Mauritanie – Manifestants et manifestants / Par Tijane BAL

Quelle lecture avoir des  manifestations récentes de parents d’élèves en réaction à l’obligation légale d’inscrire leur progéniture en première année du primaire à l’école publique ? La première tient de la réaction d’étonnement. Il est en effet déroutant que la loi doive édicter ce qui devrait tenir du principe et relever de l’ordre normal des choses. La seconde conduit à prendre la mesure de la désaffection dont l’école publique semble être malheureusement l’objet.

Agrégeant la cascade d’initiatives suscitées durant la période récente par les mesures touchant au système éducatif, certains ont cru y déceler un lien qu’ailleurs on traduirait par convergence des luttes. Cette conclusion fait débat. Si convergence il y a, elle est purement «objective». Que ceux qui ont battu le «pavé» à tour de rôle aient en partage d’avoir mal à leur école publique, d’en concevoir une opinion mitigée, ne fait pas l’ombre d’un doute. Que cette école soit jugée comme ayant failli dans sa mission d’éveil, d’instruction, d’éducation, de formation mais également d’intégration et d’édification d’un creuset est une idée partagée.

Il faut dire que la prédilection de parents aisés et/ou en position de pouvoir à inscrire par préférence leurs enfants dans les établissements privés n’est pas de nature à infléchir cette conviction.  Au surplus, cette inclination alimente le sentiment que les initiateurs des réformes, en l’espèce du système éducatif, sont les premiers à s’en affranchir.

Ces constats ne doivent pour autant faire obstacle aux distinctions utiles. Quitte à procéder de manière sommaire. Dans cette perspective, on peut observer que, par leur profil sociologique apparent, pour n’évoquer que celui-là, les manifestants de ces jours-ci n’ont rien à voir, ou alors si peu, par leur requête, avec leurs devanciers des jour précédents quêtant l’officialisation des langues nationales. Dans ce dernier cas, le caractère identitaire-sans que le mot revête ici la moindre connotation péjorative- politique et culturel de l’action est évident.

Ce qui, en revanche, semble transparaître dans les dernières manifestations, c’est d’abord le statut social présumé des acteurs. On peut en effet imaginer que ceux qui revendiquent le droit d’inscrire leurs enfants dans le privé sont aussi ceux qui sont en mesure d’en supporter la charge financière subséquente.

A la différence de ce qui s’est vu ailleurs il y a près de 40 ans, la demande d’école privée en Mauritanie est expurgée de toute charge confessionnelle. Dès lors, seules les considérations utilitaristes et pragmatiques d’efficacité et de réussite la justifient. L’école privée est jugée plus performante. Dès lors, ceux qui courent après elle fuient aussi ce faisant l’école publique. C’est triste mais c’est ainsi. Mais seuls courent ceux qui en ont les moyens et le choix. Les autres font avec ce qu’ils ont.

Il y a donc ceux qui manifestent en faveur de l’école privée et ceux qui manifestent en quête d’école tout court. Pour paraphraser un esprit aiguisé, les uns et les autres parlent du même endroit mais pas du même côté.

 

 

Tijane BAL pour Kassataya.com

 

 

 

 

 

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