« Au ras des hommes », de Janis Ostiemi : crimes de sang-froid en plein cœur de Libreville

LE LIVRE DE LA SEMAINE. L’auteur gabonais campe des policiers un peu ripoux, d’anciens caïds devenus indics et des petits voleurs susceptibles de se repentir un jour.

Le Monde  – Plusieurs fois distingué pour ses romans noirs (La Vie est un sale boulot, La Bouche qui mange ne parle pas, African tabloïd, Les Voleurs de sexe…), l’écrivain gabonais de 47 ans Janis Otsiemi n’avait pas publié de fiction depuis 2018, préférant s’exprimer dans des essais politiques. Le voici de retour en ce mois de février avec Au ras des hommes, nouveau roman dans lequel les amateurs de polar retrouveront avec plaisir sa capacité à mettre en place une intrigue policière pleine de suspens et piquée de pointes d’humour bien senties.

L’histoire se passe à Libreville, la capitale gabonaise, et débute par une série de crimes, aussi horribles que déconcertants, aussi inattendus qu’affolants. Un homme, apparu en plein centre-ville au volant d’une voiture, se met à abattre des passants au hasard avec des armes à feu, avant de se donner la mort. L’événement met la ville en émoi. Des tueries comparables étaient jusqu’alors survenues dans différents pays du monde occidental, mais demeuraient inédites dans cette capitale de l’Afrique équatoriale.

Qui est le tueur ? A-t-il agi sur ordre de commanditaires ? Pourquoi n’a-t-il pas revendiqué son acte ? Pour quelles raisons a-t-il pris des substances chimiques avant de commettre son crime ? Et enfin, bien sûr, comment faut-il comprendre son acte ? Les capitaines Koumba et Owoula se lancent dans une enquête systématique et, à partir de très faibles indices de départ – le tueur, anonyme, ayant rapidement succombé à ses blessures – remontent la piste des faits jusqu’à leur origine.

Chapitre après chapitre, Janis Otsiemi assemble son puzzle dans une langue aussi précise qu’efficace. L’écrivain a l’art de camper ses protagonistes dans la vie quotidienne à Libreville, faisant de ses policiers non des héros mais des hommes de la classe moyenne, mariés et pères de famille, habitués à passer dans la même journée des milieux huppés à ses bas-fonds les plus glauques, de leur salon familial à la chambre de leur maîtresse.

Toutes les franges de la population

 

Les personnages défilent, comme Papy, un ancien « braqueur d’origine camerounaise qui s’était reconverti dans le commerce de l’alcool. Il avait pris part à plusieurs braquages dont le dernier, celui de la banque Atlantide, l’avait envoyé en taule pour cinq ans. Et Koumba était celui qui l’avait alpagué. A sa sortie de prison, le policier en avait fait son “allô” qui lui filait de bons tuyaux quand il en avait besoin car Papy était respecté dans les milieux de la pègre locale. Son pedigree long comme les rails du Transgabonais faisait pâlir les petits voleurs à la tire ».

Les policiers un peu ripoux rejoignent les anciens caïds devenus indics. Et les petits voleurs sont susceptibles de se repentir un jour. Chez Janis Otsiemi, l’enquête est une occasion d’ouvrir largement l’éventail social et d’y inclure toutes les franges de la population. Le roman policier, tel que le conçoit l’auteur, est une occasion de réinventer le réel en l’améliorant. Ici, en effet, point d’impunité négociable comme il arrive si souvent dans les pays africains. Au contraire, au terme d’une enquête menée dans les règles de l’art, les coupables sont bel et bien confondus et mis en prison quelle que soit leur assise sociale.  L’écrivain offre ainsi au lecteur de croire à un monde où la justice règne et la criminalité est punie, le temps d’un roman.

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Au ras des hommes, de Janis Otsiemi (éd. Les Lettres mouchetées, 142 pages, 16 euros).

 

Source : Le Monde 

 

 

 

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