex-maîtresse du footballeur Samuel Eto’o fils, annonce la sortie d’un livre qu’elle titre «  Revenge Porn  », et dans lequel elle raconte sept ans d’union secrète avec la star camerounaise.

La narratrice y évoque les partouzes, multiples cadeaux et crises de jalousie qui aboutissent à la publication de ses photos nues sur Internet depuis Londres où évoluait l’international camerounais.

Ce livre, dont la sortie est provisoirement interdite en France suite à une plainte de l’avocat du footballeur, fait déjà l’effet d’une bombe. C’est le sujet le plus commenté ces derniers jours sur les réseaux sociaux chez les Africains.

Lynchée sur les réseaux sociaux

Nathalie Koah est traitée de tous les noms d’oiseaux, allant de «  pute profiteuse  » à des vertes et des pas mûres encore.

Son jet de pavé dans la mare qui éclabousserait la sacro-sainte image de la femme africaine ne passe pas. Les uns estiment qu’elle n’a pas le droit de salir la réputation de la star, les autres qu’il faut protéger nos «  héros  », et tous s’accordent à affirmer qu’elle donne une mauvaise image de la femme africaine.

Dans cette affaire, la jeune femme qui a vu sa nudité publiée sur les réseaux sociaux est devenue le monstre. Elle n’avait qu’à ne pas se laisser faire.

Pourquoi a-t-elle accepté les cadeaux et parties de jambes en l’air pour finir par tout déballer dans un livre  ? On ne veut pas y croire, ce ne sont que de purs mensonges. Les Africaines, les féministes, les défenseurs des droits de l’homme, bref l’Afrique se désolidarise de Nathalie Nkoah. «  Nous ne sommes pas comme ça  »…

Cette phrase rappelle la tirade homophobe de Robert Mugabe [le président du Zimbabwe, ndlr] en septembre 2015 à la tribune des Nations unies : «  We are not gays  », nous ne sommes pas gays et nous n’acceptons pas qu’on nous demande d’accorder des droits aux homosexuels.

 

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Dès qu’il s’agit de mœurs, l’Afrique forme un bloc, au nom d’une morale commune, des valeurs qui la définiraient et qui seraient la règle à ne pas transgresser au risque d’être simplement banni de la société et rejeté même par sa propre famille.

Dans certains cas de viols par exemple, mieux vaut pour la victime que l’affaire ne s’ébruite pas. Dénoncer son violeur reviendrait à devenir la risée de la société et être condamnée à ne plus avoir de mari.

Cela ressemble aussi fort étonnement à l’affaire Loubna Abidar qui joue le rôle d’une prostituée dans le film «  Much loved  » et qui est devenue la personne à abattre au Maroc, se voyant obligée de se réfugier en France.

Dans son cas aussi, on lui reproche de donner une mauvaise image de toute une société et de salir l’image de la femme marocaine.

Ce n’est pas seulement un débat d’Occidentaux

Je suis africain et j’ai envie de dire aux Africains en général et à Robert Mugabe en particulier que «  we are not gays  » est un mensonge.

Il y a des gays en Afrique ; au lieu d’essayer de camoufler cette réalité en les réduisant au silence et en les effaçant du décor, pourquoi ne pas affronter la question et y trouver des réponses  ? Des solutions africaines, dans le respect et la dignité de l’être humain.

Tous les pays sont en train d’avoir ces débats. Je suis d’accord avec les propos du président sénégalais Macky Sall répondant aux questions d’Audrey Pulvar et qui estime que :

« Chaque pays a son propre métabolisme, et évolue à son rythme. Ce n’est pas parce que le mariage gay est adopté ailleurs qu’on doit de but en blanc inscrire cela dans nos lois. »

J’ajoute cependant que ce serait se voiler la face que de dire qu’il n’existe pas de citoyen homosexuel en Afrique, alors que fait-on d’eux  ? On les enferme dans des camps de concentration  ? On les extermine  ? Ces personnes sont nos frères, sœurs, cousins, compatriotes. On a le droit de ne pas être d’accord avec elles, mais pas le droit de les condamner à disparaître. 

Au lieu de continuer à faire la politique de l’autruche, en affirmant «  we are not gays  », il est plus qu’urgent d’ouvrir le débat sur le droit et la place des homosexuels, des femmes victimes de viols, de parler de l’avortement, et des minorités en Afrique.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, ces sujets tabous qui confèrent des privilèges et protègent leurs bourreaux, sont défendus becs et ongles par certaines Africaines au nom des «  valeurs  »…

Arrêtons avec cette culture de «  nous  »

  • En tant qu’Africain, je n’accepte pas que Mugabe s’exprime en mon nom quand il dit «  we are not gays  », je sais que c’est faux, il y a bel et bien des homosexuels en Afrique.
  • De même Nathalie Koah n’a jamais dit qu’elle représentait les Africaines, quand elle écrit « Revenge porn » ; peut-être que c’est juste une écriture thérapeutique, d’autres à sa place se seraient suicidées en voyant leur nudité exposée sur le Web. En tout les cas ceux qui la condamnent sont-ils tous blancs comme neige et sages comme une image  ? «  Que celui qui n’a jamais péché lui jette la première pierre. »
  • Tourner dans un film qui dépeint des faits de société ne veut pas dire que Loubna Abidar traite les Marocaines de prostituées ou les Marocains de pervers. 

Et si on (moi y compris) arrêtait d’être hypocrites et de jouer à la sainte nitouche  ? Si on pouvait voir à travers les murs des maisons ce que chacun fait dans sa chambre, beaucoup seraient surpris.

En Afrique il existe bien des filles qui vendent leur charme, il existe bien des hommes qui payent pour des faveurs sexuelles, il existe bien des homosexuels etc. Ce n’est absolument pas un débat d’Occidentaux.

Je n’ai pas lu les extraits du livre de Nathalie Koah qui circulent sur le Web, d’abord parce que ce n’est pas vraiment mon genre de littérature, ensuite je n’aimerais pas qu’on lise gratuitement mon livre sur le Web…

Comme tous les jeunes Africains, je suis l’un des plus grands fans de Samuel Eto’o fils, je ne serais peut-être pas d’accord avec ce qui est écrit dans ce livre si je le lisais, mais comme le dit cette citation apocryphe, «  je me battrais jusqu’à la mort pour qu’elle ait le droit de le dire ».

 

Johnny Vianney Bissakonou

journaliste, blogueur

 

Source : Rue89

 

 

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