Nouvelles d’ailleurs: Le retour….

(Crédit photo : Nathalie Duvarry)

Ben dis donc. Ce n’était plus un retour, c’était un tsunami, que dis-je un tsunami…c’était le Retour des retours, le premier, le fondateur de la tribu des « retours de président ».

Certains journalistes ont avancé le nombre de 1 million de personnes en délire dans les rues de notre magnifique capitale Nktt-Plage, suant là pour accueillir notre président blessé. Là je dis « respect » car j’imagine ces mêmes journalistes poussant la déontologie à compter une par une toutes ces âmes rectifiées qui acclamaient notre sultan : « et un, et 2, et 3, et 4, et 5….et 950000, et 999000 et…1 million! Oui 1 MILLION! Et le gagnant est le millionième quidam répertorié!!! ». L’histoire ne nous dira pas combien de temps il a fallu pour décompter ces milliers d’adorateurs en délire, mais l’exploit du comptage et recomptage mérite une place au panthéon des comptages et recomptages nationaux. Si des journalistes disent « 1 million », nous dirons nous Z’Aussi « 1 million ».
J’aurais aimé que nous ayions droit aux très succulents « selon la police » et « selon les manifestants », quand là où les forces assermentées, (dans les pays dits démocratiques) voient 2 manifestants, les organisateurs en voient 40 000. Chez nous, ça aurait sûrement valu son pesant de cacahuètes car, pour une fois, les chiffres de nos agents de l’ordre public auraient sûrement dépassé celui annoncé par les manifestants.
Bref… Notre Roi est enfin rentré au bled, parmi les siens qui l’attendaient larmes aux yeux et ventres pleins de trop d’ingestion de yayeboys généreusement distribués quelques jours avant par notre Etat providence…. Si vous ne voyez pas de lien entre poisson, estomac et accueil délirant, c’est qu’il est grand temps pour vous d’aller voir ailleurs si je m’y trouve.
Tout le monde voulait toucher le héros de l’année, l’homme courageux, le fort en maths qui avait vaincu la balle, exprimer sa compassion.
Pendant 40 jours, nous avions été sevrés de l’image du père tout puissant. Le service relation, encore lui, avait décidé le black out. Nous en étions aux spéculations toutes plus viles les une que les autres. L’opposition s’égosillait, traîtresse qu’elle est, à réclamer un bulletin de santé. Les journalistes en profitaient pour augmenter leurs ventes en se faisant l’écho de toutes les rumeurs. Le peuple (NOUS) se faisait un film où il était question de femmes, de jalousie, de tirs, de grossesse… La majorité présidentielle… eh bien la majorité présidentielle se faisait muette et toute petite petite, le dos rond, et attendant de voir où le vent allait tourner, on ne sait jamais, le Raïss pouvait succomber, perdre la boule. Elle a fait dans la prudence es-exPRDS, à savoir : quand on ne sait pas d’où va venir le vent, on se la boucle, on rase les murs, on contacte discrètement toutes les tendances politiques, histoire de ne pas mettre les oeufs dans la même guerba, on lorgne du côté Ghazwani…. Les laudateurs et chanteurs professionnels avaient tous soudain perdu la voix….
Hum… Si j’étais notre Aziz, je réfléchirai sérieusement à couper des têtes…..
Mais laissons là ce grand moment de bolitik mauritano-mauritanienne.
Et laissez moins, votre Grâce, vous murmurer quelques petites choses, histoire que vous les transmettiez à votre toujours très efficace staff de comm/relations publiques :
• je ne veux pas vous fâcher, mais votre arrivée et votre traversée de notre capitale avaient quand même un petit air de Corée du Nord. Soit : vous avez été sérieusement blessé; vous avez dû quitter le pays pendant 40 jours. OK; Mais vous ne trouvez pas qu’il y a un peu de « Cuba » ou « Pyong Yang » dans l’organisation de la fiesta? Ca faisait très Petit Père des Pauvres version Nous Z’AUtres…
• je ne veux toujours pas vous fâcher, mais qui a eu l’idée saugrenue, après vous avoir tenu enfermé pendant des jours, de vous exhiber ainsi à la foule? Vous êtes pâle, maigre, l’air un peu mal en point ce qui est normal. Qui a eu l’idée sublime de vous infliger tout ce protocole, arguant sûrement du fait, que les Nous Z’Autres avaient eu le traumatisme de vous voir, vous d’habitude si fort, faible, vulnérable et profondément humain? Qui vous a dit qu’il fallait vous lancer à une foule de curieux et de laudateurs?
• Qui vous a obligé à aller serrer toutes ces mains de griots dès la descente de l’avion? Vous les avez vu, monsieur le Président, c’était à qui paraîtrait le plus obséquieux et respectueux; cela vous l’avez sous vos yeux depuis tant d’années que, comme médicament de convalescence, c’était un coup à vous renvoyer dans votre chambre d’hôpital. En plus je ne suis pas sûre que tripatouiller toutes ces mains de troubadours, soit très hygiéniques.
• Qui vous a dit que vous ne deviez pas vous adresser à votre peuple mais parler à France 24, RFI, AL Jazeera? Sommes-nous donc des ânes tels que nous ne puissions mériter vos premières paroles officielles?
• Qui a suggéré une distribution de Yayeboy, nous faisant replonger dans la très sublime ère Taya? Le timing fut si grossier que le geste en devient suspect.
• Qui vous a dit que c’était à vous de donner en premier votre bulletin de santé? Y aurait il dans votre entourage très très restreint que fut votre « cabinet de crise » en France, des gens qui détestent les médecins? Il faudrait dire à ces gens là qu’il y a des règles à respecter ; d’abord un bulletin de santé émanant de vos toubibs, puis, après, libre à vous de revenir longuement sur votre blessure…
• Quel est le crétin qui, jeune loup aux dents longues sûrement, vous a dit que ça serait bien de faire d’une pierre deux coups : rentrer et faire dans la campagne électorale. Chaque chose en son temps Monsieur le Président : le compassionnel ne marche qu’un temps. Il fallait vous « humaniser ». je le pense sincèrement; faire que chaque mauritanien se sente proche de vous, faire descendre le héros anti gabegie de son piédestal d’homme fort et vous montrer humain, souffrant, inquiet… Pas en ce héros Superman serrant les dents afin d’aller se faire acclamer par ses concitoyens.
• Ils ne vous ont pas raté les rigolos de la communication : à peine rentrés, bain de foule, et zouh, conseil des ministres puis centrales énergétiques. S’ils vous murmurent que « ça serait bien que l’on vous voit refaire votre footing », virez les, c’est qu’ils veulent votre mort.
Alors je vous plains Monsieur notre Sultan, je vous plains de tout mon coeur : par votre blessure, vous avez pu compter vos amis dans votre propre camp; vous avez vu des moments de panique et des capitaux en fuite à l’étranger; vous avez entendu des silences « amicaux » de vos laudateurs habituels; vous avez constaté de visu, si vous ne l’aviez pas encore remarqué, que ce n’est pas l’opposition qui est à indexer -elle est dans son rôle, aidée par là par le silence ravageur des derniers 40 jours- mais bien votre camp, tous ceux qui ont couru babouches à terre vers l’aéroport afin de faire des salamalecs hypocrites, une fois l’annonce de votre résurrection.
Je n’étais pas là pour vous accueillir : je déteste les grands messes hystériques et fort peu spontanées; mais cela ne m’empêche pas de vous souhaiter un bon retour.

Salut

Mariem mint DERWICH

Source : Le Calame le 28/11/2012

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