Au Burkina Faso, « les soldats voulaient s’assurer qu’il n’y avait pas de survivants »

Plus de 200 civils ont été tués à la fin de février dans le nord du pays, selon Human Rights Watch. Un nouveau massacre imputé à une armée qui ne parvient pas à contenir l’insurrection djihadiste.

Le Monde – Au moins 223 civils, dont 56 enfants, ont été exécutés le 25 février dans deux villages du nord du Burkina Faso par leur propre armée, selon Human Rights Watch (HRW). La révélation de ce massacre, l’un des pires depuis le début de l’insurrection djihadiste dans le pays, en 2015, deux mois après les faits, a été permise par les témoignages de quatorze rescapés des tueries, d’organisations internationales et de la société civile, ainsi que par l’analyse de photos et de vidéos.

A Nodin et Soro, deux villages situés à une vingtaine de kilomètres de la frontière malienne, assiégés – comme de nombreux autres – par les djihadistes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM, affilié à Al-Qaida), des « soldats ont ordonné à des personnes de sortir de chez elles » avant de les « rassembler en trois groupes – hommes, femmes et enfants – » et de leur « tirer dessus à bout portant, achevant ceux qui étaient encore vivants », selon les récits des rescapés recueillis par l’organisation de défense des droits humains. Les « individus qui s’enfuyaient » ont également été visés.

Quand les quelque cent soldats burkinabés sont arrivés, à bord de véhicules blindés et à moto, à Soro, après avoir déjà tué dans le village voisin de Nodin, « ils ne nous ont posé qu’une seule question : “Pourquoi ne nous avez-vous pas prévenus de l’arrivée des djihadistes ?” Et ils ont ajouté, en se répondant à eux-mêmes : “Vous êtes des terroristes !” Puis ils ont commencé à nous tirer dessus », raconte une femme de 32 ans, blessée à la jambe, qui dit avoir vu des « morts tomber sur [elle] ».

« Ceux qui ont survécu ont été sortis d’un tas de cadavres »

 

Plus tôt dans la matinée, à une trentaine de kilomètres au sud-est, aux abords de la ville de Ouahigouya, une attaque du GSIM contre un poste de sécurité avait causé la mort d’au moins treize Volontaires pour la défense de la patrie (VDP), des supplétifs civils recrutés massivement, après l’arrivée au pouvoir, en 2022, du capitaine Ibrahim Traoré, pour appuyer l’armée face aux djihadistes.

Le déploiement de ces miliciens n’a fait qu’attiser les violences, les terroristes augmentant la fréquence et l’ampleur de leurs attaques contre les soldats et les VDP. Ceux-ci répondant par de représailles sur des populations perçues comme complices de l’ennemi. D’après l’ONG Acled, depuis l’arrivée au pouvoir du capitaine Traoré, l’armée a tué au moins 1 300 civils lors d’opérations antiterroristes.

Selon un rescapé du massacre de Soro, seul survivant d’une famille de dix-sept personnes, tous « exterminés » ce jour-là, « les soldats voulaient s’assurer qu’il n’y avait pas de survivants, parce qu’avant de partir ils ont tiré plusieurs fois sur des personnes qui étaient déjà à terre »* « Ceux qui ont survécu, comme moi, ont été sortis d’un tas de cadavres », souligne le jeune homme de 25 ans, cité dans le rapport de HRW. Pour enterrer les 44 victimes recensées à Nodin, et les 179 autres à Soro, les habitants ont creusé onze fosses communes, certaines étant réservées aux femmes ; d’autres, aux enfants.

« Dans la quatrième, nous avons mis des enfants de 6, 7 et 8 ans », relate un résident de Soro, âgé de 23 ans, énumérant les fosses qu’il a contribué à creuser pour enterrer les siens. « Pour les septièmes et huitièmes tombes, j’étais trop fatigué pour regarder », conclut-il. HRW a pu confirmer la majorité de ces charniers à partir d’images par satellite.

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Source : Le Monde

 

 

 

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