Aux Etats-Unis, le coronavirus met les inégalités raciales en exergue

Afro-Américains et Latinos sont surreprésentés dans les décès liés au Covid-19. Le résultat surtout de politiques discriminatoires

Inégaux face au coronavirus? Aux Etats-Unis, Afro-Américains et Latinos meurent de façon disproportionnée du Covid-19. Ce constat a été fait dans plusieurs villes et Etats. Dans l’Illinois, par exemple, 42% des morts du coronavirus sont des Noirs, alors qu’ils ne représentent que 14% de la population. A Chicago, les Afro-Américains, qui composent un tiers de la ville, constituent 72% des décès.

«Grandir pauvre et noir»

 

Depuis plusieurs jours, le débat s’enflamme. La pandémie ne fait que raviver des plaies béantes: discriminées, les minorités en paient aussi le prix sur le plan de la santé. Une des explications de cette surreprésentation est d’ordre socio-économique. «Je fais moi-même de l’hypertension. J’ai une maladie du cœur et j’ai déjà passé une semaine en réanimation à cause d’un problème cardiaque. Je fais de l’asthme et je suis prédiabétique. J’illustre ce que c’est que de grandir pauvre et Noir en Amérique»: sur CBS, Jerome Adams, le médecin en chef des Etats-Unis, a été très clair. Il a rappelé que les Noirs sont «plus susceptibles d’avoir du diabète, ainsi que des maladies du cœur et des poumons» et fait le lien avec la pauvreté. Jerome Adams, c’est l’homme qui apparaît régulièrement, en uniforme militaire, aux côtés de Donald Trump lors des points presse quotidiens de la Maison-Blanche sur la pandémie.

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Les populations pauvres ont tendance à se nourrir de façon peu équilibrée et peuvent ainsi développer des pathologies, pas toujours bien soignées, par exemple l’obésité. L’accès aux soins fait par ailleurs souvent défaut dans les quartiers précaires. Et près de 27 millions d’Américains sont sans assurance santé, car ils ne répondent pas aux critères pour bénéficier du programme Medicaid pour les plus défavorisés et ne peuvent pas non plus se payer des assurances privées. Ces personnes-là ont tendance à ne pas aller consulter. Elles peuvent tomber dans les catégories à risque lors de pandémies.

Mais il y a également d’autres explications. La précarité induit parfois aussi une plus grande promiscuité dans les logements et rend les mesures de confinement plus difficiles à respecter. Enfin, ceux qui effectuent des petits métiers indispensables en ces temps de confinement, mais plus exposés, comme les facteurs, les concierges, les livreurs ou les chauffeurs de bus, sont souvent des Noirs ou des Latinos.

Le facteur du stress

 

Professeure de sociologie à la Washington University de Saint-Louis (Missouri), Hedwig Lee n’a pas été surprise par les disparités constatées au niveau des taux d’infection et de décès liés au Covid-19 et le fait que les Afro-Américains, les Latinos, mais aussi les Amérindiens sont plus touchés. Sur les 24 personnes décédées dans sa ville, 19 étaient des Afro-Américains et une d’origine latino, précise-t-elle. «Il est essentiel que nous comprenions que ces disparités sont le résultat d’une histoire de politiques et de pratiques raciales discriminatoires qui ont mis les populations minoritaires en danger sur les plans sanitaire et économique bien avant l’apparition du Covid-19», souligne la spécialiste.

Vivre ensemble au temps du Covid-19

 

Elle rappelle que les minorités ont souvent été repoussées dans des zones d’habitation plus polluées, avec moins d’accès à des endroits sûrs pour faire de l’exercice et acheter des aliments sains. «La ségrégation raciale a également un impact sur la qualité des écoles et l’accès à des emplois bien rémunérés, ce qui limite la réussite économique des populations de couleur.» Elle mentionne encore le stress lié aux contrôles de police et aux discriminations subies, qui peut affecter la santé mentale et physique.

Mortalité des femmes enceintes

 

Il faudrait faire davantage «pour résoudre les problèmes structurels qui touchent ces populations, notamment en adoptant des politiques économiques, éducatives et environnementales ciblées», insiste-t-elle. «Ces problèmes doivent être appréhendés à grande échelle afin de ne pas blâmer les victimes.» C’est justement ce que revendique une organisation de défense des minorités, qui invite les autorités sanitaires fédérales à «publier immédiatement des données ethniques et raciales» sur la pandémie, au niveau national, pour mieux cerner le problème.

Ces mêmes inégalités se retrouvent par exemple aussi dans le domaine de la mortalité des femmes enceintes. En 2015, un rapport de l’OMS relevait qu’aux Etats-Unis, les femmes noires étaient trois à quatre fois plus susceptibles de mourir en couches ou des suites de complications liées à la grossesse que les Blanches. Un taux confirmé par une étude publiée en 2019 par le Center for Disease Control and Prevention. A New York, les chiffres sont affolants: une Afro-Américaine y risque 12 fois plus qu’une Blanche de ne pas survivre à sa grossesse ou à son accouchement.

Si les problèmes cardio-vasculaires et les maladies chroniques comme le diabète et l’hypertension sont souvent à l’origine de ces décès, Belsie Gonzalez, porte-parole du CDC, évoque également le «stress de l’expérience afro-américaine». Plusieurs études ont démontré que les femmes noires sont moins prises au sérieux quand elles expriment des douleurs.

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Valérie de Graffenried
Source : Le Temps (Suisse)

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