[Tribune] – Initiative atlantique : la Mauritanie, pièce manquante du puzzle ?

Telquel.maPour mieux comprendre la démarche hésitante de Nouakchott, il est nécessaire d’analyser sa politique africaine et de mettre en lumière les avantages potentiels de son adhésion au projet marocain.

Pourquoi la Mauritanie brille-t-elle par son absence dans l’Initiative atlantique ?

Bien qu’elle partage des frontières avec plusieurs des pays concernés par l’Initiative marocaine, la Mauritanie a opté pour une approche prudente envers ce projet ambitieux. Cette prudence peut s’expliquer par divers facteurs politiques et géostratégiques.

La politique extérieure de la Mauritanie est profondément influencée par sa situation géographique, à la croisée des chemins entre les régions arabo-berbères et l’espace africain. Cette quête de légitimité tant sur le plan africain que sur le plan arabe puise son origine dans le concept de “pays-pont” entre l’Afrique noire et le monde arabe introduite par le président Mokhtar Ould Daddah dans son discours devant l’Assemblée territoriale en 1957.

La politique d’arabisation initiée à partir de 1966 par Mokhtar Ould Daddah et la reconnaissance arabe acquise dans les années 1970 ont conduit à un favoritisme de la fraction arabophone de la population, et à un déplacement du centre de gravité géographique du pays vers le nord, renforçant ainsi sa maghrébanité (1).

C’est ainsi que le Maroc et la Mauritanie nouent une politique de complicité, se partagent le territoire saharien (1975-1978) et affrontent le Front Polisario. Cependant, l’incapacité militaire de Nouakchott à faire face aux menaces sahraouies a plongé le pays dans une crise politique et économique, conduisant à la destitution du président Ould Daddah en 1978. Depuis, les dirigeants successifs déclarent leur neutralité dans le conflit opposant le Polisario au Maroc.

En 1980, la Mauritanie signe un “traité d’amitié” avec l’Algérie, rétablissant ainsi des relations diplomatiques rompues sous fond de guerre saharienne. Parallèlement, les relations avec le Maroc sont tendues puis atteignent leur paroxysme lorsque Rabat accepte de représenter les intérêts de Dakar à Nouakchott au moment où les deux pays font face à un incident frontalier sanglant (2). Le tropisme maghrébin est alors marqué par la signature du Traité de Marrakech en 1989 et la création de l’Union du Maghreb arabe (UMA) par le président Maaouiya ould Sid’Ahmed Taya.

Cependant, la rivalité maroco-algérienne et la question du Sahara limitent toute construction régionale et poussent la diplomatie mauritanienne à jouer les funambules entre les deux pays (3), et à reconsidérer son appartenance exclusive à une organisation “fidèle à sa léthargie” (4). Ainsi, d’un point de vue politique, la Mauritanie a traditionnellement cherché à préserver son indépendance et son autonomie décisionnelle dans les affaires régionales.

En outre, la Mauritanie s’engage activement dans la stabilité de la zone sahélo-saharienne depuis plusieurs années, notamment à travers sa participation au processus de Nouakchott initié par la Commission de l’Union africaine (UA) en mars 2013, afin de renforcer la coopération sécuritaire entre les pays du Sahel et la mise en œuvre opérationnelle de l’Architecture africaine de paix et de sécurité (APSA) dans la région.

De même, la Mauritanie a été un contributeur majeur à la création du G5 Sahel, une initiative regroupant les États du Sahel (Burkina Faso, Mali, Niger et Tchad) pour faire face aux défis sécuritaires dans la sous-région, avant d’acter sa dissolution en décembre 2023 après le retrait du Mali, du Niger et du Burkina Faso. La Mauritanie s’implique également dans des organisations ad hoc, telles que le Comité inter-États de lutte contre la sécheresse au Sahel (CILSS) et la Communauté des États sahélo-sahariens (CEN-SAD).

Qu’est-ce que la Mauritanie a à gagner en rejoignant l’Initiative marocaine ?

Alors que le projet d’un port en eaux profondes à Nouadhibou tarde à sortir de terre, la Mauritanie pourrait redouter que son économie, déjà fragile, ne soit pas en mesure de rivaliser efficacement avec son voisin du Nord. En effet, la création du nouveau complexe portuaire Dakhla Atlantique vise à répondre à la fois à des objectifs géostratégiques et de développement régional. Selon la Banque mondiale, l’absence d’infrastructures de qualité “ralentit la croissance des pays de 2% et limite la productivité des entreprises jusqu’à 40%” (5).

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Hamza Alami

 

 

 

Source : Telquel.ma (Maroc) – Le 19 avril 2024

 

 

 

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