Escapade nocturne dans la banlieue de Nouakchott : Bouhdida, la cité perdue

A quelques centaines de mètres des palaces et des maisons chics de Tevragh Zeina, une autre Mauritanie se réveille tous les jours, loin des tintamarres et des lumières tamisées de la ville. Sans électricité, des quartiers entiers sont laissés en rade pendant la nuit, seuls face à leur destin.

Les habitants de Bouhdida, quartier précaire de la banlieue ne vous diront pas le contraire.

Situé à quelques encablures de la route de l’espoir et à cheval entre la moughata de Toujounine et celle d’Arafat, le quartier de Bouhdida traine tous les jours son lot de désolation. Un quartier né des décombres d’un gazra qui garde toujours les stigmates de la pauvreté. Le jour, les maisons en baraque ou en tôle rappellent les townships de Soweto. Sinistre et lugubre, la laideur et la grisaille des lieux fait peur pendant la nuit.
Il était 19 heures quand le taxi s’arrêta devant une blanchisserie. Une sortie dans la banlieue qui était loin d’être une chose facile. Une visite hasardeuse à un ami d’enfance qui ressemble à un suicide plutôt qu’à un conte de fée. Le calme absolu des lieux oblige les habitants à se terrer chez eux, dés le coucher du soleil. Au fur à mesure que ma silhouette avançait dans la pénombre de la nuit, les phares des conducteurs empressés, éclairer mon chemin. Sinon, autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Les courses folles des ânes, mélangés à leur braiement me donne envie de rebrousser chemin. Autour de moi, un taudis qui refuse de réagir face aux galipettes et tapages des bêtes de somme. Grouillant le jour, le quartier ressemble à un tas de feuilles mortes. L’absence de l’électricité semble être la cause absolue. Les centaines d’âmes humaines qui s’y réveillent tous les jours ont beau larmoyer, mais les autorités ne semblent pas insensibles à leurs pleurs. L’assainissement et l’urbanisation anarchique du quartier continuent de clouer aux piloris des centaines de famille. Triste et funeste, le quartier se morfond dans son chagrin, loin des tohu-bohus de la capitale. Les klaxons des voitures et les cris des ânes restent leur seul attraction. La rue, bondée le jour, cherche à clamer sa splendeur, face aux quolibets des voisins. Situés en aval de « la route de l’espoir », ces hasardeux ont certes l’électricité, mais ils vivent tous dans la même galère. Sur le chemin, des chèvres éperdues cherchent refuge dans une baraque abandonnée, probablement attirées par la lumière de la boutique du coin. Une lueur blanchâtre et éblouissante qui me redonna espoir de retrouver mon ami. Après quelques minutes d’hésitations devant la boutique, mon portable sonna. Au bout du fil, la voix d’un homme perturbé et inquiet qui se faisait du mauvais sang pour son ami. Un appel qui vient à point nommer mais qui représente pour le moment un cautère sur une jambe de bois, car perdu et déboussolé, j’avais perdu tout mon niaque, tout mon envie d’aller au bout de cette aventure suicidaire.

Dialtabé

Source  :  Le Quotidien de Nouakchott le 27/01/2011

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