Entretien exclusif avec le président de la Banque Africaine de Développement (BAD)

«La transition énergétique en Mauritanie et en Afrique doit s’adapter au contexte local»

Financial Afrik – De passage à Nouakchott, le nigérian Akinwumi Adesina, président de la Banque Africaine de Développement, a accordé un entretien exclusif à Financial Afrik.

Quel est l’état du portefeuille de la BAD en Mauritanie et quelles sont les perspectives de son évolution ?

 

Tout d’abord, je dois dire que  ma visite est très importante car c’est la première fois depuis 1996 qu’un président de la BAD effectue une visite en Mauritanie. C’est important pour moi aussi parce que la Mauritanie fait partie de pays fondateurs de la banque Africaine de Développement et donc je suis très content d’être ici pour échanger avec le chef de l’Etat et le gouvernement. Nous avons discuté des moyens de renforcer notre partenariat. Nous leur avons assuré de notre disponibilité à les accompagner dans leur vision de transformation économique de la Mauritanie.

 

Quel est le volume du portefeuille de la BAD ?

 

Comme vous le savez, notre partenariat avec la Mauritanie est établi depuis très longtemps. Notre portefeuille actif  couvre 16 projets d’un montant de 303 millions de US dollars et dans plusieurs volets, notamment l’eau et l’assainissement, l’énergie, les infrastructures, les mines et industrie, l’agro-sylvo-pastoral et la gouvernance. Nous sommes très satisfaits de la qualité de notre engagement en Mauritanie.

Pour l’année 2022/2023, nous avons six projets avec un volume de financement de 65 millions de Dollars. Voilà un peu l’état des lieux de nos projets en Mauritanie. Pour nous, ce n’est pas obligatoirement le nombre de projets qui importe mais  plutôt  la qualité des projets et leur impact. Par exemple, nous avons financé le projet Aftout Essahli grâce auquel aujourd’hui, plus d’un million d’habitants de Nouakchott et sa banlieue ont un accès direct à l’eau potable. Nous avons financé l’extension du port minéralier de la Société nationale industrielle et minière (SNIM) pour un montant global de 175 millions de dollars US.

Ce port dont le tirant d’eau ne permettait  pas il y a quelques années d’accueillir des bateaux de plus de 150 000 tonnes est aujourd’hui capable d’accueillir des bateaux de 250.000 tonnes. Il s’agit d’un financement d’envergure pour un projet à fort impact social et économique en Mauritanie  et qui permettra à la SNIM de renforcer l’efficacité de sa chaîne de transport, d’améliorer sa rentabilité, sa compétitivité et sa résilience sur le marché international face aux fluctuations imprévisibles des cours mondiaux du minerai de fer.

Nous avons aussi financé un autre projet à fort impact socio-économique, il s’agit de la construction du pont de Rosso. C’est une infrastructure transfrontalière qui va relier le Sénégal à la Mauritanie à l’heure de la ZLECAF et qui sans doute boostera le volume des échanges commerciaux entre les pays africains. Voilà un peu l’évolution de notre portefeuille en Mauritanie.

 

Au delà des soutiens à l’investissement public, quel est l’apport de la BAD pour le secteur privé Mauritanien ?

 

 

 

Le grand investissement non souverain que nous avons fait en Mauritanie  est celui en faveur  de la SNIM, de l’ordre de 175 millions d’US dollars. Aujourd’hui, la SNIM  exporte  13 millions de tonnes de minerais de  fer par an. C’est le premier employeur du pays et cette société gagne chaque année presque 1.6 milliard de US dollars,  donc cela veut dire que c’est un investissement très rentable. Nous avons financé différentes lignes de crédits pour plusieurs banques commerciales et industrielles  en Mauritanie.

Nous avons  une marge d’investissement destinée au secteur privé Mauritanien de 200 millions d’US dollars par année et aujourd’hui, vu l’amélioration du climat des affaires, on peut même faire plus pour soutenir le secteur privé Mauritanien. C’est pourquoi je salue l’effort du gouvernement Mauritanien pour la mise en place de la politique des PPP principalement pour  les infrastructures, l’assainissement et le transport. Mais il faut que le secteur privé Mauritanien s’implique et se positionne en tant que partenaire stratégique dans tous ces projets structurants de PPP.  Dans  son portefeuille de projets PPP, l’Etat  cherche à mobiliser des financements à hauteur de 5.8 milliards de dollars US.

