Amane mint Abdel Kader ou l’histoire d’un lynchage si mauritanien / Par Mariem Derwich

Pour être passée par là, j’imagine, je ressens au plus profond de moi ce que doit ressentir cette belle et sportive jeune femme, insultée, vilipendée parce qu’elle a osé jouer au foot dans l’équipe nationale féminine sans couvrir ses cheveux ni ses jambes alors qu’elle est biddhaniyya.

J’ai tout lu sur elle depuis plusieurs jours.

Son cas rappelle que nous n’en avons pas terminé avec l’exclusion des femmes, nonobstant notre vernis  » féministe ».


Il rappelle aussi que le fait d’être « mauresque » prime d’abord aux yeux de certains. Cette « primauté » à relents pseudo raciaux révèle le racisme profondément ancré chez certains, racisme qui fait réagir sur l’habillement d’une « mauresque » et pas sur celui de ses consoeurs footballeuses noires.

Ce racisme abject qui sous tend et qui dit là que des noires jambes nues et têtes nues ce n’est pas grave car ces jambes et ces têtes sont noires, n’est-ce pas ( et par noires j’entends non appartenant à la sphère « Maure ») et que les propriétaires de ces mêmes jambes et têtes ne sont pas vraiment considérées comme « musulmanes » (Oh Bilal, t’ont-ils oublié, toi le premier des Compagnons???). De la religion à géométrie variable et épidermique.


Parmi les défenseurs de la joueuse j’entends aussi dire que cette jeune femme n’a pas grandi en Mauritanie, donc qu’elle joue ainsi car non habituée aux « coutumes ». Hum, hum.


D’autres avancent, dans leur désir louable de la défendre, qu’elle a eu l’accord de son mari et de son père, donc qu’elle peut jouer. Vision patriarcale où l’assentiment d’un mâle de la famille fait office de blanc seing. Là aussi vision qui fait de la femme un être mineur soumis à un tuteur. Encore et toujours. Encore et toujours. Femme, mineure jusqu’à sa mort. Femme objet de tous les fantasmes. Même les plus ignobles.


Femme mineure.


Le cas d’Amane mint ABdel Kader est une représentation de notre mode de pensée et de notre mode de vie. Il pointe du doigt nos visions schématiques, nos projections, nos rapports aux autres et à nous-mêmes, nos racismes si profondément ancrés que nous considérons avoir le droit de tout dire, d’insulter, de mépriser, sous le prétexte fallacieux de la religion.


Amane mint Abdel Kader ou l’histoire d’un pays et de sociétés qui n’en finissent pas d’être immobiles, immobiles et ignorantes.


Et comme notre Justice joue la danse des 7 voiles qui rendra justice à notre footballeuse, qui lui rendra justice alors qu’elle est insultée, en tant que citoyenne, en tant que femme ?


Ce grand écart permanent entre le religieux et le laïc permet et favorise la parole haineuse au détriment de la victime.


Tfou….

Mariem Derwich

Facebook – Le 21 janvier 2020

 

Les opinions exprimées dans cette rubrique n’engagent que leurs auteurs. Elles ne reflètent en aucune manière la position de www.kassataya.com

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page