Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur Al-Azhar

Orientxxi.info – La très célèbre Al-Azhar Al-Sharif vient de lancer un appel au boycott des produits suédois et néerlandais à la suite des gestes islamophobes de militants d’extrême droite qui s’en sont pris au Coran. Cette consigne, qui devrait avoir un impact limité au vu des habitudes de consommation dans les pays arabo-musulmans, rappelle néanmoins le souci de l’institution égyptienne de se placer en pôle de référence du monde sunnite. Mais qu’est-ce effectivement qu’Al-Azhar ?

Beaucoup de personnes s’imaginent Al-Azhar uniquement comme une sorte de gigantesque séminaire théologique musulman dont le Grand Imam publierait des fatwas, mais la réalité est tout autre.

Al-Azhar, c’est avant tout un réseau de plus de 10 000 écoles maternelles, primaires et secondaires, où sont aujourd’hui scolarisés près de deux millions d’élèves. Ils y suivent le cursus égyptien national dans toutes les matières, mais les cours de catéchisme du gouvernement sont renforcés par un cursus propre. Ils doivent en particulier connaître le Coran par cœur pour décrocher la thanawiyya azhariyya, le baccalauréat azhari (ce qui techniquement fait de ces bacheliers et de ces bachelières des shuyukh et des shaykhat. Ces écoles sont pompeusement appelées «  instituts  ». Par ailleurs, ce réseau d’écoles ne se limite pas à l’Égypte. En effet, de nombreux instituts ont été fondés à l’étranger (Indonésie, Sénégal, etc.) À l’instar des écoles publiques égyptiennes, ils ne sont pas mixtes.

Une fois ce baccalauréat azhari décroché, par opposition au baccalauréat national général (al-thanawiyya al-ʿamma), les élèves peuvent s’inscrire à l’université d’Al-Azhar s’ils le souhaitent. Il existe quelques exceptions, mais globalement seuls les titulaires de la thanawiyya azhariyya peuvent entrer à l’université d’Al-Azhar. Le contraire n’est pas vrai  : les élèves des instituts peuvent très bien choisir d’entrer à l’université publique égyptienne. L’université d’Al-Azhar est composée de 83 facultés et 16 instituts universitaires. Ces facultés sont situées soit au Caire soit en province. Elles accueillent soit des garçons soit des filles. Elles enseignent des matières religieuses et des matières profanes.

 

Un réseau universitaire religieux et profane

 

Les facultés d’Al-Azhar sont organisées comme suit :

➞ Au Caire  :

  • 7 facultés de sciences religieuses (6 de garçons et une de filles)
  • 22 facultés de sciences profanes (13 de garçons et 9 de filles)

➞ En province :

  • 35 facultés de sciences religieuses (21 de garçons et 14 de filles)
  • 19 facultés des sciences profanes (10 de garçons et 9 de filles)

Les facultés présentes en province sont majoritairement des facultés religieuses (35 facultés sur 54) où on enseigne la langue arabe, la théologie fondamentale, le droit et la jurisprudence, la prédication… ; alors que celles présentes au Caire sont majoritairement profanes (22 facultés sur 29), et on y enseigne la médecine, l’ingénierie, les langues… entre autres. Il y a aujourd’hui près de 350 000 étudiants à l’université d’Al-Azhar en Égypte, dont près de 20 000 étrangers. Les anciens élèves de l’université aiment à rappeler que la première leçon y a été donnée en 972.

L’Organisation mondiale des diplômés d’Al-Azhar — longtemps appelée « Ligue mondiale des diplômés d’Al-Azhar » — n’est pas dans l’organigramme de la loi de 1961 (présenté ci-dessous) mais elle regroupe des centaines de milliers d’anciens étudiants. Très active, elle a ses propres activités et publications.

Cependant, à l’international et surtout pour les milieux non musulmans, la face la plus visible d’Al-Azhar n’est ni l’université, ni bien sûr les «  instituts  » primaires et secondaires, ni même l’Organisation mondiale des anciens diplômés, mais la Mashyakha (parfois traduit «  Grand imamat  »), qui est le siège du Grand Imam. La Mashyakha a ses propres activités, pour lesquelles elle fait volontiers appel à des donateurs dans le Golfe  : diplomatie internationale, politique de l’Académie, dialogue interreligieux national et international, Observatoire de l’extrémisme sur Internet, centres d’enseignement de l’anglais, du français et de l’allemand…

Plusieurs années de fréquentation assidue de l’université et de la Mashyakha m’ont appris que le Grand Imam a une influence très indirecte sur ce qui se passe à l’université, où les doyens sont tout-puissants. En général, on peut dire qu’il y a une assez grande différence entre les organigrammes officiels et la réalité du terrain. Chacune des institutions regroupées sous le terme générique «  Al-Azhar  » est tellement pléthorique qu’elles ont une grande autonomie et des activités parfois concurrentes.

 

Une organisation complexe

 

Le cheikh Aḥmad Al-Ṭayyib a été nommé Grand Imam d’Al-Azhar en 2010 par Ḥosni Moubarak. Mais il a obtenu que son successeur soit élu par le Conseil des grands oulémas, instance qu’il a remise sur pieds en 2012 pour tenter de soustraire Al-Azhar à une trop grande emprise de la présidence de la République.

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Jean Druel

Jean Druel est membre de l’Institut dominicain au Caire

Source : Orientxxi.info

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