Au chevet de l’Afrique subsaharienne, la Banque Mondiale joue le docteur et le pharmacien

Au cours des cinq dernières années seulement, la dette publique des pays les plus pauvres a grimpé de 36 à 51 % du PIB, s’alarme la Banque Mondiale dans une tribune parue sur son site le 21 mai. L’institution qui vient de fêter à Dakar, Sénégal, le dixième anniversaire de son Mécanisme de gestion de la dette, a estimé que la proportion du risque de surendettement chez les pays pauvres a doublé depuis 2013. La faute selon la tribune publiée sous la plume de Ceyla Pazarbasioglu, Vice-présidente pour le pôle Croissance équitable, Finance et Institutions (EFI) du Groupe de la Banque mondiale, à la retombée des cours des matières premières, aux catastrophes climatiques mais aussi, martèle la banque, à des politiques budgétaires et monétaires expansionnistes et des emprunts imprudents.

“Si le recours à la dette procure à un gouvernement un coup de pouce financier de court terme, il entraîne des obligations qui pèseront sur le pays durant de nombreuses années — souvent bien après le départ de ceux qui étaient alors aux affaires. Les États doivent mettre en place des processus transparents et assurer une diffusion des données et des informations tout au long du cycle des projets”, écrit la Banque Mondiale qui évoque des services de la dette en hausse et une diversité des créanciers (la Chine et les pays émergents) qui rendent la coordination difficile.

La conférence de Dakar a aussi permis de rappeler que les besoins de financement de l’Afrique sont massifs et urgents. Selon les chiffres de la Banque mondiale les plus récents, sur les 27 pays les plus pauvres du monde, 26 sont situés en Afrique subsaharienne, tandis que cette région abrite plus de la moitié de la population mondiale qui vit dans l’extrême pauvreté. Autrement dit, il y a 413 millions d’Africains qui vivent avec moins de 1,90 dollar par jour. Si cette tendance se poursuit, l’Afrique subsaharienne, avertit la Banque Mondiale, concentrera en 2030 près de 90 % des personnes vivant dans l’extrême pauvreté dans le monde.

Pour apporter aux populations les infrastructures indispensables à la réduction de la pauvreté, les pays doivent mobiliser entre 640 et 2 700 milliards de dollars par an selon les estimations de la Banque mondiale (a). Pour financer leur développement, ils doivent donc nécessairement emprunter et s’endetter, mais avec prudence. Or, regrette la Banque Mondiale, “beaucoup de pays en développement ne possèdent ni les outils, ni les institutions ni le savoir-faire requis”.

Et l’institution de recommander fortement l’usage de son fameux Mécanisme de gestion de la dette (DMF). Créé en 2008 pour aider les pays à faible revenu à mieux gérer leur endettement, ce dispositif a déjà apporté son soutien à 75 pays. Reste à juger de son efficacité. Quand le médecin et le pharmacien se confondent, la guérison du patient devient coûteuse et hypothétique. N’est-ce pas ce qui arrive à l’Afrique en ce moment avec une Banque Mondiale qui vent ses outils et ses remèdes tout en voulant passer des emprunts plus compétitifs et moins coûteux venant de la Chine?

Albert Savana

Journaliste depuis 20 ans dans la presse quotidienne sénégalaise et auteur de plusieurs enquêtes et reportages. A couvert plusieurs sommets de l’Union Africaine, de la Commission économique africaine et de la Banque Africaine de Développement.

Source : Financial Afrik (Le 26 mai 2019)

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