De l’indécente suffisance de ces pseudo-intellectuels qui peuplent et polluent la toile

A l’inverse de nos saltimbanques du net, l’homme de culture, l’érudit se distingue par sa capacité à contenir et à dompter cette naturelle propension humaine à la suffisance et à la vantardise.

Nous sommes littéralement submergés par ce déluge de  mots savants et d’expressions précieuses puisés dans les dictionnaires ou mémorisés au vol pour faire impression, des citations douteuses qui viennent comme un cheveu dans la soupe appuyer un raisonnement plus que boiteux, une sorte de bouillabaisse littéraire infecte et indigeste. Pour avoir su régurgiter quelques mots et expressions glanés par-ci par là, nous voilà autoproclamés écrivains de notre état avec pouvoir de censure et de chantage mercantile sur tous et sur tout. Suffisants et ridicules à l’excès, l’humilité et la modestie ne sont point notre fort. Du haut de notre ignorance toute maquillée, sans cligner et sans trembler le moins du monde, nous frappons d’un jugement omnipotent tout autour de nous, ce qui entre dans l’infime étendue de nos connaissances comme ce qui relève de cet l’immense univers dont nous n’avons la moindre idée.

La littérature, l’art de l’expression autant écrite qu’orale ne réside pas dans la préciosité des mots ni dans un pédantisme qui frise le ridicule, le charme littéraire réside dans cette partition quasi musicale de la construction, de la justesse et de l’harmonie dans la syntaxe. Chez les grands écrivains, les vrais, les écrits, de quelque nature qu’ils soient et de quelque sujet qu’ils traitent sont faits des mots de tous les jours, de ce modeste vocabulaire courant. Le génie de ces orfèvres du verbe réside dans la composition syntactique de l’expression, dans l’art du choix du mot approprié et juste au regard du sens comme de la consonance.  Les écrits qui envahissent notre presse en général et nos sites électroniques en particulier sont rebutants dans leur majorité du fait de leur pédantisme primaire, mais surtout indigestes par leurs références littéraires et historiques plus qu’approximatives, voire osées. 

Bien écrire, c’est d’abord écrire simple et juste mais c’est aussi et surtout intégrer dans sa petite tête que l’on a en face de soi des intelligences à même de porter un jugement de valeur avisé sur ce que nous publions.

De nos sites francophones émergent chaque jour de nouveaux génies : littéraires, politologues, historiens, sociologues et même des voyants. Des individus sortis d’on ne sait où qui viennent nous gaver de mots et de tournures auxquels nous ne comprenons rien parce qu’à mille lieues de leur contexte. A chaque jour son lot d’articles conçus non pas suivant une démarche constructive harmonieuse sur un fond de vraisemblance, mais plutôt sous forme d’un amas d’assemblages saccadés et mécaniques de mots et de tournures tout aussi inopportuns qu’inexpressifs.

Chaque jour que Dieu crée est porteur de sa cuvée d’un vocabulaire tiré du fond des tripes de monsieur Pierre Larousse pour subjuguer je ne sais qui et dont l’auteur va sans gêne aucune s’empresser, sous multiples pseudonymes de s’auto congratuler. Pour couronner le tout, viennent en rajouter par stupidité et par mimétisme nos courtisans professionnels en s’émerveillant devant ces « chefs d’œuvre » de la bêtise humaine. Porté au firmament d’une gloire toute fictive, notre génie sombre alors dans une jubilation enivrante, oubliant un instant sa misère quotidienne. Misère du fond d’un comble de banlieue parisienne ou de province, d’un squat quelque part dans ce vaste monde en attendant que sa triste condition le fasse redescendre de son nuage. Demain comme hier, pour vilipender quelqu’un ou monnayer une convoitise, il remettra son ouvrage sur le métier, le temps de s’enflammer encore quelques instants sous l’emprise d’une mythomanie quasi congénitale.

De grâce, parlons et écrivons le français du commun des mortels, ce beau français avec ses mots simples, ses expressions sobres et justes. Il reviendra dès lors au seul virtuose doublé du fin orfèvre que nous sommes de donner à notre composition toute la réceptivité à l’intellect et à l’ouïe. Quant aux références historiques et littéraires avancées à l’appui de cette abondante littérature, il serait bien judicieux d’en vérifier l’authenticité tout autant que l’opportunité contextuelle.

Quand on se prend pour le nombril du monde, que l’on observe et toise ses semblables du haut de son univers théâtral, l’on ne s’encombre généralement pas de l’effort minimum requis pour donner à son écrit un semblant de ligne logique, plausible ou tout au moins pour l’inscrire dans le bon sens commun.

Ainsi va notre Sisyphe dans son cycle infernal, un jour génie créateur dans sa bulle faite d’illusions et de chimères avant la chute du lendemain qui va le ramener à sa condition réelle, faite celle-là de cette misérable et immense solitude.  

C’est ainsi que d’inepties en délires, nos illuminés entament leur descente irréversible vers une forme d’excentricité intellectuelle quasi démentielle. 

A refuser de garder les pieds sur terre, l’on risque pour de bon, d’élire domicile dans les nuages !

BABY Houssein

 

(Reçu à Kassataya le 13 février 2016)

 

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