S’agissant de la BAD, notre conseil d’administration a approuvé cette année tout ce qui est financement en mode PPP pour accompagner les états africains  afin de  réduire leur niveau d’endettement qui devient de plus en plus élevé. Mon appel au secteur privé Mauritanien serait de les orienter surtout vers le domaine agro-sylvo-pastoral. Lors de mon audience avec le chef de l’Etat, nous avons échangé sur les possibilités de produire localement du blé en quantité.

Aujourd’hui, la Mauritanie a presque 154.000 hectares  de terres cultivables et n’en exploite que 24% avec un micro climat très favorables pour l’agriculture à grande échelle. Je pense que c’est au secteur privé de bien exploiter toutes ces opportunités pour aider l’Etat à assurer à moyen terme l’autosuffisance alimentaire sur les produits de première nécessité comme le riz, le blé et le maïs. Notre institution est intéressé pour accompagner le développement du secteur privé mauritanien et africain dans le domaine de l’agro-industrie et les autres domaines à fort impact socio-économique.

 

La Mauritanie va exporter son premier métre cude de gaz en 2023. Or, aujourd’hui,  la transition énergetique est au centre du débat mondial et des institutions financières s’engagent à se désengager du financement des énergies fossiles. Quelle est l’approche de la BAD pour ces  énergies fossiles ?

 

La Mauritanie comme la plupart des pays africains regorge de ressources énergétiques non renouvelables et renouvelables. Cependant, aujourd’hui  la plupart de ces pays africains sont caractérisés par un  niveau assez  faible d’accès à des services énergétiques modernes, à coût abordable et fiable. Il est à mon avis essentiel et urgent de répondre aux besoins énergétiques du continent dans le but de booster son potentiel de développement. Au même moment, le domaine énergétique du continent a besoin d’évoluer rapidement pour faire face aux préoccupations environnementales locales et mondiales, en particulier le changement climatique, et de réduire de façon considérable la dépendance vis-à-vis des combustibles fossiles qui sont généralement importés.

Pour moi, la transition énergétique en Mauritanie et en Afrique doit s’adapter  au contexte local. Aujourd’hui, 900 millions d’africains  n’ont pas accès à une énergie propre pour cuisiner et 600 millions d’entre eux n’ont même pas accès à l’électricité.  Donc,  l’on se rend compte que le continent est avant tout dans le besoin de combler son retard en matière d’accès à l’énergie. et par  la suite on se rend compte aussi que le continent est dans la situation de neutralité carbone.

Nous avons quant à nous, à la BAD, fait de la transition énergétique et climatique un enjeu majeur cette année en Afrique et nous avons créé un fonds fiduciaire d’une valeur de 300 millions de dollars US pour répondre au défi de financement de cette transition énergétique et climatique en Afrique. Les pays africains riche en gaz doivent tout faire pour transformer leur gaz en énergie et d’ailleurs nous avons financé quelques pays africains dernièrement et aujourd’hui, nous restons ouverts à tous les pays.

 

La BAD a lancé récemment une fenêtre sur la finance verte, quels sont vos  objectifs dans ce domaine ?  

 

Effectivement, nous avons crée  dernièrement une fenêtre sur la finance verte dont le principal objectif serait de promouvoir la création d’un large écosystème de banques vertes à travers le continent africain et via des fonds d’investissements climat et environnement. Ce qui représente un portefeuille d’investissement de 1.5 milliard de dollars US pour financer plusieurs projets multisectoriels en Afrique.

 

Comment voyez-vous l’évolution de l’économie mauritanienne et les perspectives de sa croissance ?

 

Vous savez, l’impact négatif de la pandémie sur les activités humaines, économiques et sociales a causé une recession de -1.8% en 2020 pour certains pays africains dont la Mauritanie. Cette année, avec la relance et les perspectives économiques,   la Mauritanie présente des perspectives économiques positives, notamment un solde budgétaire excédentaire, une réduction du ratio dette publique totale/PIB et une politique monétaire favorable au retour de la croissance à 2, 4% en 2021, probablement 3,8 % en 2022 et plus de 5,8% à partir de 2023.

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Source : Financial Afrik

 

 

 

 

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