MOUSTAPH BOLLY KANE : Hommage posthume

Cher oncle,

Puisque tu as gardé le silence depuis huit ans, j’écris pour donner des preuves que nous sommes toujours ensemble. Cher absent, à Rosso où tu te reposes, tu peux garder le calme de tes voisins. Comme tu l’as recommandé lors de notre dernier entretien, je suis devenu un visiteur quelque peu assidu des archives nationales.

 

Pour prouver que je l’ai fait, je suis tombé sur le rapport du chef d’état-major de la campagne de Dialmath (Dimar) du 06 mai 1854.  En voici quelques extraits. Comme si c’était une initiation au commentaire historique, je donne les éléments utiles pour l’introduction.

« Les populations du Dimar qui, au lieu de conserver la neutralité qu’elles s’étaient engagées à garder, avaient étaient les premières à nous attaquer lors du passage du corps expéditionnaire au cachot devaient être punies… ». Le lendemain le 5, à 6 heures du matin, on se réunit devant Douai. Parti de ce point le 6 à 6 heures du matin, nous arrivions devant  Fanaye  à 10 h. ½. Fanaye situé à une demie lieue de la rive ne pouvait échapper à nos coups ; mais il convenait d’atteindre l’ennemi dans sa position la plus redoutée, c’est-à dire à Dialmath. Dialmath la ville sainte, capitale du Dimar située à 3 lieues dans l’intérieur, entourée d’une muraille épaisse en terre et trouée d’arbres, de deux mètres d’élévation, avait réuni pour sa défense tous les mécontents de l’Ile à Morphil et du Dimar au nombre de 3000 hommes. Dialmath n’avait jamais été attaquée par les Français et avait repoussé les Maures plusieurs fois. L’abattre, c’était donc étendre la réputation de nos armes, jeter la consternation dans la contrée et nous assurer la facile conquête de tous les pays que nous n’aurions plus qu’à parcourir et à ravager si cela était jugé nécessaire. Il fallait par conséquent, avant d’avoir été entouré par l’ennemi et par la maladie nous porter sur la capitale du Dimar…. Les terrains qui s’étendent de la rive de Fanaye à Dialmath, couverts pendant la saison sèche de magnifiques champs de mil et de bois, livrent un passage assez facile à une armée ; mais que de difficultés ne nous ont pas opposé une chaleur  de 40 à 45 degrés, l’ignorance des guides qui plusieurs fois se sont trompés de route et le manque complet d’eau. Enfin après plus de 6 heures de marche, les hommes exténués de fatigue et demandant de l’eau, beaucoup d’entre eux atteints de la fièvre, l’artillerie pouvant à peine suivre, les animaux porteurs tombant sous leur chargement, nous sommes arrivés devant Dialmath… »

Moustapha, je promets de reporter le manuscrit du récit de la bataille épique de Dialmath et je réciterai tes poèmes  vantant l’épopée de Karasse Elimane Boubacar et de ses frères d’armes, tombés à Dialawali  que « survolent des vautours venus des horizons perdus ». Je le réserve  pour notre prochaine entrevue.

A la  dimension de tout homme engagé, peu de personnes pouvaient te suivre dans la foulée intellectuelle et convictions ancrées. Une enveloppe modeste et une vie simple t’amenaient à partager le temps avec ceux qui ont besoin de toi. Ni la gloriole, ni les honneurs ne te faisaient courir. Ce qui t’intéressait, chevalier de la fraternité, nomade de la paix au visage expansif d’humanité, c’était l’histoire pour en changer le cours sinueux et triste.

Avocat du bonheur et du partage, gardien du temple peul, tu étais la synthèse réussie de la tradition et de la modernité. Du monde ancien, tu donnais un visage nouveau par l’incarnation de la vie moderne, dans une tradition ouverte. Tu n’étais jamais à court d’idées et dans toutes tes expressions, chaque mot révélait la densité du réel et sonnait comme leçon de vie.

Eduqué dans la dignité et l’honneur, tu suivis une trajectoire pleine d'humanisme et de vertu qui sont légués à la postérité. Tu étais doté du pouvoir de recul et tu savais par conséquent construire des jugements pertinents, efficaces et justes, toutes choses qui expliquaient ta vivacité et ton attachement à ton pays et à ta communauté. Ta vie avait incontestablement un sens. Ta mort est une perte immense, nous l’acceptons.

Que Dieu vous accueille au Paradis, toi et ton grand frère, ton compagnon de lutte, Mamadou Samba Diop dit Murtudo.

Paix et santé, longue vie et vigueur à Ibrahima M. Sarr. Que Dieu lui donne la force de mener à bon port le combat titanesque, parce que ses deux frères jumeaux, les armes à la main, lui ont faussé compagnie et sont partis pour toujours.

 

Mamadou Elimane Kane

Dakar Sénégal

elimkane@yahoo.fr

 

(Reçu à Kassataya le 30 septembre 2014)

 

Les opinions exprimées dans cette rubrique n'engagent que leurs auteurs. Elles ne reflètent en aucune manière la position de www.kassataya.com

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

 

 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page