FAITES CE QUE JE VOUS DIS, MAIS NE FAITES PAS CE QUE JE FAISAIS

A-            REMARQUE PRÉLIMINAIRE :

Cette contribution n’est pas du tout une prise de position «POUR» le nouveau Président Mohamed Ould Cheikh El’Ghazouani, encore moins «CONTRE» l’Ex Président Mohamed Ould Abdelaziz. Mais juste un point de vue sur un sujet d’intérêt national, dont j’étais associé depuis sa genèse, et qui suscite le débat brulant qu’on connait aujourd’hui. Exactement comme mon intervention, le 8 octobre 2015, selon laquelle le Président Mohamed Ould Abdelaziz NE PEUT et NE DOIT en aucun cas solliciter un troisième mandat (http://www.cridem.org/C_Info.php?article=676143).

B-            CONFÉRENCE DE PRESSE DE L’EX-PRÉSIDENT :

À l’instar de beaucoup de mauritaniens, je ne peux que remercier l’Ex-Président de nous avoir éclairer sur ses rapports avec le pouvoir en place depuis son retour au pays. En effet, à notre grand soulagement, il nous a informé que son problème avec le pouvoir en place au pays réside fondamentalement dans la détermination et la mise en place du leadership de l’UPR.

Car, selon lui, le Président en exercice essaie de s’approprier le leadership de ce parti politique, alors que l’article 27 de la Constitution le lui interdit.

Or, ce que l’Ex-Président semble avoir oublié, c’est que lui-même se comportait de la même façon durant les huit (8) dernières années, alors qu’il était Président de République, régit par les mêmes dispositions constitutionnelles, en vigueur depuis 2006!

Elles sont de notoriété publique les multiples réunions partisanes, autour du Président, dans l’enceinte même du Palais présidentiel; ses multiples réunions et visites au siège du Parti l’UPR, y compris la mise en place de son «Comité de Restructuration», dont étaient membres des éminents Ministres (Défense, finances, Transport, Pétrole); mais aussi des Maires et autres personnalités publiques; sans oublier le choix des membres du dernier «Comité de Gestion» suite au report du Congrès.

En fait, tout l’establishment du Parti UPR n’était que des «valets» du Président de la République, domestiqués à outrance par lui-même, agissant au grès de ses directives.

D’ailleurs, cela ne dérangeait personne, puisque tout le monde comprenait et intégrait, à tort ou à raison, que le Président de la République était le «LEADER» de la «MAJORITÉ»; une majorité structurée et organisée au sein de l’UPR, et qu’il était libre d’exercer son leadership de la sorte, si bien qu’il est devenu, par la force des choses, la référence (EL’MARJAIYA) incontournable et le Chef effectif dans les faits!

Alors, pourquoi aujourd’hui l’Ex-Président refuse le même rôle au nouveau Président Ghazouani? Voyons! Cette attitude nous semble ni logique ni innocente!

C-            GÉNÈSE ET APPLICATION DE L’ARTICLE 27 DE LA CONSTITUTION :

Aux termes de l’article 27 de la Constitution, «Le mandat de Président de la République est incompatible avec l’exercice de toute fonction publique ou privée et avec l’appartenance aux instances dirigeantes d’un parti politique».

Pour la rédaction de cet article 27, les directives données par le Président de la CMJD, Ély Ould Mohamed Vall (Allah Yarhmou) aux experts chargés des amendements de la constitution en 2006, dont je faisais partie, gravitaient autour de trois points cardinaux:

  • Mettre la fonction du Président de la République au-dessus de la mêlée partisane, tout en lui attribuant un rôle d’ARBITRE POLITIQUE, en plus de son rôle d’ARBITRE INSTITUTIONNEL prévu à l’article 24 de la Constitution;
  • Éviter l’enracinement du Parti-État, celui qui fini par «DICTER» au Président ce qu’il doit faire, de sorte qu’au bout du compte celui-ci se trouve OTAGE de ses structures et de son establishment;
  • Enterrer, une bonne fois pour toutes, les expériences politiquement douloureuses du «PPM» de Mokhtar Ould Daddah; d’«EL’HEYAKIL» de Khouna Ould Haydalla; et, enfin, du «PRDS» de Mouaouiya Ould Taya.

Les intervenants se sont inspirés de plusieurs Constitutions, notamment de celle du Sénégal, pour arriver à un consensus autour de la notion de «Leader» (Zaiim El’Aglabiya); notion utilisée presque partout dans le monde, aujourd’hui universellement reconnue et acceptée dans toutes les démocraties vivantes.

Un leader qui transcende le clivage politique ambiant; qui mobilise largement autour de lui et de son programme, mais qui demeure INDÉPENDANT dans ses choix et dans l’exercice de sa fonction présidentielle.

Le parti, quant à lui, doit rester libre de mettre en place ses propres structures (Président, Secrétaire-Général, Trésorier … etc.). Mais son rôle principal est de servir de «machine relais», sur le terrain, pour le «Leader», mais aussi son soutien au sein des institutions, notamment au sein du Parlement.

C’est ce que la Mauritanie a retenu comme système et qui semble bien fonctionner, surtout depuis l’abolition des candidatures indépendantes.

Alors, interpréter aujourd’hui l’article 27 de façon littérale, stricte et sémantique, à savoir que le Président ne doit avoir AUCUN lien avec un quelconque parti politique, viendrait à le détacher de ses appuis structurés et, du coup, l’exposer à la paralysie politique découlant du jeux et des manœuvres malsaines des tendances politiques du moment.

Et c’est exactement ce qui c’était passé, en 2008, avec la fronde parlementaire qui a précipité la chute du Président Sidi Ould Cheikh Abdellahi.

Donc, de grâce, évitons la répétition de la douloureuse expérience de l’Ex-Président Sidi Ould Cheikh Abdellahi: un Président démocratiquement élu, mais isolé et sans encrage politique structuré.

D-            CONCLUSION :

Le fait que Président de la République, en exercice, se concerte avec les instances d’un parti politique, qu’il se les approprie indirectement ou les mobilise autour de son projet et programme n’est pas de nature à violer la constitution. Il faut plus: à savoir une implication DIRECTE en tant que «membre des instances dirigeantes» dudit parti et que cela soit clairement indiquée dans l’ORGANIGRAMME adopté par celles-ci.

À ce que je sache, l’actuel Président Mohamed Ould Cheikh El’Ghazouani se positionne donc au sein de l’UPR en tant que «Leader» de la majorité, sans qu’il ne soit le dirigeant de ce parti ou membre de ses instances dirigeantes, ce qui est parfaitement conforme aux termes de l’article 27 de la Constitution ci-haut cité. D’ailleurs, l’Ex-Président Mohamed Ould Abdelaziz a fondé l’UPR et y a adhéré à titre de premier membre sans que cela ne lui ait été reproché par quiconque.

Que certains qualifient la position du Président actuel de «MARJAIYA», cela importe peu, bien que cela soit vrai dans les faits, puisque toutes les grandes décisions ne peuvent se prendre qu’avec l’assentiment et les orientations de celui-ci: le Chef Bluetooth.

Et pour terminer, n’oublions pas que nous sommes toujours dans un pays du tiers-monde, sous développé politiquement et toujours en quête d’assoir la forme de démocratie qui répond au mieux à ses insuffisances socioculturelles.

Maître Takioullah Eidda, avocat

Bir-Oumgrein, Mauritanie

(Reçu à Kassataya 25 décembre 2019)

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