Mauritanie : l’éradication de l’esclavage à l’index

En adoptant cette semaine à Nouakchott un projet de loi portant sur l'incrimination de l'esclavage et réprimant les pratiques esclavagistes, le gouvernement de Ould Hademine entend traduire dans les faits la feuille de route de mars 2014 recommandée par les Nations-Unies pour éradiquer l'esclavage en Mauritanie.

 

Mais pour les ONG nationales et internationales et organisations des droits de l'homme ce dispositif gouvernemental est nécessaire mais pas suffisant.

Le tribunal spécial pour juger les crimes et l'agence nationale « Solidarité » pour l'insertion des Haratins dans la société mauritanienne sont des leurres si la loi n'est pas appliquée. Pour les observateurs ce projet de loi intervient au moment où le régime de Ould Aziz a déjà passé à l'offensive en mettant hors d'état de nuire le plus farouche opposant de Ould Aziz et leader incontesté anti-esclavagiste et candidat malheureux aux dernières présidentielles Ould Abeid condamné à 2 ans de prison.

L'esclavage est un crime contre l'humanité. C'est incontestable mais en Mauritanie ce fléau est banalisé par les pouvoirs publics qui ne l'ont aboli qu'en 81 puis par la loi de 2007. Enfin par ce nouveau projet de loi qui vient d'être adopté le 2 avril dernier par le gouvernement de Ould Hademine. Il s'agit donc de traduire dans les faits la feuille de route recommandée par les Nations-Unies pour éradiquer l'esclavage en Mauritanie devenue le pays le plus esclavagiste du 21ème siècle avec 20 pour cent de sa population concernée. Une hypocrisie longtemps tenue en secret par tous les locataires de la Maison brune depuis l'indépendance en 1960. Dans un pays aujourd'hui où les anciens maîtres des Hratins se sont transformés en lobbies politiques et économiques pour maintenir leur domination sur tout le pays la solution devient un casse-tête. Force est de constater que cette nouvelle loi ne fait pas l'unanimité au sein des ONG nationales et internationales lesquelles n'ont pas été consultées pour l'élaboration de la feuille de route vivement recommandée par les Nations-Unies. Les observateurs y voient une façon pour le régime de Ould Aziz de gagner du temps et tactiquement le meilleur moyen d'éliminer ses rivaux de l'IRA dont son président Ould Abeid et 4 de ses militants irréductibles anti-esclavagistes qui croupissent actuellement en prison pour avoir manifesté contre le plan d'accaparement des terres de la Vallée du Fleuve Sénégal au profit d'investisseurs étrangers. Personne n'est dupe. L'éradication de l'esclavage ne passe pas seulement par la loi.Il suffit de l'appliquer aussi.

C'est dans ce sens que le tribunal spécial pour juger les crimes peut avoir une portée mais dans un pays où ce sont les anciens maîtres qui sont des juges il y a peu de chance que les plaintes aboutissent. De même la création d'une agence nationale « Solidarité » pour l'insertion des Hratins ne peut être efficace que si elle est indépendante et dotée de moyens véritables pour faire face l'analphabétisme et l'illettrisme des populations ciblées.C'est un double pari auquel est confronté Ould Aziz. Les mauritaniens attendent de lui un président de tous les mauritaniens et non d'une seule communauté. Il n'est pas trop tard pour rectifier le tir à moins qu'il préfère toujours la copie originale de ses prédécesseurs.

Bakala Kane

 

(Reçu à Kassataya le 4 avril 2015)

 

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