Benoît XVI et François, une insolite cohabitation entre deux papes

La renonciation du pontife allemand, en février 2013, avait créé un statut nouveau, celui de pape émérite. Toutefois, Benoît XVI n’est pas toujours parvenu à rester dans l’ombre de son successeur argentin.

Le Monde Joseph Ratzinger, qui fut pape de 2005 à 2013 sous le nom de Benoît XVI, est mort samedi 31 décembre, au Vatican, à l’âge de 95 ans. C’est un communiqué de la salle de presse du Vatican qui a annoncé cette nouvelle, à laquelle le pape régnant avait déjà préparé les catholiques du monde entier.

Mercredi matin, lors de l’audience générale qui se tient chaque semaine place Saint-Pierre, François avait demandé aux fidèles réunis d’avoir, pour son prédécesseur, « une prière spéciale (…) pour entretenir sa mémoire, car il est gravement malade ». Le service de presse du Vatican confirmait dans la foulée « l’aggravation, due à son âge avancé », de l’état de santé du premier pape retraité depuis le XIVe siècle.

 

Depuis sa renonciation, celui qui avait décidé de se faire appeler « pape émérite » continuait de vivre au Vatican, dans le monastère Mater Ecclesiæ, situé dans les jardins du Vatican. François s’était rendu à son chevet à la fin de l’audience générale, mercredi. Benoît XVI s’est éteint à 9 h 34 samedi matin. La veille, une messe avait été célébrée à la basilique Saint-Jean-de-Latran, à Rome, en son honneur.

 

Une configuration inédite

 

C’est la première fois de l’époque récente le plus haut représentant de l’Eglise catholique est appelé à porter en terre son prédécesseur. Jusqu’à présent, un pontife était inhumé avant l’élection de son successeur au terme d’un conclave qui réunit les cardinaux âgés de moins de 80 ans du monde entier, selon un rituel très codifié. La renonciation surprise de Benoît, le 11 février 2013, avait ipso facto ouvert la voie à cette configuration inédite, dans laquelle un homme en soutane blanche, signe distinctif du pontife romain, est conduit à enterrer un autre homme en blanc.

Le Vatican a annoncé, samedi à midi, que François présidera les obsèques de Benoît jeudi 5 janvier, à 9 h 30, place Saint-Pierre. Auparavant, à partir de lundi matin, les fidèles pourront se recueillir dans la basilique, où sera exposée la dépouille du pape défunt.

Si la démission du pape allemand avait frappé de stupeur les catholiques, elle a aussitôt été intégrée par François aux options qui s’offrent désormais à un pape. Lui-même a déclaré à plusieurs reprises qu’il n’excluait pas d’y recourir s’il sentait qu’il n’avait plus les moyens d’exercer pleinement sa charge. Dans un entretien publié le 18 décembre par le quotidien espagnol ABC, le pontife argentin a révélé qu’il avait même remis à son secrétaire d’Etat, au début de son pontificat, une lettre de renonciation « en cas d’empêchement pour raisons de santé ».

Benoît XVI avait renoncé à sa charge après plusieurs années difficiles, marquées entre autres par des scandales de pédocriminalité et la divulgation de documents confidentiels de la curie dans l’affaire VatiLeaks. Un mois plus tard, le cardinal argentin Bergolio était élu par ses pairs pour faire les réformes que son prédécesseur avait échoué à conduire.

 

Des points de vue parfois opposés

 

Quels profils plus différents que celui de Benoît, un théologien conservateur, et de François, un jésuite pasteur et réformiste, adepte de la théologie du peuple – cousine non marxiste de la théologie de la libération, dont les fondateurs ont été sanctionnés par le pape allemand ? Pourtant, depuis 2013, François n’a pas manqué une occasion d’exprimer l’estime dans laquelle il tenait son prédécesseur, « un grand », « un homme humble », « bon comme le pain ». Avoir Benoît XVI dans l’enceinte du Vatican, pour l’Argentin, c’était « comme avoir un grand-père à la maison ». Il lui rendait régulièrement visite.

Au fil des neuf ans et demi qu’a duré leur cohabitation au Vatican, cette bonne entente n’a cependant pas évité quelques moments embarrassants ou tendus lorsque les entourages ou les partisans respectifs des deux papes s’en sont mêlés. Des courants conservateurs de l’Eglise catholique hostiles à certaines orientations du nouveau pontificat ont voulu enrôler Joseph Ratzinger dans leurs combats contre le pape argentin, à leurs yeux trop éloigné de la stricte orthodoxie doctrinale, voire, pour certains, carrément hérétique. Des proches du pape François ont à leur tour été tentés d’en faire trop pour se concilier l’autorité de l’ancien préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi.

Durant cette période de presque une décennie, les deux pontifes ont pris soin d’éviter les anicroches entre eux. Cependant, par deux fois, le pape émérite a signé des textes qui étaient autant d’incursions directes dans le ministère de son successeur. Le premier date d’avril 2019.

Lire la suite

et

Source : Le Monde 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page