A la Mémoire de Docteur Abdallah CHAITOU (1962-2009)

« Le véritable lieu de naissance est celui où l’on a porté pour la première fois un coup d’œil intelligent sur soi-même »

Voilà déjà sept ans nous quittait Ad vitam Aeternam l’une des grandes figures de la jeunesse du Gorgol, Docteur Abdallah CHAITOU. Nous nous en souvenons.

Ce 2 avril 2009, naissant à la prière d’« El Dohr » ma fille Oum Sallama et décédait à la prière d’ « el Asr » mon ami d’enfance Abdallah comme pour me rappeler ce passage de la sourate 30 AR-RUM (LES ROMAINS :19) :
« Du mort, Il fait sortir le vivant, et du vivant, Il fait sortir le mort. Et Il redonne la vie à la terre après sa mort. Et c'est ainsi que l'on vous fera sortir (à la résurrection) ».

Natif du Liban, il avait suivi ses parents dans leur pérégrination africaine qui les avait conduits au Sénégal puis en Mauritanie.

Après de brillantes études primaires et secondaires à Kaedi-Dimbe – sa « ville d’adoption », comme il se plaisait à le rappeler, il avait fait sa médecine tropicale à Dakar et sa spécialité en hématologie en Côte d’Ivoire.

En dépit de l’appel au grand air et des propositions financières alléchantes, il avait préféré retourner « chez lui » pour y exercer son sacerdoce. Son parcours universitaire exceptionnel et son « patriotisme régional » l’avait poussé à choisir de servir kaedi et à Kaedi alors que la plupart des hauts cadres d’ici ou d’ailleurs choisissaient d’exercer à Nouakchott ou de s’expatrier.

Affable à souhait, fidèle en amitié et d’une grande générosité celui qu’on surnommait affectueusement « le médecin des pauvres », que je dénommais la « passerelle des cultures » tant il était proche de toutes les communautés, excellait dans le soutien inconditionnel aux indigents et professait à la lettre le serment d’Hippocrate.

Ce grand militant de la tolérance m’avait fait partager avec surprise sa passion pour Voltaire et m’avait appris par cœur cette célèbre supplique de l’auteur du « Traité sur la tolérance » à son Créateur : « Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, entre toutes nos lois imparfaites, entre toutes nos opinions insensées, entre toutes nos conditions si disproportionnées à nos yeux, et si égales devant toi ; que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution… Puissent tous les hommes se souvenir qu’ils sont frères !(…). »

Il prenait un soin particulier des autres qu’il s’agisse de son entourage ou des rencontres éphémères, avait le sens de la solidarité et savait pimenter la vie. Avec lui, il fallait « d’abord savoir ce que l’on veut, ensuite avoir le courage de le dire, et enfin l’énergie de le faire ».

Cette extrême rigueur ne l'empêchait pas d'avoir un humour très "fuutanke", toujours ponctué par un rire malicieux, qui accentuait l'élégance et la sincérité de ses propos. Enfin, il vivait debout dans sa rectitude, son honnêteté intellectuelle, et son honnêteté tout court. Un grand médecin, un ami sincère et un homme de grandes qualités qui s'en va rejoindre ceux qui lui ressemblent, toujours disparus trop tôt, pour les vivants que nous sommes.

Son enterrement avait mobilisé et ému toute une région.

Que la terre de Kaédi qu il chérissait tant lui soit légère et que son âme repose au paradis.

« Memento, homo, quia pulvis es et in pulverem revertis: Souviens toi, homme que tu es poussière et que tu retourneras en poussière » (Genèse, III, 19)

Daouda Sow
Chercheur Mauritanien
Tunis -Tunisie

 

(Reçu à Kassataya le 5 avril 2016)

 

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