Au Sénégal, Khadija Aisha Ba propose une relecture déjantée de vêtements traditionnels

Dans sa boutique située au cœur de Dakar, la styliste de 38 ans a réussi à imposer L’Artisane, sa marque haut de gamme.

Le Monde – C’est « la fille au foulard » comme on l’appelle depuis l’enfance. Khadija Aisha Ba ne se présente jamais sans un turban qui semble s’enrouler au-dessus de sa tête jusqu’au plafond. Ce morceau de tissu, souvent aux couleurs scintillantes, est devenu sa signature visuelle.

Cette styliste de 38 ans, en boubou, baskets et aux imposantes boucles d’oreilles créoles, est l’un des visages incontournables de la mode au Sénégal qui a su imposer, en quelques années seulement, une vision décalée de vêtements ou d’objets traditionnels de son pays. Il suffit de se balader au Sandaga, sa petite boutique haut de gamme, située au Plateau, coin claquant de Dakar, pour comprendre le monde déjanté de cette créatrice et de sa marque L’Artisane, lancée en 2018.

Le Sandaga, du nom du marché local de la capitale, est un aller-retour entre son passé et son pays qu’elle cherche à magnifier. Sur les murs, des photos en noir et blanc de sa famille côtoient d’autres cadres dans lesquels sont écrits des proverbes en wolof. « Mieux vaut se partager un bœuf que chacun parte avec un poulet », peut-on lire sur l’un d’eux. Plus loin, sur des étagères, s’étalent de la vaisselle chinée à Paris et des bagues au volume démentiel dont certaines ont été fabriquées à partir d’un chandelier de sa mère. « Il était cassé, je me suis dit : “Pourquoi ne pas en faire des bagues” », lance-t-elle. Et pourquoi pas.

Sur des cintres, des boubous brodés portent des noms aussi fantasques que leur créatrice : le « boubou camouflage » à cause de son motif militaire, le « boubou zèbre » ou encore le « boubou burger » parce qu’il est orné d’un énorme écusson en forme de sandwich américain, trouvé sur un étal de Dakar. « Le commerçant en avait 150. Ça traînait depuis des années dans un carton. J’ai tout acheté », raconte Khadija Aisha Ba. Et c’est elle qui tient à coudre ce patch sur la robe une fois confectionnée.

 

Du fait main

 

« Plus jeune, quand je portais le boubou de ma grand-mère ou de mon grand-père, on se moquait de moi, on me disait que je m’habillais comme une vieille. Moi, je veux le rendre cool », assure-t-elle. Aujourd’hui, le « boubou burger » est son « best-seller », vendu à 250 000 francs CFA (380 euros). Il y a quelques jours, elle a expédié une commande à Sydney. Les premiers modèles, fabriqués en 2018, ont mis deux ans avant de se vendre.

Il a fallu que des vedettes internationales comme la mannequin britannique Naomi Campbell se prennent en photo dans l’une de ces tuniques relookées sur Instagram, pour que les Sénégalaises – et Sénégalais – se les arrachent. « C’est dommage qu’on attende que des créations africaines soient validées en Europe ou aux Etats-Unis pour les porter chez nous, regrette-t-elle. La mode africaine sera boostée quand les Africains iront réellement consommer africain. »

Dans sa boutique, elle croise parfois des clientes – surtout de la diaspora – heureuses de porter du Louis Vuitton ou du Dior, mais qui négocient des rabais pour s’offrir quelques articles. Ça l’agace car ses vêtements – et même les emballages – sont faits main. « Je préfère qu’elles n’achètent rien et qu’elles viennent juste pour sentir l’odeur de l’encens. Je veux les obliger à comprendre que le fait main a une valeur, s’emporte-t-elle. Moi, je l’ai compris en France. »

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(Dakar, envoyé spécial)

Source : Le Monde

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