Figures Historiques : L’« émir de la paix » : Aḥmed uld M’Ḥammed (1872-1891) – 6éme partie

31.  Il serait vraisemblablement faux, cependant, d’expliquer la politique de l’émir Aḥmed uld M’Ḥammed par cette seule conjoncture favorable aux intérêts économiques, sociaux et politiques de l’émirat, et de l’Adrâr, sans tenir compte de ses propres engagements. Conformément à la démarche que j’ai suivi jusqu’à présent, je reviendrai d’abord au texte de Mamadou Ba :

 

« Comme il a été dit plus haut, il avait le dessein de donner un grand essor à la prospérité du pays. Il savait que rien de durable ne se fonde sans la justice. Il aimait à rappeler une recommandation que Bakkar ould Soueïd Aḥmed lui répétait dans sa jeunesse : « Tu te souviendras, mon enfant, que si la dynastie des Ahel Soueïd Aḥmed se maintient grâce aux aumônes et aux offrandes, celle des Ahel Othman est liée à la justice et à l’équité que les détenteurs du pouvoir font régner dans le pays ». Ainsi, de même qu’il aimait à s’entourer des hommes les plus aguerris et les plus sages de ses tribus, il tenait à avoir autour de lui une ‘makhama’ ou cour de justice. Assurés d’une indépendance et d’une sécurité absolues, les juges se prononçaient avec impartialité. Leurs sentences étaient exécutoires, quelles que fussent leur rigueur et la personnalité des condamnés.

Dès la première année de son règne, l’émir donna la mesure de son énergie en prenant contre les Oulad Cilla16 coupables d’homicide des mesures de rigueur comportant l’incendie des tentes et des condamnations à de lourdes amendes. Une autre fois, il sévit contre les Oulad Ammonni qui, rentrant du Brâkna, s’étaient permis d’utiliser deux chamelles d’autrui trouvées dans l’Aoukar. Trouvant la punition infligée disproportionnée avec la peccadille commise, les notables Oulad Ammonni essayèrent de fléchir l’émir en alléguant que les délinquants étaient excusables d’avoir pris deux chamelles pour échapper à des ennemis qui les poursuivaient. D’une voix indignée et n’admettant pas de réplique, l’émir déclara : « Votre intervention en faveur de deux malfaiteurs ne me surprend pas car vos pères et vous-mêmes, vous vous seriez comportés comme eux. Mais apprenez que moi, qui descend d’Othman ould Levdhil (fondateur du régime des émirs en Adrâr), j’assume devant Dieu et devant l’Univers la responsabilité de la sécurité dans le pays qui va du Khatt (limite entre le Tagant et l’Adrar) au Rag Lem’houne (au nord de l’Adrâr Soutouf). J’entends qu’elle y règne complètement. Je serai impitoyable pour tous ceux qui y porteront atteinte ».

A quelque temps de là, l’émir fut amené à expulser du territoire de l’Adrâr son cousin Aḥmed ould Sid Aḥmed, qui devait lui succéder, et qui s’obstinait à pressurer à son profit des gens sans défense.

Ces différents incidents fournirent au souverain l’occasion de prendre son célèbre édit disposant que tout mouton égorgé sans droit serait remboursé quatre fois sa valeur, que toute monture d’autrui utilisée donnerait lieu au paiement d’une indemnité quatre fois égale au prix normal de location pour le trajet parcouru, que toute exaction entraînerait des réparations quatre fois supérieures au dommage subi, le tout sans préjudice des peines légales dont l’appréciation était réservée à sa makhama.Répétées de bouche en bouche, répandues à tous les échos, ces sages dispositions firent rapidement le tour de l’Adrâr alarmant les uns, rassurant les autres, donnant à tous l’impression qu’une nouvelle ère commençait » (1929 : 546).

32Multiples sont les anecdotes qui courent sur l’efficacité de la justice et de l’ordre qui régnaient sous l’émir Aḥmed uld M’Ḥammed. L’une des plus célèbres est celle du mouton égorgé et cuit que l’émir aurait un jour fait circuler, durant la gatna, posé sur un âne, un couteau planté dans la chair à point. Telle était la crainte qu’inspirait la justice de l’émir que personne n’osa de la journée et de la nuit toucher à cette viande appétissante et offerte à tout venant.

33La politique d’Aḥmed uld M’Ḥammed, inspirée des valeurs de l’islam, est fondée sur l’application de la shaî‘a dont l’émir se veut le garant. Il s’entoure pour cela d’une « cour de justice » c’est à dire de qâdî et hommes de loi réputés pour leur compétence et auquel il garantit une autonomie des jugements. Il renforce les capacités répressives de l’émirat en édictant des régies spécifiques destinées à taxer chaque infraction quatre fois le montant du préjudice subi, quelle qu’en soit la nature.

 

Lire la suite

 

 

Figures Historiques : L’« émir de la paix » : Aḥmed uld M’Ḥammed (1872-1891) – 1ére partie

Figures Historiques  : L’« émir de la paix »  : Ahmad Ould  M’Hammed (1872-1891) -2 ème partieFigures

Historiques : L’« émir de la paix » : Aḥmed uld M’Ḥammed (1872-1891) – 3éme partie

Figures Historiques  : L’ « émir de la paix »  : Ahmed uld M’Hammad (1872-1891) – 4ème partie

Figures Historiques  : L’ « émir de la paix »  : Ahmed uld M’Hammed (1872-1891) – 5 partie

 

Source : Adrar-info.net (Le 8 novembre 2014)

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

 

 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page