France – Acheter des passeports ou quand la « nationalité de papier » est affaire de fiscalité

L’expression, utilisée alors par la droite et l’extrême-droite et qui a provoqué de vives remous dans l’hémicycle, vise à critiquer les règles d’acquisition de la nationalité française et à stigmatiser l’immigration comme source de tous les maux. Certaines personnes seraient françaises, mais sans attaches viscérales à la France : disposant d’un passeport, elles réduiraient la nationalité à un bout de papier.

Schématiquement, l’acquisition de la nationalité d’un pays dépend en général soit du droit du sol, soit du droit du sang. Dans le premier cas, la nationalité est attribuée à la personne qui naît sur un territoire donné, principe retenu par les pays d’immigration afin de favoriser l’intégration ; dans le second, les enfants héritent à leur naissance de la nationalité de leurs parents, principe cette fois favorisé par les pays d’émigration.

La pratique a néanmoins développé une autre technique : l’achat de passeport. Il existe ainsi une catégorie de personnes disposant d’une ou de plusieurs nationalités de papiers pour des raisons davantage fiscales que fondées sur un amour immodéré de la patrie.

Rendre compte de ce marché très particulier comme nous tentons de le faire dans nos travaux et s’interroger sur sa portée en cas de contrôle fiscal pose plus largement la question des liens entre nationalité et fiscalité.

Des passeports en promo

 

Nombreux sont les États, dont la France, qui définissent des politiques visant à se rendre attractifs pour les personnes disposant de hauts revenus. L’idée est de permettre à ces individus de trouver dans les réglementations en vigueur des incitations à acquérir une autre nationalité.

Les stratégies peuvent être très diverses. Le premier pays à avoir adopté ce type de politique a été l’archipel de Saint-Christophe-et-Niévès (Saint Kitts and Nevis) en 1984. L’argument de vente, encore utilisé aujourd’hui, s’avère simple : en 2023, contre un versement de 170 000 dollars au Sustainable growth fund, qui vise à développer la santé, l’éducation et les infrastructures sur les îles, un couple et deux enfants se voient attribuer un passeport qui leur permet de circuler librement dans tous les États du Commonwealth. Une « promotion » de 25 000 dollars court même jusqu’en février 2024.

Antigua et la Barbade ont adopté la même politique avec le même argument : ces politiques migratoires visent à compenser l’absence de ressources de ces États. Au Vanuatu, le commerce des passeports constitue une source majeure de revenus pour l’État.

Des milliards de recettes, y compris pour l’Europe

 

En droit européen, le résident d’un pays membre de l’espace Schengen peut y circuler librement et bénéficie pleinement des libertés fondamentales consacrées par le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Cela vaut notamment s’il décide de créer une entreprise ou de s’installer dans un autre État membre.

Certains États ajoutent même, afin d’attirer des personnes ne disposant pas de la nationalité d’un pays membre de l’espace Schengen, la possibilité d’acquérir un visa spécial qui fera office de permis de résidence. En contrepartie d’un investissement dans un pays qui propose ce type de visa – Belgique, Chypre, Espagne, Grèce, Italie, Malte, Portugal –, la personne ainsi que son conjoint et ses enfants obtiennent les mêmes droits que ceux d’un résident d’un État membre de l’espace Schengen.

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Thibault Lieurade

Chef de rubrique Economie + Entreprise

 

 

 

Source : The Conversation  – (Le 27 juillet 2023)

 

 

 

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