La société sans jeunesse

L’on se demande souvent pourquoi les vents du changement si bavards sous d’autres cieux sont muets en Mauritanie. Mon hypothèse d’apprenti sociologue est que la frange du peuple par laquelle arrivent les changements est absente chez nous. Nous sommes une société sans jeunesse !

Car le propre d’une jeunesse est d’être dans la subversion et dans la contestation de l’ordre établi. Non pas seulement la contestation de l’ordre politique d’ailleurs, mais aussi celle de l’ordre social et moral.

Et c’est cette dimension de la subversion qui rend la jeunesse poreuse aux idées nouvelles et à l’envie de renverser la table des valeurs dans une société. Or nos jeunes à nous, ont asséché toutes les utopies qui auraient pu faire le lit de leur insouciance. Ils sont trop « réalistes » pour porter un quelconque changement, à fortiori pour taquiner l’emphatique expression du « Grand soir ».

Le rapport de la plus part des jeunes leaders d’opinions mauritaniens à la chose publique est souvent une pâle copie de celui que les plus vieux entretiennent avec celle-ci. D’ailleurs leur rapport à ces anciens eux-mêmes est davantage un rapport de mimétisme qu’un rapport de contestation. Ils parlent comme eux, rêvent comme eux, et les singent jusque dans leur rapacité. Il n’est d’ailleurs pas étonnant que la plus part de ceux que nous nous entêtons à appeler « jeunes » ont la trentaine largement entamée, voire caressent l’horizon de la quarantaine. Ceci explique peut-être cela… Ils sont souvent eux-mêmes déjà pères ou mères de familles, pris jusqu’au cou dans les préoccupations des plus anciens que leur supposé esprit de subversion aurait pourtant dû bousculer.

A défaut de pouvoir le faire, les voilà qui vieillissent dans les éléments de langage. Entendez-les discourir et vous vous trouvez trop immatures. Trop impertinents ! Que contestent-ils dans notre société à part ce qui est politiquement correct de contester ? C’est à croire que l’ordre social et surtout moral, pourtant lourd d’une pudibonderie ronflante à vous ennuyer un moine, leur convient à merveille. D’où la fanatisation rampante des esprits qui caractérisent de plus en plus la société mauritanienne. Comme il n’y a aucun courant de jeunesse pour servir d’anticorps social à l’obscurantisme, les interprétations les plus burlesques de notre texte sacré par exemple, trouvent facilement échos dans notre société. Qui pour oser une quelconque remise en cause même des prédications les plus fantaisistes ? Personne ! Car la jeunesse chez qui en principe l’esprit critique et la curiosité auraient du conduire à rechercher des hypothèses alternatives est hélas trop préoccupée à être convenable.

Il reste à espérer que notre lumineux système éducatif nous prépare des générations plus porteuses d’espoir. Osons le rêve!

 

Bocar Oumar BA

Facebook – Le 29 octobre 2017

 

 

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