Au Burkina Faso, les familles des huit mineurs pris au piège depuis 24 jours retiennent leur souffle

Les équipes de secours fondent leur dernier espoir sur l’une des chambres de refuge de la mine de zinc de Perkoa, située à environ 580 mètres de profondeur.

Le Monde – Chaque minute compte. Depuis trois semaines, les machines de pompage fonctionnent jour et nuit dans la mine de zinc de Perkoa, au centre-ouest du Burkina Faso, pour tenter d’évacuer les flots d’eau qui ont inondé les galeries souterraines et pris au piège huit mineurs – six Burkinabés, un Tanzanien et un Zambien –, le 16 avril. « On n’a plus aucune nouvelle depuis, mais on garde espoir de les retrouver vivants », souffle Antoine Bama, frère de l’un des ouvriers et représentant des parents des victimes, joint par téléphone.

 

Désormais, les équipes de secours fondent leur dernier espoir sur l’une des chambres de refuge de la mine. Situé à environ 580 mètres de profondeur, ce petit abri étanche a été creusé pour protéger les travailleurs en cas d’incendie, de chutes de pierre ou d’inondations. Lundi, les techniciens ont atteint le niveau 580, où se trouve justement le réduit. « Ils sont très proches, il y a eu des petites pannes de machines qui ont ralenti le travail, mais on espère atteindre la chambre de refuge dans les prochaines heures », rapporte Antoine Bama, à la sortie du point d’information quotidien organisé par les responsables de la mine, mardi 10 mai.

Pour les familles, le suspense est insoutenable. « C’est terrible l’incertitude, de ne pas savoir dans quel état on va les retrouver, on ne dort presque plus », confie M. Bama, sur place depuis la disparition de son petit frère Charles, un conducteur de 45 ans. Personne n’avait été retrouvé dans la première chambre de refuge, située plus en surface, et la troisième et dernière, au fond de la mine, ne peut accueillir que six personnes et laisse peu de chance de survie aux disparus.

Plus de communications radio

« Au moment de l’inondation, la plupart des mineurs se trouvaient au niveau 580, on espère que le groupe a eu le temps de se réfugier dans la deuxième chambre qui était la plus proche », explique Moussa Palenfo, le directeur de la société Nantou Mining, la filiale burkinabée de l’opérateur canadien, Trevali Mining.

Les équipes de secours ont pompé 34 millions de litres d’eau au total à ce jour. Impossible de savoir si l’abri a résisté à la pression de l’inondation et surtout, si les huit mineurs seront à l’intérieur. La catastrophe a coupé le système électrique et toutes les communications radio avec l’intérieur de l’exploitation sont suspendues depuis.

 

Selon M. Palenfo, la conduite d’aération de la deuxième chambre de refuge n’a cependant pas été endommagée. « En théorie, cette chambre peut accueillir 26 personnes pendant 72 heures, mais des investigations sont toujours en cours pour déterminer la quantité de stocks d’eau et de nourriture qu’elle comportait », précise ce dernier.

Depuis le drame, les Burkinabés vivent au rythme des dernières nouvelles relayées par la cellule de crise, délocalisée au haut-commissariat de Réo, à quelques kilomètres de Perkoa. Sur les réseaux sociaux, les messages de prière, appelant à « ne pas oublier [les mineurs] » et demandant aux autorités de « tout mettre en œuvre » pour les sauver, se multiplient. Beaucoup critiquent aussi la « lenteur » des opérations de secours. « Au début, ça n’avançait pas, il a fallu qu’on monte le ton et qu’on fasse un sit-in pour que le gouvernement intervienne et nous aide à mettre la pression aux responsables », fustige Antoine Bama.

Etroitesse du puits principal

La société minière avait promis aux familles d’atteindre la deuxième chambre de refuge le 5 mai, sans respecter cette échéance. « Il a fallu réhabiliter toute la rampe de descente qui a été érodée par l’eau avant d’installer les premières pompes. Certaines, à moteur, sont tombées en panne, nous avons dû commander des machines électriques plus performantes du Ghana et d’Afrique du Sud », répond le directeur de Nantou Mining. La profondeur de la mine – 710 mètres –, et l’étroitesse de son puits principal, relié à des galeries à chaque niveau, tous les 30 mètres, ont ralenti l’avancée des travaux.

Des zones d’ombre persistent aussi autour des causes de l’inondation de ce gisement de zinc, le seul du pays, exploité depuis 2013 pour une « durée de vie de douze ans », selon le ministère des mines burkinabé. Le 16 avril, des fortes pluies, exceptionnelles en cette période de sécheresse au Burkina Faso, ont fait céder deux digues de protection et l’eau s’est infiltrée dans les galeries. Sur les vingt-quatre personnes de l’équipe, seize ont pu être évacués en urgence. « On ne sait toujours pourquoi les huit autres sont restés coincés », indique Moussa Palenfo.

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Source : Le Monde (Le 10 mai 2022)

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