« L’Orient-Le Jour », fringant quotidien centenaire du Liban

La liberté de ton et la qualité éditoriale du journal francophone, porté par une jeune rédaction, lui ont permis de dépoussiérer son image.

Le Monde – Au moment de fêter son centenaire, cette année, L’Orient-Le Jour (L’OLJ) s’impose comme une voix singulière dans le paysage médiatique libanais et arabe. Dépoussiéré de son image de gazette des « tantes d’Achrafieh », symbole de la bourgeoisie chrétienne francophone de l’est de Beyrouth, et porté par une rédaction résolument jeune, le quotidien de langue française a réussi la mutation entamée il y a une décennie, en dépit des turpitudes du pays du Cèdre.

Le quotidien, né en 1971 de la fusion entre L’Orient, fondé en 1924 par l’intellectuel libanais Georges Naccache, et son concurrent Le Jour, créé en 1934 par Michel Chiha, le rédacteur de la Constitution libanaise, réunit aujourd’hui une soixantaine de journalistes, dont plus de la moitié a moins de 35 ans. Ils couvrent et décryptent l’actualité en continu dans les pages et sur le site du média, ainsi que sur celui de sa déclinaison en langue anglaise, L’Orient Today.

Sa liberté de ton et sa qualité éditoriale lui ont valu d’être distingué en 2021 par le Grand Prix de la francophonie de l’Académie française. La journaliste Caroline Hayek, elle, s’est vu décerner le prix Albert-Londres pour sa couverture de l’explosion au port de Beyrouth en août 2020. Ce succès d’estime s’est doublé de records d’audience – soit 1,4 million de visiteurs par mois sur le site, soit le double du chiffre habituel – avec la couverture de la guerre à Gaza et ses répercussions au Liban.

Traitement de sujets encore tabous

« On a été l’un des rares médias arabes à dire que l’attaque du 7 octobre [2023] a été un massacre que rien ne peut justifier et à attirer l’attention sur le fait que la réponse israélienne serait un massacre que le 7 octobre ne peut pas justifier », explique Anthony Samrani, rédacteur en chef de L’Orient-Le Jour. Pour le trentenaire, entré à L’OLJ au sein du service international en 2014, l’ambition est de « devenir un journal de référence au Liban et une voix singulière dans le monde arabe. Notre slogan est un Liban pluriel, libre et souverain ».

L’OLJ a embrassé les combats de la société civile libanaise, de la crise des ordures en 2015 à la thawra (« la révolution ») de 2019. « Nous avons voulu porter le changement, avec une équipe plus jeune, plus engagée sur le terrain, et avec des actionnaires plus impliqués aussi », explique Nayla de Freige, la présidente du journal, dont la famille paternelle, les Pharaon, compte au nombre des actionnaires minoritaires aux côtés des familles Eddé et Helou, actionnaires majoritaires.

« L’OLJ n’est pas aligné sur un axe régional, ni ne dépend de financements étrangers. Il est libéré de toute pression financière des milieux d’affaires libanais. Il a une ligne féroce contre le Hezbollah mais aussi contre la corruption et le népotisme des élites », salue le politologue franco-libanais Karim Bitar, lecteur assidu et contributeur occasionnel. A ses yeux, L’Orient-Le Jour a su rester fidèle à la philosophie de ses fondateurs : francophone, ouvert sur le monde et libéral. « C’est l’un des rares médias qui traitent les sujets marginalisés et refusent que la liberté d’expression soit bâillonnée », ajoute-t-il. Des thèmes encore tabous au Liban, comme l’homosexualité, les violences domestiques, le suicide ou l’avortement, apparaissent régulièrement dans ses colonnes. Ecrire en français offre cette liberté, mais elle cantonne le journal à une élite.

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Source : Le Monde

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