Monsieur Aziz (re) fait de la politique / Par Tijane BAL

Qu’il inspire de la sympathie ou des réserves, il est difficile de contester à M. « Aziz » une certaine singularité politique. Celle-ci est imputable à des facteurs d’inégale importance.

 

M. Mohamed Ould Abdel Aziz est un ancien président ayant, selon la formule consacrée, quitté le pouvoir volontairement. Il est à ce titre notamment le seul en situation de prétendre à une reconquête du pouvoir. Sans des démêlés dont on peine à dissocier les dimensions politique du volet judiciaire, l’ancien chef de l’Etat aurait quelque légitimité pour armer une quête de comeback. Du moins en théorie. Resterait à en discuter les modalités. L’épée de Damoclès pesant sur lui pourrait toutefois chahuter ses plans éventuels. En attendant, comme si de rien n’était, peut-être parce qu’il voit s’étrécir la voie, l’ancien puissant emprunte les routes vicinales. Son escapade française s’inscrit dans cette démarche. Une démarche qui ne marque pas d’originalité voire, aux yeux de certains, de courage. Le signataire de ces lignes lui concède volontiers un certain panache.

« Aziz » a tout l’air d’un homme seul. C’est de solitude politique qu’il s’agit ici. Ce qui, en nos contrées, est le lot de ceux que le pouvoir a désertés et qui sont contraints à la traversée du désert. La sienne a été scandée par l’étape prison. Il ne semble pas que l’ancien homme fort soit soutenu par un parti qui compte, ni même par une organisation qui puisse en être le faux nez. Il ne peut, cela va sans dire, se prévaloir d’un quelconque mandat électif. Le seul capital sympathie qu’il pourrait fructifier ne pourrait provenir que du souvenir qu’il a laissé lorsqu’il était en responsabilité. Pour le moins mitigé. De ce point de vue, l’homme ressemble aux anciens sportifs de haut niveau ayant raccroché et qui ne sont célébrés que pour ce qu’ils firent et ce qu’il en reste. Le souvenir donc.

Ayant peut-être mesuré les nombreux handicaps dont il est affligé, «Aziz» a compris qu’il n’avait d’autre choix que celui de faire de la politique, d’aller à la rencontre de l’opinion, fût-elle d’opposition. Il faut se résoudre à faire de la politique à l’ancienne, la corporelle, à peine ou si peu servie par les loupes grossissantes que sont les réseaux sociaux. Du moins à un certain stade. La politique du corps à corps, qui se vit dans des petites salles de réunion. Il ne manque que les ronéos et les tracts.

Autant dire que l’homme fort d’hier tente, quelquefois non sans risques, des choses. Et d’abord d’oublier la facilité que procure le fait d’évoluer dans les zones de confort qui, dix ans durant, furent les siennes. Celles des vrais faux meetings, mais vraies messes d’autocélébration, avec vrais faux applaudissements et chauffeurs de salles préposés à la claque, des rencontres factices parce que libres de contradictions dignes de ce nom, des conférences de presse bidonnées, des interviews de complaisance pour questions téléphonées. «Bordeaux» fut le contrepied de tout cela. Il fallait se pincer pour croire à cette séquence d’un ancien responsable des FLAM interpellant, à seulement quelques mètres de lui, l’ancien président. Avec courtoisie mais sans complaisance.

Inimaginable il y a peu. Ce que l’on a vu à Bordeaux avait des allures d’une authentique « délibération » en ce que l’ancien, et peut-être futur, occupait une position de fragilité, qu’il s’adressait à des personnes sur lesquelles il n’avait pas prise, qu’il n’était en situation ni de sanctionner ni de  rétribuer. On est loin des campagnes de faux-semblants qui sont, sinon la marque de fabrique, du moins un avatar du débat public continental. Tout cela pourquoi est-on tenté de demander ? Qui sait ? Serait-ce pour prouver qu’on peut redevenir après avoir été et que par conséquent il n’est pas vrai qu’on ne peut être et avoir été.

 

 

 

 

Tijane BAL pour Kassataya.com

 

 

 

 

 

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