La garde prétorienne de Manuel Valls à Matignon

M. Valls pourra s'appuyer sur un autre Evryen, plutôt discret : Ibrahima Diawadoh N'Jim, bombardé " chargé de mission auprès du premier ministre ". D'origine mauritanienne, M. Diawadoh, qui fut le témoin de mariage de M. Valls, continuera à conseiller le chef du gouvernement sur l'intégration, l'islam ou les relations avec l'Afrique de l'Ouest, où il dispose d'un solide carnet d'adresses.

 

 

 

Le premier ministre est entouré d'une cinquantaine de conseillers, allant des fidèles aux nouveaux convertis

 

A l'exception d'un " chef de pôle économique ", d'un autre sur le développement durable et d'un troisième sur la culture, la composition du cabinet de Manuel Valls à Matignon est presque bouclée. Il devrait compter une cinquantaine de membres, soit environ dix de moins que l'équipe Ayrault, et se réunir chaque mercredi, au complet, pendant le conseil des ministres. Une phalange constituée de différentes strates politiques, qui disent la trajectoire exponentielle du nouveau premier ministre. " Tout est allé très vite. Il y a deux ans, il n'était que député d'Evry ", rappelle un conseiller ministériel. Evry-Beauvau-Matignon : l'esprit de clan demeure, mais désormais appliqué à grande échelle. " Manuel fonctionnait jusqu'ici en mode commando, résume son ami, le député Jean-Jacques Urvoas. Aujourd'hui, le voilà à la tête d'une grande armée. "

Evry Connection A l'origine, il y eut les " Valls boys ". Quatre fidèles collaborateurs du maire d'Evry, quand celui-ci, Rue de Solférino, ne comptait guère d'amis. " Il faut reconnaître à ceux-là le mérite d'avoir sérieusement mouillé la chemise quand il n'y avait pas grand monde ", rappelle Carlos Da Silva, patron de la fédération socialiste de l'Essonne et nouveau porte-parole du PS. Le plus ancien, Christian Gravel, fut son directeur de cabinet et de communication à Evry. Adepte des sports de combat, il officie depuis deux ans à l'Elysée : adjoint à la presse d'Aquilino Morelle, conseiller politique de François Hollande, il entend désormais contribuer à " fluidifier " le lien avec Matignon.

Sébastien Gros et Harold Hauzy, eux, sont demeurés au plus près de Manuel Valls, hier à Beauvau, aujourd'hui à Matignon : le premier comme chef de cabinet, chargé du hautement stratégique agenda vallsiste, le second comme conseiller en communication bien verrouillée. Tous confessent une " foi " en leur patron : " Contrairement à ses camarades, qui ont un complexe, Valls a depuis des années une ambition qu'il évoque très ouvertement : la conquête et l'exercice du pouvoir. Dans son équipe, nous baignons dans cet état d'esprit. Nous-mêmes étions animés par cette ambition et la certitude qu'il faisait partie des meilleurs. "

Outre Stéphanie Bès, nommée chef de cabinet adjointe à Matignon, M. Valls pourra s'appuyer sur un autre Evryen, plutôt discret : Ibrahima Diawadoh N'Jim, bombardé " chargé de mission auprès du premier ministre ". D'origine mauritanienne, M. Diawadoh, qui fut le témoin de mariage de M. Valls, continuera à conseiller le chef du gouvernement sur l'intégration, l'islam ou les relations avec l'Afrique de l'Ouest, où il dispose d'un solide carnet d'adresses.

Les hommes de Beauvau " On n'a pas pu emmener tout le monde ", plaisante un conseiller de M. Valls. Outre les précédentes personnes citées, le premier ministre embarque cependant nombre de conseillers recrutés à l'intérieur. A commencer par son ancien directeur de cabinet adjoint Renaud Vedel. Cet énarque, ex-collaborateur du très sarkozyste préfet Michel Gaudin, est nommé conseiller pour les affaires intérieures. Il sera secondé par un autre transfuge de Beauvau, Etienne Stoskopf, jusqu'ici chargé des cultes, et par un policier " généraliste ", Cyrille Chabauty, passé notamment par la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI).

