Mauritanie : la justice dans le collimateur des observateurs

En déclarant devant les députés que son département fournit des efforts pour n’exclure aucun mauritanien, le ministre de la Justice semble faire un état des lieux favorable et mise sur les réformes en cours pour changer l’image de la justice

Des avancées dans les domaines règlementaire et organisationnel pointées par le ministre de la Justice depuis 2019. Mais pour les observateurs il s’agit d’un bilan qui cache un département à plusieurs étages qui exclue les citoyens les plus faibles comme en témoigne l’affaire classée du meurtre du charretier Abass Diallo à Wending dans le département de M’Bagne, tué par des tirs d’une patrouille de l’armée.

Le tableau mirifique que le ministre de la Justice vient de présenter devant les députés est considéré par les observateurs comme un écart de langage entretenu au plus haut sommet de l’Etat entre la marginalisation des diversités culturelles et l’installation de la violence dans les régions du Sud avec l’expropriation des terres agricoles au profit des investisseurs nationaux et étrangers.

La justice apparaît ainsi sélective et protectrice de l’Etat dans sa finalité et non indépendante comme semble le clamer le premier magistrat du pays. Le système judiciaire mauritanien est un des plus complexes avec la cohabitation du droit musulman et du droit moderne entraînant quelque fois des dysfonctionnements au niveau des tribunaux. Par exemple l’une des grandes faiblesses est la peine de mort.

L’histoire retiendra que la dernière exécution à mort à mort remonte à 1987 mais les condamnations à mort font toujours partie de l’arsenal judicaire comme en témoigne l’affaire du bloggeur M’Khaitir en 2015.

L’autre visage la justice c’est son double regard sur la torture et les mauvais traitements des détenus dans les procès de manifestants pacifiques en 2021 et 2022 par exemple à Féralla, N’Gawlé , R’kiz et Boghé. Par ailleurs c’est la justice de proximité qui est pointée du doigt pour permettre au citoyen d’être protégé et d’accéder facilement à ses droits.

La problématique la plus difficile c’est le défi de la démocratisation dans un pays gouverné depuis 1978 par des militaires sous vernis démocratique. L’ambiguïté entre juge et le pouvoir de Ould Saleck à Ould Ghazouani empêche une politique cohérente législative pour faire face à l’oligarchie militaire, la corruption et la gabegie. L’Affaire de la décennie de l’ex-président en cours et l’adoption de lois liberticides comme celles relatives à la protection des symboles de l’Etat en sont une parfaite illustration.

Le gouvernement mise sur les réformes en cours pour redorer le blason de la justice avec notamment le renforcement de l’inspection générale de l’administration judicaire, de l’administration centrale avec l’IGE rattachée désormais à la présidence, des procédures civiles commerciales avec un nouveau code des marchés publics de gré à gré. Il n’en demeure pas moins que la justice dépend du chef de l’exécutif qui n’est pas encore prêt à changer un système monocolore qui divise les Mauritaniens.

 

 

 

 

Cherif Kane

Coordinateur journaliste

 

 

 

 

(Reçu à Kassataya.com le 31 mail 2022)

 

 

 

 

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