Pour la première fois en Mauritanie, un homme est poursuivi pour apostasie

Mohamed M'Kheitir encourt la peine de mort s'il ne se repent pas après avoir critiqué le prophète Mahomet.

 

Un court instant, le texte de Mohamed Cheikh Ould Mohamed M'Kheitir, est apparu sur des sites Internet avant d'être prestement retiré. Trop tard : accusé d'apostasie, le jeune Mauritanien de 28 ans, interpellé le 2 janvier à Nouadhibou, la deuxième ville du pays située au nord-ouest et dont il est originaire, est placé en détention et encourt en théorie la peine de mort s'il ne se repent pas devant le juge. Une première dans cette République islamique d'à peine plus de 3 millions d'habitants où, jusqu'ici, aucun écrit jugé blasphématoire contre le Prophète n'avait été publié.

Calculée ou non, la mise sous mandat de dépôt de Mohamed M'Kheitir le soustrait du moins à la vindicte d'une partie de la population. Le 7 janvier, à Nouakchott, des manifestants, quoique en nombre limité, ont à nouveau défilé pour réclamer la peine capitale contre l'auteur du texte incriminé, employé d'une société minière qui l'a aussitôt licencié.

Dans sa tribune, rédigée en arabe, Mohamed M'Kheitir critiquait les décisions prises par le Prophète lors de la conquête de La Mecque, au cours de laquelle, soulignait-il, " les mécréants arabes qui combattaient l'islam ont été graciés parce qu'ils étaient des proches parents du Prophète et de ses compagnons, contrairement aux juifs qui étaient exécutés pour avoir seulement comploté contre le Prophète ". Il accusait également la société mauritanienne d'avoir perpétué " un ordre social inique hérité de cette époque " avec la " marginalisation au nom de l'islam " de certaines catégories sociales telles que les " moualamines (forgerons), les descendants d'esclave et les griots ".

Aussitôt après, les esprits se sont échauffés sur Internet. Même la Commission nationale des droits de l'homme (CNDH) mauritanienne, un organisme paragouvernemental, a fait part de sa " consternation " pour ces écrits jugés " blasphématoires, vexatoires et provocateurs " et " hérétiques ". Dans un communiqué rendu public le 9 janvier et signé de sa présidente, Irabiha Abdel Wedoud, l'organisation rappelle que " tout musulman coupable du crime d'apostasie, soit par parole, soit par action de façon apparente ou évidente, sera invité à se repentir dans un délai de trois jours ", faute de quoi, " il est condamné à mort en tant qu'apostat et ses biens seront confisqués au profit du Trésor ". " S'il se repent avant l'exécution de cette sentence, poursuit la CNDH Mauritanie, le parquet saisira la Cour suprême, à l'effet de sa réhabilitation dans tous ses droits. " Bien que régie par la charia, la Mauritanie n'applique cependant plus la peine de mort, pas plus que les châtiments corporels, depuis les années 1980.

Des partis ont également fait part de leur indignation, alors qu'un nouveau gouvernement doit se mettre en place après les élections législatives et municipales de décembre 2013, à l'issue desquelles le parti islamiste Tawassoul, membre des Frères musulmans, et dont c'était la première participation à un scrutin, s'est imposé comme la deuxième force politique du pays.

Le cas de Mohamed M'Kheitir n'est pas isolé dans le Maghreb. En Tunisie, Jabeur Mejri, 29 ans, condamné en 2012 à sept ans et demi de prison pour avoir publié sur Internet des caricatures du Prophète, croupit toujours derrière les barreaux.

 

Isabelle Mandraud

 

Source : Le Monde

 

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