Coupe du monde et PIB : des théories que le jeu africain confirme

Michel Platini avait allumé la mèche en 2002 en liant football et PIB. Le coup de griffe des Lions de la Teranga face à une France championne du monde cinq ans plutôt viendra, vite, enterrer la théorie du futur président de l’UEFFA. Mais le mal était déjà fait. L’idée avait fait son chemin dans les esprits. Il est vrai que le football n’était plus seulement un sport mais l’expression d’un degré d’organisation quasi- scientifique. Où la coordination des efforts prend le pas sur le talent individuel.

 

Dans la fosse aux lions, c’est la meute la plus organisée qui gagne. Les lions, qu’ils soient faméliques ou dodus (voir les Futurs africains du professeur Alioune Sall), meurent non pas de n’avoir pas couru vite mais de s’être dispersés.
 

Ainsi de la fessée infligée aux émotifs camerounais par des mexicains peu techniques mais très tactiques. De la douche froide des Fennecs poétiques par des Diables rouges pétris dans une rigidité où ne brille aucune star. Aux rush solitaires des nigérians s’est opposée la remontée coordonnée d’un collectif iranien en symbiose avec son coach. Les équipes africaines péchent par inorganisation. La seule victoire africaine, aux couleurs ivoiriennes, a été arrachée par le talent d’une équipe qui en a à revendre et qui serait déjà victorieuse du trophée n’eut été cette dangereuse manie à l’improvisation qui limite l’horizon des éléphants. Pour aller loin, les sélections africaines doivent se réconcilier avec l’écologie en calculant leur empreinte carbone. Le moins d’énergie dépensé pour le maximum de résultats.

Bref, l’on remarquera furtivement que les cinq pays qui représentent l’Afrique au Brésil se qualifieraient aussi en phase finale de coupe du monde de l’Economie. Ainsi, le Cameroun et la locomotive de la CEMAC, l’Algerie, deuxième économie du continent, Le Nigeria, 7e exportateur de l’or noir, le Ghana, nouvellement pétrolier, a eu l’honneur de la première visite de Barack Obama en Afrique. Quant à la Côte d’Ivoire, dont la victoire contre le Japon sonne comme un exploit, elle n’est ni plus ni moins que la première économie de la Zone UEMOA avec 40% du PIB de l’Union et 50% de sa monnaie en circulation.

Intraitables sur le continent africain, ces équipes peinent actuellement à la coupe du Monde. On ne le dira jamais assez, ce n’est pas la talent qui fait défaut à la tanière mais l’organisation scientifique du travail. Oui, le Fordisme existe en football et il suffit de suivre Mourinho pour s’en convaincre.
 

Dans le jeu camerounais, la constellation de diamants bruts et de pépites donne une équipe lourde et empruntée qui peut toujours être sauvée par un exploit individuel. Mais, Samuel Eto’o, pas plus que Tidiane Thiam de Prudentiel ne peut offrir Solvency II à la zone CIMA, ne peut à lui tout seul qualifier une équipe. La réponse est forcément collective, dans la coordination, la concertation et le dialogue. Ce n’est pas la qualité des individus qui fait défaut à ces Camerounais. C’est l’image qu’ils donnent au reste du monde.

Vu de loin, cette équipe souffre de graves problèmes de communication. Le représentant de la Fecafoot et le pompeux “Communication Officer” de l’équipe nationale camerounaise en sont venus aux mains devant des journalistes brésiliens effarés. Il ne fait pas de doute que le sélectionneur a perdu la décisive bataille de l’autorité face à un staff et à des joueurs qui usent des médias sociaux pour régler des comptes ou se justifier devant l’opinion publique d’un pays au millions d’entraîneurs.

Quand un Samuel Eto’o, incontestablement l’un des meilleurs attaquants de sa génération, se permet de “tweeter” sur son absence avant le verdict du staff médical, l’on se dit que cette Afrique là est bien loin du football gothique allemand fait de silence, d’efforts et d’humilité. En 1982, les français qui affrontaient l’Allemagne ne savaient pas sur quel genou le redoutable Remmenigge était diminué. Petit détail qui vaudra de l’or quand les dieux du football, après avoir pendant longtemps promis le paradis aux Bleus (qui menaient 3 à 1 à 9 minutes de la fin des prolongations) décideront sans état d’âme de favoriser l’Allemagne et le même Remenigge, auteur d’un but décisif qui sonnera le retour, l’égalisation et, après la cruelle épreuve des tirs au but, la victoire allemande. Ce fut la leçon de Séville. Les allemands ont cru en eux jusqu’au bout fournissant au football l’un de ses axiomes d’Euclide. Les italiens triompheront des allemands en finale grâce à un catenaccio pétri de réalisme, dompteur du Brésil de Zico et de Socrates dans une demi-finale épique qui restera l’un des plus beaux match du football.
 

A partir de cette Coupe du Monde, le football a rompu avec la poésie insouciante des Pèlé et Cruyf. Le talent se doubla de la roublardise pour donner la “main de Dieu” qui élimina l’Angleterre de Lineker en 1986. Maradona sera cette hirondelle qui, alors que les schémas tactiques préconisaient discipline et “contrôle -passe”, déjouera la vigilance allemande lors d’une finale renversante. Quatre ans plus tard, El Pibe del Oro assistera au triomphe allemand.Inconsolable, il sombrera dans les interdits. Cuit footballistiquement parlant à 33 ans, Maradona est le nouveau Christ d’une église argentine à la recherche de la rédemption.
 

Depuis le jeu s’est durci, devenant plus tactique, privilégiant la victoire au beau jeu. Il faut dire que les montants colossaux consacrés à ce sport poussaient nombre d’entraîneurs à flirter avec la formule qui a conduit Laurent Gbagbo à la Haye: on gagne ou on gagne. La victoire ou l’échafaud comme autrefois les premiers ministres Ottomans qui prenaient leur fonction en enjambant la tête tranchée de leur prédécesseur. Le football est devenu un champ de guerre avec ses poilus, ses estropiés, ses intox et ses généraux stoïques bien à l’écart, pouvant décider de la victoire finale sur un coup de génie Napoléonien, du genre de la prise du plateau de Pratzen.

Si le lien entre le sport roi et la somme des valeurs ajoutées n’est pas évident, rien n’empêche cependant de tirer les constante suivants :
 

– Les équipes qui gagnent sont les plus organisées et non les plus talentueuses.
– Tous les vainqueurs de ce trophée sont soient des pays industrialisés soient des émergents maîtrisant l’organisation scientifique du travail.
– En football tout est possible dit-on. Certes, mais rien n’est possible sans organisation. Et c’est là où péchent  les sélections africaines, à l’image de leurs économies.

 

Biennommé John Maynard Foundi

 

Source : Financial Afrik

 

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