N’y a-t-il pas parmi vous un homme doué de raison? Par Mohamed Hanefi

Tout le monde sait que tout le monde se bouscule aux portes du pouvoir pour décider. Un décideur a le loisir de rendre les choses faciles pour qui il veut, ou au contraire les enchevêtrer à sa guise, et jusqu'aux extrêmes, les plus extrêmes, pour compliquer la vie de qui il veut, comme il veut et quand il le veut.

 

Autrement dit, "ils", ces décideurs, comme il est dit dans le coran pour les rois, "quand les rois entrent dans une cité ils la corrompent et font de ses honorables citoyens des humiliés. Et c'est ainsi qu'ils agissent." Les Fourmis 34.

Ceci explique cette ruée vers les commandes, et par toutes les voies et tous les prétextes disponibles et imaginable-"ment" défendables.

On pourrait penser naturellement qu'Allah a laissé sans condition, ni contrôle, le pouvoir aux mains de certain pour pétrir ses créatures selon leur vouloir et de la façon qui satisfasse leur caprices leurs fantasmes et leurs convoitises. Ceci est bien loin de la réalité.

Encore au 21ème siècle, nous restons un pays bien curieux, qui renferme des valeurs plus que singulières.

Inutile de me parler des valeurs que recèle ce pays. J'en suis profondément conscient et c'est peut être à cause de cette lucidité incurable, que les graves événements qui se déroulent chez nous me font le plus souffrir.

Beaucoup de dirigeants, par hasard, par chance ou par force, ont disposé de ce pays. Exactement comme on prend possession d'un objet trouvé au bord de la route.

Tous en ont jouit à des degrés et sur des échelles variable. Tous sont partis augmentés ou diminués dans l'histoire, la tribu ou la région. La Mauritanie consommée sur toute sa surface n'a cessé de se dégrader.

Pourtant ceux qui sont morts, ceux qui sont tombés en déchéance et ceux qui continuent de caracoler sur les gloires fragiles, sont tous, et tant qu'ils sont attachés comme par une corde ombilicale à cette terre.

Les premiers continuant à renvoyer aux suivants l'image renversée de leur fin.

La Mauritanie, malaxée violement par ses commandeurs, dénudée par tous ceux qui en avaient envie et exposée brutalement et sans manière aux yeux et aux critiques acerbes de la communauté internationale, applique les mains meurtries sur sa nudité pour échapper aux griffes intérieure et extérieures qui  lacèrent son anatomie affligée, avec un plaisir et un acharnement qui frisent le sadisme et la félonie.

Pourquoi c'est maintenant seulement, que les hommes supposés être les lieutenants de la justice divine, interdisent-ils l'esclavage?  Une façon de dire aux autres à la date de maintenant nous vous gavions de mensonges?

Et qui les croira désormais? N'ont-ils pas saupoudré de doute la confiance aveugle que les fidèles leur accordaient pour l'interprétation des paroles de Dieu? Et pourquoi? Pour les miettes d'un monde qui leur passera entre les doigts, malgré l'amour qu'ils lui témoignent. Ils reviendront vers le Tout Puissant. Le vrai Puissant et répondront de toutes ces déformations qu'ils ont infligées au message.

Pourquoi plusieurs fois des hommes d'autres pays islamiques, viennent-ils nous dire "J'ai péché et je voudrais libérer l'un de vos esclaves pour expiation." ? Pourquoi nous parmi toute la communauté musulmane du monde et non pas d'autres?

Pourquoi avons-nous accepté de tomber si bas? Nos enfants à vendre pour effacer les fautes d'autrui !!!

Inutile de me dire qu'en Mauritanie on ne vend pas les esclaves. C'est un mensonge vulgaire. Nous ne vendons pas les esclaves.  Notre esclavage national a une autre forme et d'autres dimensions. Je le sais. Je l'ai vécu. Un esclavage abject. Certainement pas moins repoussant que son compère d'occident ou d'Amérique. Mais nous ne vendons pas les esclaves avec cette allégresse qu'on propage aujourd'hui. C'est-à-dire comme des petits pains. Mais au nom du mensonge, nous avons asservi ce qu'Allah a crée pour être libre.

Faut-il continuer? Et continuer à continuer???

Le gros de notre esclavage a des piliers psychologiques, profondément encrés dans les esprits, par le biais d'une religion venue à l'origine, pour honorer et libérer l'homme.

Allah a honoré les fils d'Adam, le jour ou il a ordonné aux anges de se prosterner devant leur aïeul.

Sur la chaine Wataniya, Ould Zahhaf développe, une théorie, qui ne nous rend aucun service. Je parle de ceux qui d'une façon ou d'une autre cherchent à doucir à banaliser ou à justifier ces crimes immoraux, qui ont fait de nous à travers les âges une société de nobles de griots d'esclaves de znaguas, de diminués. En somme d'exploiteurs et d'exploités. Je parle de tous les zahhafs. Ces hommes dont la modération, si elle est de bonne foi, est louable en ces circonstances douloureuses, mais qui font figure de "couvercle", pour cacher une plaie que nous voulons sciemment découvrir, pour la désinfecter une fois pour toute.

Le peuple a besoin de comprendre pour s'immuniser contre cette fausse théorie qui le ronge. Une compréhension féconde et franche, qui accouchera d'une réconciliation durable. Non pas d'un flot de négations qui alimente les aversions et la méfiance.

