En conversation avec SUBA Trio

Le Devoir L’exceptionnel SUBA Trio, formé par les maîtres Omar Sosa (piano), Seckou Keita (kora) et Gustavo Ovalles (percussions), terminera ce week-end au théâtre Le National son cycle créatif amorcé il y a deux ans avec la sortie de son deuxième album de compositions originales.

« En plus, nous adorons Montréal, assure Omar Sosa. Le public est multiculturel, ça le rend réceptif à notre travail. Il comprend cette musique, alors que parfois, on joue devant des gens qui ne savent même pas ce qu’est la kora. Montréal sait ! »

Fraîchement débarqué à Washington D.C., Omar Sosa se joint à la conversation que nous avions commencée (en français) avec Seckou Keita : « Ça va, merci — fatigué, mais vivant ! » échappe le compositeur et pianiste jazz cubain. « T’es où, Seckou ? Dans un taxi ? Ça marche, la connexion Internet ? » demande-t-il en ricanant. « Oui, je reviens de chez le coiffeur ! » lui répond le Sénégalais.

L’entrevue commence à peine que se révèle déjà la complicité entre les deux virtuoses, qui visiblement aiment s’échanger des blagues autant que des solos. Ils étaient faits pour travailler ensemble : Sosa, jazzman consacré sur les scènes du monde, a passé sa carrière à rappeler l’influence des rythmes d’Afrique sur le jazz cubain, alors que Keita, compositeur, joueur de kora et pédagogue de la culture musicale mandingue, se consacre à inscrire la musique des griots dans la modernité en explorant le monde des possibles métissages entre ses racines et celles d’ailleurs.

« Et en plus, nous sommes aussi tous deux percussionnistes », rappelle Sosa en insistant sur le privilège d’être accompagné pour ce projet par Gustavo Ovalles, spécialiste des rythmes complexes (chimbanguele, tamunangue, cumaco, guaza, on en passe) de la musique afro-vénézuélienne qui fait chanter ses tambours avec une telle musicalité que son rôle au sein de SUBA Trio dépasse celui du simple métronome.

Lorsqu’on me demande si ce qu’on fait, c’est du jazz ou de la musique cubaine ou africaine, je réponds simplement que c’est de la musique pour l’âme — music for the soul

« De la musique pour l’âme »

 

« Lorsqu’on me demande si ce qu’on fait, c’est du jazz ou de la musique cubaine ou africaine, je réponds simplement que c’est de la musique pour l’âme — music for the soul, explique Seckou Keita. Le plaisir réside dans la chimie qu’on a installée entre nous depuis une douzaine d’années à parcourir le monde avec ce projet. Les gens sortent du concert avec le sourire. »

Omar Sosa reprend la balle au bond : « Ce qui est intéressant avec SUBA Trio, c’est que, d’une certaine manière, les instruments dont on joue ensemble ont tous un lien avec la nature et l’homme — prend la kora, par exemple, et Seckou joue de la kora à deux manches, il est l’un des seuls au monde à jouer un tel instrument. » Keita surnomme sa kora « l’instrument des trois âmes » : celle de l’arbre dont est fabriqué le manche (les deux manches, dans le cas de son instrument) et de la courge dont on fait la calebasse, celle de la peau animale tendue qui recouvre la calebasse et celle de celui qui en joue.

La kora dicte la forme que prend l’expression musicale de SUBA Trio, que Sosa qualifie de « contemplative » : ses notes perlées et douces forcent le pianiste et le percussionniste à tempérer leur jeu, à échanger sur le même ton, avec la même énergie, que Keita. Il y a deux détails paradoxaux au travail du trio : d’abord, la modernité qui se dégage de leurs compositions, pourtant vissées aux chevilles des musiques traditionnelles de l’Afrique et de l’Amérique latine. Ensuite, que de tels virtuoses de leurs instruments puissent ainsi se retenir de jouer avec la vigueur qu’on leur reconnaît : c’est tout doux, du SUBA. Doucement cadencée, doucement jazzée, une musique spirituelle que l’on pourrait même qualifier de contemporaine.

Lire la suite

Philippe Renaud

Source : Le Devoir (Canada)

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page