Adopter les bonnes manières

On pensait la pratique de la torture révolue à jamais, mais voilà qu’elle ressurgit : selon des dizaines de personnes en sit-in hier après qu’elles aient perdu un des leur, la torture est toujours de mise au sein des forces de l’ordre.

L’affaire porte sur la mort d’un jeune nommé Abderrahmane Diallo. Arrêté dans la nuit de vendredi par une patrouille de la Garde nationale déployée dans la traditionnelle opération de rafle des piétons dans certains quartiers cibles de la capitale, le jeune aurait été remis à la police avant que cette dernière ne l’ait évacué à l’hôpital. Quelques instants plus tard, il décédait.

Une fois n’est pas coutume : suite aux accusations adressées par ses proches contre les forces de l’ordre qui l’auraient torturé à mort, le parquet général de Nouakchott Sud a décidé d’ouvrir une enquête judiciaire aux fins d’élucider les circonstances du décès. On pensait la torture disparue avec les régimes précédents, mais voilà qu’elle revient.

En fait, ce qu’il faut dire, c’est que la pratique de la torture n’est pas étrangère à nos « légères » mœurs en matière de respect de la dignité humaine. Seulement, on croyait cette prédisposition révolue. Si les accusations portées contre les forces de l’ordre étaient vérifiées, ce serait dommage, et ce serait d’autant plus grave que ça se passe encore sous le régime de Ould Abdel Aziz qui chante sous tous les toits qu’il veut nous mener vers une Mauritanie où le respect des droits de tout genre sera assuré.

C’est surtout parce que ça se passe alors que la Justice est dirigée par un homme qui avait livré toutes les « batailles » et tous les combats pour la liberté en Mauritanie. Ironie du sort, c’est sous son « commandement » que les forces de l’ordre se permettent, loin de tout contrôle et de tout regard de l’autorité judiciaire, de soumettre un citoyen au supplice de la question loin de tout respect pour ses droits.

Le recours à la torture demeure malheureusement une pratique systématique largement « offerte » aux services sécuritaires du pays pour masquer leur carence.
C’est d’ailleurs, la seule raison qui justifierait le maintien des tortionnaires, désormais connus de tous les mauritaniens et des organisations internationales de défense des droits de l’homme, dans des positions leur permettant de « servir » en sévissant si le cœur leur en disait. Leur carte blanche restera un mandat que l’Etat, où ce qui en tient lieu, leur octroie pour maltraiter les pauvres victimes de l’arbitraire dans ce pays.

Que la Police ou la Garce nous disent que le jeune Diallo n’a pas été torturé. On n’en croira aucun iota, car le fait même qu’ils soit interpellé dans la rue alors qu’il vaquait paisiblement à ses occupations, puis conduit bien après au commissariat de police avec les carcans est un indice suffisant.

Tant que nous continuerons à faire recours à la bastonnade, à la charge électrique, à la mise du détenu à nu dans le froid ou au soleil, livré en pâture aux moustiques et à la promiscuité, affamé, hirsute et hagard, nous ne sortirons jamais de l’auberge sauvage. Et dresser un semblant de procès verbal, somme de la pression et des larmes d’un malheureux impuissant pour fonder plus tard une prétendue conviction du juge, est une insulte à la conscience des hommes et à la justice du ciel.

C’est dire que la torture est une banalité fatale que perpétue la pratique des forces de sécurité avec la complicité de l’Etat et que chacun d’entre nous cautionne par son silence. Et nous savons que tous ceux qui avaient à faire à la police et aux forces de sécurité sont de véritables « revenants » de l’au-delà.

Visitez la pauvre littérature des geôles de Mauritanie. Lisez « J’étais à Oualata » et « l’Enfer d’Inal » . Ecoutez les récits des baathistes et nasséristes de 1982 et de 1984. Ecoutez les suppliciés de la Vallée pendant les années de braise. La bête immonde est un sixième sens qui somnole en chacun d’entre nous. Elle surgit une fois quant il se retrouve en position de force. C’est-à-dire en posture de pouvoir disposer de la vie et de l’intégrité de l’autre, son malheureux vis-à-vis du moment…

Le pire est que la torture n’a jamais eu son procès un Mauritanie. Peut-être qu’on y arrivera un jour. Mais encore faudrait-il avoir des associations fortes et bien organisées pour traquer la torture et les tortionnaires. Les organisations des droits de l’homme ont crié des décennies durant pour son bannissement et elles n’ont jamais été entendues. Le club des tortionnaires réussit toujours à étouffer leurs cris.

Puisse l’ONA obtenir, au moins, que la torture soit bannie et que ceux qui s’y adonnent soient passibles de sanctions. Et c’est justement sur ce point qu’est interpellé le ministre de la justice, patron de la police judiciaire ; donc responsable direct des agissements de la police pendant la garde à vue.

Aujourd’hui, au seuil du nouveau siècle, il va falloir s’adapter. Pour aller de l’avant, bannir la maltraitance, la vengeance et l’humiliation de l’Homme, il s’agira de rompre avec les pratiques dégradantes qu’on veut greffer dans nos mœurs. Disons clairement aux tortionnaires de tout acabit que la torture ne doit pas nous accompagner dans l’avenir. Elle doit rester aux vestiaires désuets et immondes des régimes d’exception…

Amar Ould Béja

 

Source : L’Authentic.Info

 

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