On peut comprendre qu'un maure défende ce qu'il a toujours considéré jusqu'à très récemment comme étant une stratification légale, logique et indiscutable. Une "supériorité" de droit, transmise de père en fils et de  génération en génération. Mais on ne peut, par contre avaler l'équation de celui qui défend son infériorité ou le mépris de sa race. La dévalorisation de sa mère de sa sœur et de ses proches.

Aujourd'hui tout le mauritanien est libre et honorable. Nous ne pouvons accepter moins que cela. Tout le mauritanien, pour le mauritanien est Haram.

Saad ould Louleid de son coté, sur la même chaine Wataniya, présente un discours extrémiste qui nous fait peur. Je parle des Saads. De tous les Saads qui peuplent la scène nationale et internationale.

Le problème est plus épineux qu'on ne l'imagine. Le traiter par la violence, ne serait-ce que celle du verbe, équivaut à inviter des masses aveugles ou aveuglées, à faire exploser cette société. Comme on dit en Mauritanie : "Venu pour le guérir, il lui creva un œil."

Docteur Saad "avoir un pantalon", c'est d'abord un statut de maturité et de sagesse. Votre courage et votre volonté de lutter jusqu'au bout pour un état de droit ou le harratin, le maure, le soninké, le puular et le wolof, jouissent des mêmes droits, est très louable. Il fait de toute mauritanienne et de tout mauritanien, dignes de ce nom, des concitoyens qui vous admirent et comptent sur votre espèce d'hommes pour protéger la patrie.

Cependant morigéner le discours ne peut que faciliter le dialogue et favoriser la compréhension entre les composantes de notre peuple. Allah a fait que les accouchements sont difficiles. Remarquez, docteur, que même pour le prêche dans le chemin de Dieu, Allah a dit: "Appelle a la voie de Ton Seigneur par la sagesse et la bonne parole et discute avec eux de la bonne manière."

Vous luttez contre un système, non contre vos concitoyens, qu'ils soient clairs ou moins clairs. Beaucoup de maures ont épousé votre cause, dès les premières salves de protestations. Vous les avez "douchés" froidement en les cinglant  de railleries, d'accusations et d'insultes. On ne remplace pas l'injustice par l'in-"justice".

Vous êtes un docteur, docteur.  Ces accusations et ces sarcasmes même justifiés n'apporteront que la haine. Il ne faut ni garder de rancune, ni viser de vengeance. Se sont les deux virus qui éloignent de la paix. Or, hors de la paix, il n'y aura jamais de solution. Il n'y aura ni vainqueur ni vaincus, mais la ruine fratricide qui régnera en maitre.

Le maure qui défend aujourd'hui la cause des anciens esclaves, se trouve dans une situation, qui ne peut faire envie à personne. D'un coté ses semblables le regardent de l'œil torve et méprisant de celui qui semble vous dire "fumier, tu défends ceux qui t'insultent et te méprisent." Et de l'autre les gens pour qui il a pris partie et qui le tournent en ridicule et insultent les origines de ses origines; et l'origine des origines de ses origines!! Imaginer la recette.

Donnez à la chance de s'entendre, la chance de se concrétiser. Dans la division et la zizanie, il n'y aura ni libération, ni égalité, ni rien du tout. Regardez les alentours, qu'est ce qui advient des causes avoisinantes, qui choisissent les sentiers tortueux et épineux de la violence.

Vous avez cependant dis un mot, qui pousse à la réflexion : "L'ONU sait que la Mauritanie n'est pas en mesure de résoudre ses problèmes."

Je profite de cet amer constat pour demander à nos dirigeants. Nos chefs présents et passés : "Vous qui êtes les gardiens de la devise nationale, qu'avez-vous fait de sa première composante HONNEUR?" est-il concevable que les affaires du monde vous occupent à tel point que vous en oubliez les ingrédients mêmes de l'existence de l'état?

Êtes-vous satisfaits d'être manipulés par l'extérieur, contraints par les reproches et les "pressions" d'autrui, à prendre soins de votre maison et de vos choses les plus intimes? Peut-on garder en équilibre un état sur la base d'une fraternité de façade et d'une égalité cosmétique?

Avez-vous fait le rapport entre la durée éphémère de votre passage sur cette terre et le long et interminable procès que l'histoire intentera contre vous et vos agissements?

Êtes-vous satisfaits de cette image insoutenable que vous donnez du pays? Quelles richesses et quel confort méritent, qu'on néglige le pays à tel point? N'y-a-t il pas parmi vous un homme raisonnable?

Que veulent dire les décisions de l'état? Et pourquoi celles de 1980 sont-elles réitérables aujourd'hui pour les astiquer, les lustrer et les confier à une réanimation nationale qui ne cesse de tuer avant de  mourir?

Que direz-vous à Allah qui a ordonné la justice et la bienfaisance? Que direz-vous aux générations futures, candidates à l'extermination avant de sortir au monde, par les soins de votre négligence? Parmi elle vos propre enfants.

N'y-a-t-il pas parmi vous un homme raisonnable?

Aux autres groupes ségrégationnistes, je voudrais dire avant de terminer : "Vous ne représentez que votre espèce en voie d'extinction". Ce pays vivra.

Ceux qui présentent ould Ahmed Aiche et autres, le courage et la témérité ont changé de nature. Ould Ahmed aiche lui-même ne doit tolérer qu'on mette son nom au devant de théories racistes honnies par l'humanité toute entière.

En tout cas la loi implacable de l'histoire continue à classer les hommes là ou ils méritent d'être pour l'éternité. Choisissez votre case. Vous y atterrirez inévitablement un jour.

Mohamed Hanefi

Koweït

 

 

(Reçu à Kassataya le 12 avril 2015)

 

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