Les patrons de la tech qui ne mettent pas leurs enfants devant des écrans, une légende urbaine

Les patrons de la tech qui ne mettent pas leurs enfants devant des écrans, une légende urbaine

Le Monde – C’est probablement l’école la plus célèbre de Californie : depuis le début des années 2010, des centaines d’articles et de reportages ont été consacrés à la Waldorf School of the Peninsula. « Pourquoi les titans de la Silicon Valley, qui ont rendu nos enfants accros aux écrans, envoient leurs propres enfants dans des écoles Waldorf sans écrans », écrivait ainsi The Times, en 2018. « L’école préférée de tous les cadres de la Silicon Valley », disait d’elle BFM-TV, la même année.

Vingt mille euros l’année environ, aucun écran, et une méthode d’enseignement fondée sur la pédagogie – controversée – Steiner-Waldorf : ce petit établissement est souvent brandi comme une « preuve » que les grandes entreprises du numérique seraient conscientes du danger que représenteraient les écrans pour les plus jeunes. Une « preuve » souvent assortie d’exemples de patrons de grandes entreprises du numérique qui « interdisent les écrans à leurs enfants », titre Franceinfo en 2017.

Mais cette histoire simple et percutante est très largement fausse, comme le soulignaient dès la fin des années 2010 de multiples articles. La Waldorf School of the Peninsula est bien une école sans écrans et accueille effectivement des enfants de travailleurs de la tech. Mais avec ses 300 élèves, elle ne représente qu’une infime minorité des centaines de milliers de rejetons de la Silicon Valley. Pour leur progéniture, la vaste majorité des cadres de la tech choisissent plutôt les lycées publics de la région, très bien financés et où les écrans sont très présents.

Des lycéennes de Cupertino, dans la Silicon Valley, participant à la compétition de robotique organisée par l’association Cupertino Robotics. De nombreux lycées de la Silicon Valley proposent, en plus des options d’informatique, des cours de création et de programmation de robots.

Quant aux patrons du numérique qui « interdisent les écrans à leurs enfants », une lecture attentive de leurs déclarations révèle une réalité bien plus nuancée. Le fondateur de Microsoft, Bill Gates, et sa femme, Melinda, proscrivent bien les téléphones… à table. Les enfants de Jony Ive, le designer en chef d’Apple, n’ont pas accès à l’iPad… sans supervision. Susan Wojcicki, l’ancienne patronne de YouTube, limitait bien le temps d’accès de ses enfants aux smartphones… mais les a autorisés à en avoir un à partir de 11 ans. Quant à Mark Zuckeberg et Sundar Pichai, les patrons de Meta et Google, ils appliquent des règles sur l’utilisation des écrans, mais sont loin de les avoir interdits.

Bref, à quelques exceptions près comme Steve Jobs (l’ex-PDG d’Apple qui était loin d’être un père modèle), les patrons milliardaires de la Silicon Valley fixent des règles très similaires à celles qu’établissent, partout dans le monde, des centaines de millions de parents confrontés aux mêmes dilemmes sur le temps d’écran.

La bataille du temps

Les parents de la tech sont-ils, sur ce sujet, des parents comme les autres ? « Lorsqu’on en discute entre nous, il y a un peu toutes les positions : j’ai des collègues assez anti-écrans, d’autres moins, mais ce qui est sûr, c’est qu’il y a toujours une forme de contrôle [du temps d’écran] », raconte Romain Zert, architecte logiciel (développeur de haut niveau) chez Microsoft et père de jumeaux de 6 ans. Lui-même se considère comme « plutôt permissif » : « En tout cas, plus que ma femme », plaisante-t-il.

Mais le temps d’écran à la maison reste assez précisément minuté : en semaine, ses enfants peuvent espérer grappiller quelques minutes de dessins animés le matin, s’ils sont prêts en avance pour partir à l’école ; le soir, « vingt minutes de vidéo, de préférence quelque chose d’un peu éducatif, et seulement s’il n’y a pas eu d’autre temps d’écran dans la journée ».

Sa connaissance de l’informatique a pu jouer dans certains aspects de son approche, estime-t-il : « Par nature, les informaticiens sont souvent plus sensibles que la moyenne aux questions touchant aux données personnelles et à la vie privée. Je n’ai pas d’opposition de principe aux écrans, mais pour ce qui est des réseaux sociaux, les questions ne sont pas les mêmes. » Au quotidien, il reconnaît aussi avoir, peut-être davantage que d’autres, une approche teintée d’ingénierie pour contrôler le temps d’écran. « On a délégué une partie du pouvoir d’éteindre à Alexa [l’assistant vocal d’Amazon], dit-il. On demande souvent à Alexa de fixer un timer de vingt minutes : la règle est claire, c’est impartial, ça génère moins de frustrations. »

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Source : Le Monde

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