A la différence de Jean-Marc Ayrault, M. Valls n'a pas recruté de directeur de cabinet adjoint chargé des affaires régaliennes. Il pilotera en personne, et en direct, ces dossiers. Il conserve également sa conseillère justice, Hélène Cazaux-Charles, qui, au plus fort de l'affrontement avec la place Vendôme sur la réforme pénale, avait concentré l'ire de Christiane Taubira. Ainsi que ses deux conseillers parlementaires, Magali Alexandre et Philippe Blanchot, et sa plume, Benjamin Djiane. Autant de gens de confiance. Son successeur, Place Beauvau, Bernard Cazeneuve, a lui conservé un nombre important de conseillers de l'époque Valls – qui dispose ainsi d'un cabinet bis à l'intérieur.

Coup de balai Du cabinet de M. Ayrault, Manuel Valls a fait table rase. Ou presque. Il n'en conserve qu'une conseillère, Marie Guittard (agriculture) et quatre conseillers techniques : Hakim Khellaf (jeunesse et sport), Cécile Courrèges (santé), Jean-Philippe Vinquant (retraites) et Cécile Raquin (décentralisation). " On aurait pu faire un truc plus souple sur le plan humain et professionnel, regrette un conseiller à l'Elysée. Mais ça correspond à une volonté d'image et de fond. "

Pour diriger son cabinet, M. Valls, qui voulait un profil économique, a choisi Véronique Bédague-Hamilius, 50 ans, ancienne de la direction du budget et ex-secrétaire générale de la ville de Paris. A ses côtés, Gilles Gateau, ex-directeur de cabinet de Michel Sapin au ministère du travail, occupera, c'est une nouveauté, la double fonction de conseiller social et directeur de cabinet adjoint. Ancien conseiller de Lionel Jospin à Matignon, comme M. Valls, M. Gateau, bien connu des syndicats et du patronat, se devra d'inculquer à son nouveau patron l'art du dialogue social.

Mme Bédague-Hamilius, première femme à ce poste, l'a expliqué dès la première réunion du cabinet : " Les chefs de bureau, il y en a plein dans l'administration. Vous n'êtes pas là pour ça, mais pour aider à la décision politique. " Le message est à peine voilé : le règne des technos, c'est terminé. " La politique d'abord ", résume un proche de M. Valls. Et la ligne est bien sûr fixée par le chef du gouvernement.

Les nouveaux entrants M. Valls, au-delà des fidèles d'Evry ou de Beauvau, a dû embaucher rapidement, tous azimuts. A l'Elysée, d'où vient Anne Courrèges (éducation). A Bercy, dans l'ancien cabinet de Bernard Cazeneuve au budget, d'où sont issus Florence Philbert (comptes publics), Frédéric Brédillot (prélèvements obligatoires) ou Marc-Henri Serre (budget). A la défense, où officiait un jeune polytechnicien, Sébastien Dessillons (industrie). Au cabinet de Claude Bartolone à l'Assemblée, où est recruté Frédéric Potier (outremer). A la ville de Paris, d'où arrive Frédérique Lahaye (logement), ou de Toulouse, qui fournit son ancien directeur général des services, Philippe Mahé (décentralisation). Même à l'Insee, d'où débarque Cédric Audenis (économie), et jusqu'en Australie, d'où atterrira l'ambassadeur Stéphane Romatet (diplomatie). Le cabinet compte aussi un conseiller en partage avec l'Elysée : Philippe Léglise-Costa, qui pilote les affaires européennes.

Entre vieux adeptes et frais convertis, l'épreuve du pouvoir favorisera-t-elle l'amalgame ? Un conseiller ministériel n'en doute pas : " Les strates se superposent, mais ses collaborateurs lui vouent tous un sens du service total : fidélité, discipline, paranoïa. " La dynamique de l'ambition en somme. Ce premier cabinet grand format ne constituerait, au fond, qu'une étape de plus. " Il a une capacité à aimanter, confirme un proche. Et une fois aimanté, on a envie de participer à la suite de l'aventure. " Comme Nicolas Sarkozy en son temps, qui avait forgé sa garde rapprochée à Beauvau pour l'emporter ensuite vers l'Elysée.

 

David Revault d'Allonnes

 

Source : Le Monde

 

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