Ligue des champions : au Real Madrid, une histoire et un maillot qui pèsent très lourd

Souvent passés très proches de l’élimination, les Espagnols se retrouvent en finale contre Liverpool, samedi, au Stade de France. Tout sauf un hasard pour le club européen le plus titré.

Le Monde – La phrase a tout du poncif, de ces mantras creux de pensée positive qu’on écoute avec un sourire incrédule. Mais il faut savoir qui la prononce et ce qu’elle fait résonner en lui. « Le Real Madrid ne s’arrête jamais de croire à la victoire », dit José Emilio Santamaria. A 92 ans, l’homme attend avec une fébrilité enfantine la finale de la Ligue des champions de football entre Liverpool et son « Madrid », samedi 28 mai au Stade de France, à Saint-Denis.

Uruguayen naturalisé espagnol, l’ancien défenseur a adopté Madrid et écrit un bout de sa légende avec trois victoires en Coupe d’Europe des clubs champions (1958, 1959, 1960). La compétition s’appelle la Ligue des champions depuis un toilettage au début des années 1990, mais le Real la convoite toujours avec ce mélange d’assurance aristocratique et de rage de vaincre. « Tous les joueurs membres du vestiaire madrilène de mon époque, comme ceux d’aujourd’hui, ont remporté des trophées, et quand ils discutent ensemble c’est pour évoquer la victoire. Les discours de perdants n’ont pas leur place dans ce club », prévient Santamaria.

« Cette mentalité de ne jamais rien lâcher a toujours existé au Real », José Emilio Santamaria, 92 ans, ancien défenseur du Real Madrid

Institution fière et orgueilleuse, la « Casa blanca » (« maison blanche ») a déjà oublié la fin de non-recevoir de Kylian Mbappé, qui s’est engagé pour trois saisons supplémentaires avec le Paris-Saint-Germain. Samedi, c’est encore son nom à elle qui s’étalera sur l’affiche, pas ceux de ces intrigants perçus comme des nouveaux riches que sont le PSG, Chelsea et Manchester City. Cette saison, tous ont été écartés en chemin par les Madrilènes dans des circonstances aussi rocambolesques que romanesques, grâce à la combinaison du génie clinique de l’attaquant Karim Benzema et de ce refus absolu de la défaite.

 

Quel autre club aurait pu renverser en demi-finales Manchester City (match aller : 3-4, match retour : 3-1), mécanique de football parfaite, mais déréglée en moins de deux minutes, alors que quelques défaitistes pressés avaient abandonné les tribunes du stade madrilène Santiago-Bernabeu ? « Si nous devons jouer face à l’histoire, nous n’avons aucune chance », prévenait d’ailleurs avant le match retour, Pep Guardiola, le manageur des Citizens. Parce que sa carrière de joueur, puis d’entraîneur avec le FC Barcelone s’est construite en opposition à Madrid, Guardiola mesure mieux que personne la permanence du rival honni. Cette façon d’aller au combat peu importe les époques et les modes : « Ce qui me plaît le plus, c’est que dans la difficulté, les joueurs ne se cachent pas », a-t-il reconnu un jour.

L’attaquant français du Real Madrid, Karim Benzema, après la victoire de son club sur Manchester City, en demi-finales retour de la Ligue des champions, à Madrid, le 4 mai 2022.

L’esprit de « Juanito »

Un maillot de football n’est jamais qu’un bout d’étoffe d’une centaine de grammes, mais celui du Real pèse plus lourd que les autres. Tout sauf un problème, à écouter Carlo Ancelotti. « Cette histoire, qui a grandi au fil de toutes ces années, aide les joueurs à ressentir le poids de ce maillot. C’est positif, pas négatif », assure l’entraîneur des récents champions d’Espagne. L’attente est grande. Les joueurs doivent se montrer dignes de se glisser dans le même vêtement que les Di Stefano, Gento, Puskas, Zidane, Raul ou Juanito. Le dernier n’est pas le plus connu de la liste pour un profane. Mais pour un « Madridista », cet attaquant à gros caractère (mort en 1992, à 37 ans, dans un accident de voiture) incarne toujours un certain état d’esprit maison.

Dans les années 1980, la remontada était une spécialité madrilène pas encore revisitée par le Barça avec une certaine réussite. « Quatre-vingt-dix minutes à Bernabeu, c’est vraiment très long », avait lâché Juanito aux joueurs de l’Inter Milan, venus trop confiants au Bernabeu après une large victoire à l’aller, en 1985.

 

Quatre-vingt-dix minutes et plus si affinités avec le temps additionnel, c’est long tout court face au Real. Demandez plutôt à l’Atlético Madrid. En 2014, le voisin a les deux mains sur la Coupe aux « grandes oreilles » avant l’égalisation de Sergio Ramos à la 93e minute et trois autres buts en prolongation (4-1). Ce soir-là à Lisbonne, au cours de cette finale de la Ligue des champions, Carlo Ancelotti laisse un adjoint survolté du nom de Zinédine Zidane en appeler à la révolte le long du banc de touche. Huit ans et trois clubs plus tard, l’Italien a toujours le sourcil expressif et cette intelligence propre aux très grands techniciens de lire le match et d’en changer le destin par un ajustement tactique ou un remplacement.

Face au PSG, lors des huitièmes de finale retour, le 9 mars, l’entrée d’Eduardo Camavinga a modifié l’équilibre du milieu de terrain. Plus spectaculaire, Rodrygo a inscrit contre « City » ce fameux doublé en moins de 120 secondes, peu de temps après son entrée sur le terrain.

« Un très grand rival »

Pour ses adversaires et leurs supporteurs, le Real a poussé la réussite très loin ce printemps. Ainsi, les Mancuniens ne s’expliquent toujours pas cette reprise de la tête, presque en aveugle, de Rodrygo ; les Parisiens revoient, eux la boulette de Gianluigi Donnarumma – gardien subitement fâché avec ses pieds –, alors que les Londoniens de Chelsea estiment que le meilleur des Madrilènes s’appelait Szymon Marciniak… l’arbitre polonais au retour (3-2).

José Emilio Santamaria réfute le concept de chance sur le temps long et balaye aussi cette vieille lune, selon lui, d’une « Casa blanca » habituée aux coups de sifflet plus heureux que pour les autres équipes. « Je ne crois pas que les arbitres puissent aider volontairement un club », souffle le nonagénaire.

Lire la suite

Source : Le Monde

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page