Coronavirus : la chloroquine testée avec prudence en Chine

Les chercheurs chinois ont été les premiers à rapporter des effets de l’ancienne molécule contre le SARS-CoV-2. Ils évaluent désormais l’intérêt d’une molécule proche, l’hydroxychloroquine.

Utilisée en Chine depuis les années 1950 essentiellement contre le paludisme, la chloroquine l’est également depuis quelques semaines pour combattre le Covid-19 mais avec précaution. En aucun cas, elle n’est présentée par Pékin comme le remède miracle contre l’épidémie. De fait, en février, un groupe de chercheurs de l’Académie des sciences a déclaré avoir utilisé avec succès la chloroquine contre la reproduction du SARS-CoV-2. Chen Caixian, un académicien, déclare le 12 février que la chloroquine « a de bonnes capacités antivirales contre le coronavirus évaluées in vitro ».

Elle a ensuite été testée auprès de 135 malades se trouvant dans une dizaine d’hôpitaux à Pékin et dans la province du Guangdong. 130 d’entre eux ne présentaient que des symptômes bénins ou modérés, cinq avaient des symptômes sévères. Selon Xu Nanping, vice-ministre des sciences et de la technologie, aucun des 130 patients n’a vu son état s’aggraver. Quatre des cinq patients gravement atteints ont pu sortir de l’hôpital et le cinquième a vu son symptôme régresser de « grave » à « normal ». Par ailleurs, un patient de 54 ans atteint du Covid-19 a été testé négatif après avoir reçu un traitement de phosphate de chloroquine a révélé, le 17 février, Sun Yanrong, la vice-directrice du centre de biologie du ministère des sciences et technologies.

Appel à la vigilanc

 

Le 19 février, la Commission nationale de la santé a introduit la chloroquine parmi les remèdes préconisés pour combattre le coronavirus. Mais aucun des médicaments préconisés ne doit être pris durant plus de dix jours, précise-t-elle. Or, depuis, la Chine se montre prudente. Commentant les essais effectués, Zhong Nanshan, considéré depuis la crise du SRAS comme le principal épidémiologiste chinois, a expliqué que certes des patients avaient été testés négativement, mais que les résultats n’ont pas encore été confirmés par des expériences rigoureusement contrôlées et qu’il est trop tôt pour dire si le médicament est efficace.

Dès le vendredi 21 février, la commission de la santé de la province du Hubei, épicentre de l’épidémie, a prévenu tous les médecins de « surveiller attentivement » les effets secondaires de la chloroquine. L’institut de virologie de l’Académie des sciences a précisé que la dose mortelle se situe entre 2 et 4 grammes par adulte et que « des effets contraires peuvent inclure la mort instantanée ». Les hôpitaux qui mènent ces tests doivent rapporter tout effet contraire.

La commission de la santé du Hubei a toutefois précisé qu’il s’agissait d’un appel à la vigilance et qu’il n’y avait pas eu de décès lié à une surdose de chloroquine. A la suite de la commission du Hubei, la Commission nationale a défini plus strictement, le 29 février, les conditions d’utilisation de la chloroquine. Le médicament ne peut plus être administré notamment aux femmes enceintes, aux personnes ayant des problèmes cardiaques ou des maladies des reins ou du foie. Il peut seulement être donné aux personnes âgées de 18 à 65 ans et durant sept jours.

« Les chercheurs doivent s’autodiscipliner, conduire des essais cliniques de manière rigoureuse et éviter tout conflit d’intérêts » Tong Chaohui, vice-président de l’hôpital de Chaoyang

Les Chinois pouvant se procurer la chloroquine sur Internet, une femme de Wuhan qui croyait, à tort, avoir le coronavirus, a dû être admise en soins intensifs à l’hôpital en raison de problèmes cardiaques, après avoir absorbé 1,8 gramme de chloroquine, a révélé le 25 février le quotidien Thepaper.

Pour Tong Chaohui, vice-président de l’hôpital de Chaoyang, à Pékin, « chaque fois qu’il y a une épidémie, les gens veulent trouver un médicament miracle pour y mettre fin, malheureusement, il n’y a jamais de médicament antiviral miracle. Les chercheurs doivent s’autodiscipliner, conduire des essais cliniques de manière rigoureuse et éviter tout conflit d’intérêts. Plus la situation est difficile, plus les scientifiques doivent protéger, de façon résolue, les fondamentaux de la science et de la médecine », écrit-il dans un journal professionnel repris par le China Daily le 5 mars.

Les scientifiques chinois se tournent désormais vers l’hydroxychloroquine, une molécule proche, destinée à lutter contre des maladies auto-immunes comme le lupus et la polyarthrite rhumatoïde, et jugée moins susceptible d’induire des effets secondaires graves. C’est cette molécule qui, en France, est préconisée par le professeur Didier Raoult. Deux études récentes, l’une publiée le 9 mars dans Clinical Infectious Diseases, l’autre le 18 mars dans Cell Discovery, décrivent deux essais in vitro (et non sur des malades), qui montrent que l’hydroxychloroquine est elle aussi efficace contre le SARS-CoV-2. Les chercheurs chinois s’interrogent sur son intérêt pour traiter les formes les plus graves de Covid-19 et pour lutter contre des réactions inflammatoires sévères, appelées « orages de cytokines ».

 

Frédéric Lemaître

(Pékin, correspondant)

Source : Le Monde

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page