Au Mali, le cœur du pouvoir attaqué par des djihadistes

Le camp militaire de Kati, à 15 km de la capitale, a été la cible d’un assaut de la katiba Macina, selon l’armée, « avec deux véhicules piégés bourrés d’explosifs ».

Le Monde – Les assaillants n’ont peut-être pas concrétisé leur objectif, mais ils ont réussi leur démonstration : celle de leur capacité à frapper le pouvoir malien en son cœur. Leur cible : le camp Soundiata-Keïta, à Kati, ville garnison à 15 km de Bamako, qui est à la fois la principale base militaire du Mali et la résidence de son actuel président, le colonel Assimi Goïta, ainsi que de son puissant ministre de la défense, le colonel Sadio Camara.

L’attaque a été menée par « des terroristes de la katiba Macina », vendredi 22 juillet à l’aube, « avec deux véhicules piégés bourrés d’explosifs », indique le communiqué publié en début d’après midi par l’état-major des Forces armées maliennes (FAMa). Celui-ci établit un bilan provisoire d’un mort du côté de l’armée malienne et de « sept assaillants neutralisés ».

« Dans les environs de 5 heures du matin, une très grande explosion nous a réveillés. Puis il y en a eu une seconde, puis des coups de feu. Mais maintenant la situation est maîtrisée et les gens sont rassurés. Des hélicoptères de l’armée survolent la ville, qui est totalement bouclée », expliquait quelques instants plus tôt un habitant des abords du camp, bien incapable de déterminer l’identité des auteurs de cette attaque matinale. « Vous dire si ce sont des djihadistes ou une mutinerie serait mentir », confiait-il alors avec prudence.

Jeudi, six opérations attribuées à la katiba Macina ont visé des bases de l’armée dans le centre du pays

Le mode opératoire confirme cependant les premiers soupçons, qui portaient sur les islamistes armés bien davantage que sur des soldats mécontents de l’orientation prise par la junte au pouvoir, alors que les attaques se sont récemment rapprochées de la capitale. Jeudi, six opérations, manifestement coordonnées et attribuées à la katiba Macina, l’une des composantes du Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), ont visé des bases de l’armée dans le centre du pays, à Ségou, Douentza, Bapho et Mopti. La « plus sérieuse », selon une source étrangère, s’est produite à Kolokani, à 120 km au nord de Bamako, faisant deux morts et trois blessés parmi les soldats.

Une vengeance « très audacieuse »

S’il s’avère que l’assaut de vendredi sur Kati a bel et bien été mené par des combattants affidés à Amadou Koufa, l’émir de la katiba Macina, celui-ci pourrait alors être interprété comme une démonstration de force et une vengeance « très audacieuse dans le cœur du système de sécurité », selon un officier malien, après les opérations de l’armée dans le centre du pays.

Accompagnées depuis le début de l’année des paramilitaires du groupe russe Wagner, les FAMa ont affaibli le groupe djihadiste, si l’on en croit les communiqués de l’état-major, mais leurs avancées se sont aussi accompagnées d’exactions répétées sur les populations, peules principalement, comme en témoignent les rapports de plusieurs organisations de défense des droits humains. Il y a quelques semaines, une source familière des tractations souterraines entre gouvernants et islamistes dans la région expliquait qu’« après les massacres dans le centre, Iyad Ag Ghali [le principal chef djihadiste au Sahel, auquel est affilié Amadou Koufa] a fermé toutes les portes à des discussions », refusant notamment une approche d’Ahmed Ag Bibi, l’un des médiateurs de Bamako.

 

Si l’attaque sur Kati porte sa signature, « quelle humiliation pour Bamako ! », juge un observateur étranger sur place, alors que la capitale malienne n’avait pas subi d’attentat depuis 2017 et que les militaires au pouvoir depuis août 2020 ont assis leur légitimité sur une promesse de retour à la sécurité après dix années de guerre antiterroriste sans succès.

Imbroglio diplomatique

Mais deux ans après leur coup d’Etat, Assimi Goïta et les officiers qui l’entourent se sont fait des ennemis au sein de l’armée, dans la classe politique locale, dans la région et en France. La possibilité d’une mutinerie ou d’une tentative de contre-coup d’Etat, évoquée par toutes les sources sur place, témoigne de l’instabilité sur laquelle repose le pouvoir de transition. L’attaque de vendredi s’est produite alors que le colonel Goïta devait rencontrer Goodluck Jonathan, l’envoyé spécial de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

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Cyril Bensimon

 

 

 

 

 

 

Source : Le Monde 

 

 

 

 

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