Au Brésil, la beauté est considérée comme un droit humain

Le gouvernement brésilien prend en charge un demi-million d’opérations de chirurgie esthétique chaque année.

 

 

En France, comme dans la plupart des pays du monde, toute personne désirant s’offrir un lifting ou une liposuccion devra débourser plusieurs milliers d’euros. En ce qu’elles ne répondent pas directement à un problème de santé, les opérations de chirurgie plastique sont considérées comme secondaires et perçues comme un luxe.

Au Brésil, rectifier son apparence physique est un droit auquel chacun doit pouvoir prétendre. Loin d’être jugée superflue, la quête de la beauté est même soutenue par l’État, qui prend en charge près d’un demi-million d’interventions esthétiques chaque année. De quoi faire du pays le 2ème plus gros consommateur de chirurgie plastique au monde.

Pour assurer ce «droit à la beauté», les assurances de santé brésiliennes couvrent les frais de rhinoplasties, mammoplasties, transferts de graisse etc. qui, lorsqu’effectuées dans des hôpitaux publics, ne coûtent rien (ou presque) aux patients.

Un pays où la beauté est synonyme de réussite

 

Ce système unique en son genre s’explique en partie par l’importance qu’accordent les brésiliens à l’apparence. «La beauté est un facteur déterminant sur le marché de l’emploi, pour trouver un(e) conjoint(e), et pour se faire une place dans la haute société», explique l’anthropologue Alvaro Jarrín, auteur de «The Biopolitics of Beauty – Cosmetic Citizenship and Affective Capital in Brazil». Sans manquer de préciser au passage que ce raisonnement s’applique surtout aux femmes.

La démocratisation de la beauté trouve notamment ses racines dans l’histoire récente du Brésil. Au début des années 1920, une vague d’eugénisme scientifique diffuse l’idée selon laquelle la beauté serait «une mesure du progrès racial d’une nation». Dans un pays caractérisé par sa diversité ethnique et son métissage, l’idéal d’une beauté plus uniformisée – célébrant les traits occidentaux au détriment des communauté afro-brésiliennes et amérindiennes – gagne du terrain.

Un diktat dont les classes défavorisées sont les premières victimes

 

Dans les années 50, relate Tonic, le célèbre chirurgien brésilien Ivo Pitanguy -surnommé «le pape de la chirurgie plastique»- «convainc le Président Juscelino Kubitschek que le « droit d’être beau » est aussi fondamental que d’autres préoccupations de santé». Il développera pour cela une thèse démontrant les conséquences psychologiques potentiellement dévastatrices de la laideur, auxquelles le corps médical se doit selon lui de répondre.

En 1960, le chirurgien ouvre alors le premier établissement permettant aux pauvres de se faire opérer gratuitement. Mais «si c’est gratuit, c’est que c’est vous le produit», comme le dit l’adage populaire. En échange de ces interventions low-cost, les patients concernés servent implicitement de «cobayes» aux chirurgiens en formation, qui s’entraînent et mènent sur eux diverses expérimentations. «Le droit à la beauté» a donc clairement son revers de la médaille, assure Alvaro Jarrín.

Si toute intervention chirurgicale comporte des risques, les brésiliens de la classe moyenne basse, n’ayant pas les moyens de recourir à des cliniques privées, y sont davantage exposés. Car au Brésil, qui dit «public » dit «manque de moyens». Victimes d’un système de santé à deux vitesses, les patients aux revenus modestes passent sous le scalpel de chirurgiens souvent débutants, voire d’étudiants qui réalisent leurs premières interventions. «(Ils) deviennent des sujets d’expérimentation, et un grand nombre d’entre eux m’ont fait part de leur insatisfaction quant aux résultats obtenus» déplore le Professeur.

Les chirurgiens plastiques brésiliens figurent certes parmi les plus prisés au monde, poursuit-il. Mais les causes de leur réputation seraient, elles, bien moins reluisantes :

«Lors d’un colloque international au Brésil, un chirurgien américain avec lequel je me suis entretenu m’a dit: « Les chirurgiens brésiliens sont des pionniers. Vous savez pourquoi ? Parce qu’ils n’ont pas de barrières institutionnelles ou légales en matière de développement de nouvelles techniques. Elles peuvent être aussi créatives qu’ils veulent ». Traduisez: « Il y a très peu de réglementations protégeant les patients défavorisés des mauvaises pratiques. Dans un pays où l’apparence est directement liée à la citoyenneté, des patients acceptent de devenir des sujets d’étude contre une promesse de beauté. Un choix par défaut dont les conséquences peuvent être terribles. »

Repéré par  Léa Marie

Repéré sur Tonic

Source : Slate

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