En Afrique du Sud, le roi zoulou dans la tourmente

La reconnaissance par le président sud-africain du monarque a été invalidée par une cour de justice après avoir été saisie par une branche dissidente de la famille royale, ce qui plonge le pays zoulou « dans l’angoisse ».

Le Monde – Un lion fut tué en août 2022. Sa peau fut posée sur les épaules de Misuzulu kaZwelithini qui entra dans le kraal, l’enclos sacré, pour devenir roi selon la coutume zoulou. Plus d’un an après la mort de son père, le prétendant montait enfin sur le trône grâce à la reconnaissance du président Cyril Ramaphosa, autorité suprême dans un pays où les chefs traditionnels n’ont pas de pouvoir exécutif. «

 Je ne doute pas qu’avec le soutien de la famille royale, vous meniez le processus d’unir la communauté », enjoignait le chef de l’Etat sud-africain lors d’une grande cérémonie d’intronisation dans le stade Mabhida de Durban le 29 octobre 2022.

C’est pourtant lui, Cyril Ramaphosa, qui a fourni accidentellement les munitions à une branche rivale de la famille royale pour contester Misuzulu kaZwelithini. Saisie par un demi-frère du souverain, la Haute-Cour de justice de Pretoria a annulé la reconnaissance par le président du nouveau roi à cause du non-respect de certaines règles traditionnelles. La présidence a fait appel et souligne que le roi Misuzulu reste l’héritier du trône. L’entourage du roi se dit confiant car le jugement ne remet pas en cause sa légitimité, mais seulement la procédure de certification.

Cette décision de justice égratigne un peu plus l’autorité du roi. Depuis sa désignation en mai 2021, le monarque de 49 ans bataille pour se faire accepter par l’ensemble de sa famille. Certains princes estiment que leur possible éligibilité a été trop vite écartée. Misuzulu kaZwelithini n’est pas le plus âgé des vingt-huit enfants que son père a eus avec six femmes, mais c’est le premier fils de la reine consort, la femme officielle du roi, et c’est ce qui compte selon le camp légitimiste.

« Il n’a pas été mal désigné, toutes les procédures ont été respectées », défend l’historien Maxwell Zakhele Shamase de l’université du Zululand. Mais ses adversaires essaieraient de se débarrasser de lui par tous les moyens. « Ils disent qu’il se drogue, que c’est un alcoolique, un coureur de jupons, mais rien de tout ça n’a été prouvé. Même si ces accusations étaient vraies, il resterait l’héritier légitime pour le trône », balaie Maxwell Zakhele Shamase.

Une manne financière

Le jour de sa proclamation, en mai 2021, Misuzulu kaZwelithini fut exfiltré du palais royal par des gardes du corps équipés de fusils d’assaut. Le Kwazulu-Natal est une province marquée par les assassinats politiques et la famille royale n’est pas épargnée. Les opposants du roi l’ont ensuite menacé d’un bain de sang s’il participait à la cérémonie des roseaux – une fête qui célèbre la virginité des femmes – en septembre 2022. Finalement, c’est son conseiller Dumisani Khumalo qui fut assassiné durant le week-end, sans qu’un lien ne puisse être formellement établi avec la guerre de succession.

Le temps où les prétendants au trône faisaient couler le sang est pourtant révolu. Les aspirants monarques croisent désormais le fer devant les tribunaux. « En Afrique du Sud, le droit est d’inspiration romano-néerlandaise. Comment voulez-vous résoudre une dispute d’ordre traditionnelle devant les tribunaux ? », s’amuse Zakhele Ndlovu, maître de conférences en sciences politiques à l’université du Kwazulu-Natal. Le politologue conseillerait au roi d’approcher ses opposants et de les convaincre de régler cet incident en famille et selon le droit coutumier.

Mais les deux factions dissidentes préfèrent faire le siège de la justice pour contraindre le roi. Le jugement, qui a annulé la certification du roi, « a enhardi la faction du prince Simakade qui veut prendre la place du roi Misuzulu », relève le journaliste SIhle Mavuso, spécialiste des affaires politiques dans la province du Kwazulu-Natal. « On s’attend à ce qu’au cours de l’année à venir, l’une des deux factions engage une procédure judiciaire pour forcer le gouvernement à suspendre tous les avantages dont bénéficie le roi jusqu’à ce que l’affaire soit résolue », poursuit-il.

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  (Johannesburg, correspondance)

Source : Le Monde

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