Pourquoi cette Coupe du monde ne fait pas vibrer le Brésil

Entre le souvenir traumatisant du match perdu 7-1 contre l’Allemagne lors du dernier Mondial et les récupérations politiques du maillot, le Brésil ne montre pas l’enthousiasme habituel pour son équipe de football, partie chercher un sixième titre mondial en Russie.

 

“On se dégonfle ? Pourquoi la Coupe du monde ne passionne pas encore”, titre Época, le magazine du Globo, qui joue sur les mots avec la couleur du maillot (littéralement “jaunir”, pour “se dégonfler”). Au Brésil, les supporters doutent. Il ne s’agit pourtant pas d’une défiance particulière à l’égard des joueurs de la Seleçao. Dans un sondage publié par Folha de São Paulo, 48 % des personnes interrogées voient le Brésil favori. C’est certes moins que les 68 % de supporters qui se disaient confiants en 2014, mais les mêmes sondés sont tout de même 64 % à approuver le travail de l’entraîneur, Tite.

La première réticence, pour une grande partie de la gauche, vient du fait que le maillot jaune de l’équipe nationale est devenu un symbole de l’opposition à Dilma Roussef dans les mouvements sociaux qui ont agité le pays en 2013, quand elle était présidente. Ces mêmes manifestants en maillot jaune ont été moqués lors du dernier carnaval de Rio, ce qui a renforcé le symbole. Les soutiens de Dilma dénoncent toujours sa destitution en 2016, qu’ils considèrent comme un coup d’État institutionnel.

Déprime globale

 

Outre la crise politique et l’impopularité du gouvernement Temer, signale Carta Capital, c’est une morosité générale qui s’est abattue sur le pays. “Le Brésil a perdu deux occasions en or d’établir une complicité avec ses citoyens : la Coupe [du monde de football] en 2014 et les JO de Rio en 2016.” Le magazine rappelle que lors du mondial de Mexico en 1970, sous la dictature civile-militaire, les opposants au régime avaient longtemps hésité sur leur stratégie avant de soutenir finalement l’équipe auriverde et de retrouver dans le foot une “joie asphyxiée [par la censure], mais porteuse d’espoirs”.

Non sans amertume, l’édito de Carta Capital constate le fossé avec cette Coupe du monde 2018 et s’interroge :

Un petit goal de Neymar suffira-t-il à nous faire communier avec les foules infantilisées qui acceptent passivement la servitude, le chômage et l’injustice ?”

L’histoire plus récente sape aussi la motivation des Brésiliens. Il s’agit de la hantise du match Brésil-Allemagne, évoquée par l’édition brésilienne d’El Pais : “Certains ne se sont tout simplement pas remis du trauma du 7-1.” La défaite historique de la Seleçao en demi-finale de la Coupe du monde de 2014 a laissé des marques d’autant plus profondes que le match était à domicile.

L’espoir est néanmoins permis

 

Le nouveau sélectionneur Tite fait tout pour conjurer le sort. Il a tenu à rencontrer l’Allemagne en match amical de préparation, que le Brésil a gagné par un court 1-0 le 23 mars dernier. Les résultats des autres matchs ont également été rassurants : le Brésil l’a emporté à chaque fois – contre la Russie, la Croatie et l’Autriche.

Le coach de l’équipe de 2014, surnommé Felipão, se montre quant à lui très optimiste et sans ressentiment. Dans l’interview réalisée par El Pais, il affirme :

De même que nous n’oublions pas les victoires, nous n’oublions pas non plus les défaites. Celui qui n’a jamais échoué ne peut gagner.”

C’est donc avec philosophie qu’il poursuit sa carrière en Chine, tout en louant le travail du nouvel entraîneur et de l’équipe nationale : “Elle est très bien organisée, c’est clairement une candidate pour le titre en Russie.”

Autre supporter indéfectible, malgré le contexte : l’ancien président Lula. Depuis sa prison, où il purge depuis le 7 avril une peine de douze ans pour des faits de corruption, il arbore d’ores et déjà le maillot jaune, selon un député venu lui rendre visite et cité par Época.

Hugo Florent

Source : Courrier international

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