La “rébellion silencieuse” de Shah Rukh Khan

Le magazine indien “The Caravan” a choisi la superstar de Bollywood pour son premier numéro de 2023. L’acteur musulman issu de la classe moyenne, marié à une hindoue, SRK s’était exprimé en 2015 contre la montée de l’intolérance. Il refuse de se joindre au reste de l’industrie dans ses éloges flatteurs du gouvernement Modi.

Courrier international  – “Un numéro d’équilibriste, la rébellion silencieuse de Shah Rukh Khan”, titre The Caravan. Sur la couverture de l’édition de janvier 2023 du magazine indien figure le portrait en noir et blanc de la superstar de Bollywood, vénérée par ses fans comme un demi-dieu, mais détestée des extrémistes hindous.

 

Le portrait-fleuve revient notamment sur des déclarations faites en 2015 par Shah Rukh Khan, désigné en Inde sous l’acronyme “SRK”. Ces dernières, pourtant inoffensives, lui avaient valu de s’attirer la haine des plus radicaux. “Il y a une intolérance extrême”, avait-il simplement jugé, faisant référence à la montée de l’intolérance religieuse en Inde après l’arrivée au pouvoir, en 2014, des nationalistes hindous du Bharatiya Janata Party (BJP) du Premier ministre Narendra Modi. L’acteur, de confession musulmane, avait également rappelé que l’Inde était un pays laïc.

“Les commentaires de Khan étaient assez anodins et reflétaient simplement les idéaux inscrits dans la Constitution, mais, intervenant au milieu d’un débat national qui faisait rage sur l’intolérance dans les premières années du gouvernement de Narendra Modi, ils ont créé une controverse majeure, rappelle The Caravan. Alors que l’intolérance extrême progresse sans relâche, Khan s’est abstenu de critiquer publiquement l’érosion de la laïcité indienne, même dans les termes généraux qu’il a utilisés en 2015.”

Incarnation du multiculturalisme

Issu de la classe moyenne, marié à une femme hindoue, SRK incarne le pluralisme et le multiculturalisme indiens. Et beaucoup regrettent qu’il soit aujourd’hui devenu silencieux. Bien qu’il ait été intimidé, “Khan a refusé de se joindre au reste de l’industrie dans ses éloges flatteurs du gouvernement Modi”, souligne néanmoins The Caravan. Alors que de nombreux acteurs musulmans de Bollywood ont dû cacher leur foi, Shah Rukh Khan n’a jamais abandonné sa religion et ne s’est pas non plus laissé définir par cette dernière. “Ce faisant, il a séduit le public au-delà des clivages sociaux et religieux.”

La bataille de Bollywood

Jamais un gouvernement n’a exercé autant de pouvoir sur Bollywood que celui de Narendra Modi. Ce dernier utilise “toutes les institutions à sa disposition” pour mettre l’industrie au pas, juge le magazine The Caravan. “En conséquence, les cinéastes ne produisent pas de films critiques à l’égard du gouvernement”, estime le mensuel indien. “S’il y avait une quelconque tendance à adopter un point de vue irrévérencieux ou critique de l’intégrisme, ou même une critique de la situation politique, cela s’est arrêté”, estime un fin connaisseur sous le couvert de l’anonymat. “Bollywood peut-il survivre à Modi ?” s’interrogeait même The Atlantic en août 2021.

“Ces films ont toujours célébré une Inde plurielle, ce qui désigne l’industrie cinématographique – et son élite musulmane – comme une cible de premier plan”, estime le magazine américain. “Le gouvernement du Premier ministre Narendra Modi et son parti nationaliste hindou utilisent des outils puissants pour restreindre la liberté créative de Bollywood, en particulier l’influence des musulmans, qui ont une forte présence dans l’industrie.” Car l’influence de Bollywood dépasse les frontières de l’Inde, et Modi le sait bien…

Mais sous le gouvernement de Narendra Modi, juge The Caravan, on a tenté de le remettre à sa place. Au mois d’octobre 2021 par exemple, son fils Aryan Khan avait été arrêté dans une affaire de trafic de drogue et avait été forcé de passer près d’un mois derrière les barreaux. Mais toutes les accusations contre lui ont finalement dû être abandonnées au mois de mai 2022, faute de preuves.

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The Caravan (New Delhi)

Fondé en 1940, le magazine anglophone est renommé Alive en 1988 puis renaît sous son nom d’origine en janvier 2010. Culturel et politique, à la maquette soignée, il privilégie les reportages, le photojournalisme et la critique littéraire

Source : Courrier international 

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