Crise en Ukraine : terrain miné pour l’axe Moscou-Pékin

La relation nouée entre les présidents Vladimir Poutine et Xi Jinping est si forte que les deux hommes se sont déjà rencontrés à trente-huit reprises. « C’est mon meilleur ami », dit le Chinois du Russe. « Il est le seul dirigeant dont je fête l’anniversaire ! », dit le Russe du Chinois.

Leur proximité a été mise en scène au cours d’une rare séquence télévisée : les deux chefs d’Etat trinquant au champagne devant un gâteau à la crème, à l’occasion des 66 ans du président chinois, célébrés à Douchanbé, la capitale du Tadjikistan, à l’été 2019, où ils participaient à la Conférence pour l’interaction et les mesures de confiance en Asie. Tout sourire devant son cadeau – un vase et une boîte remplie de bâtonnets glacés dont il est friand – , M. Xi avait remercié devant les caméras son partenaire russe, « si cher au cœur des Chinois », tandis que M. Poutine saluait le rôle de son homologue dans « le développement des relations entre [leurs] deux pays ».

Nul ne sait si Xi Jinping a été mis dans la confidence des plans de Vladimir Poutine en Ukraine. Toujours est-il que, le 4 février, au moment de l’ouverture des Jeux olympiques (JO) d’hiver à Pékin et alors que plus de 100 000 soldats russes étaient déjà massés aux frontières ukrainiennes, les deux présidents ont réitéré leur « amitié sans limite », qualifiée par certains experts de « quasi-alliance ». Le ministre chinois des affaires étrangères, Wang Yi, avait déjà dit d’elle, en 2021 : « Ce n’est pas une alliance, mais c’est encore mieux que d’être alliés. »

Le président russe, Vladimir Poutine, assiste à la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques d’hiver, à Pékin, le 4 février 2022.

 

 

Dans la déclaration commune faite durant les JO, la Chine a pris position contre l’élargissement de l’OTAN et les deux puissances ont annoncé « l’entrée des relations internationales dans une nouvelle ère ».

Josep Borrell, le haut-commissaire européen aux affaires étrangères, dénonça un « manifeste pour réviser l’ordre mondial ». A Pékin, des diplomates occidentaux alarmés évoquent un nouveau « pacte Molotov-Ribbentrop », du nom des signataires de l’accord signé entre l’Union soviétique et l’Allemagne nazie, le 23 août 1939.

Cette déclaration commune marque l’aboutissement d’une stratégie lancée par Xi Jinping dès son arrivée au pouvoir : raviver la vieille camaraderie entre les deux pays « frères » communistes que la déstalinisation avait brisée, que la déchéance de l’URSS avait réparée et que le président chinois est parvenu à transformer en « amitié solide comme un roc ». La solidité du tandem sino-russe résistera-t-elle pour autant à l’onde de choc provoquée par l’invasion russe de l’Ukraine ?

Rupture pour cause de déstalinisation

 

Nés à quelques mois d’intervalle (le Russe, le 7 octobre 1952 ; le Chinois, le 15 juin 1953) les deux dirigeants ont été biberonnés au marxisme-léninisme avec, en ligne de mire, les Etats-Unis comme ennemi commun. Mais alors que Xi Jinping a façonné son discours politique autour de la promesse d’un avenir radieux et de richesses économiques, Vladimir Poutine semble, au contraire, obsédé par un passé glorieux qu’il lui faudrait restaurer.

La question centrale que pose la guerre en Ukraine est la suivante : si Pékin et Moscou ont aujourd’hui décidé d’accorder leurs pas au rythme d’un tango antiaméricain, quelles seront les conditions de la pérennité d’un tel partenariat, dans la mesure où les conséquences de l’invasion de l’Ukraine, notamment les sanctions sans précédent mises en place par l’Occident, menacent les impératifs économiques de la Chine ?

Le président russe, Vladimir Poutine, reçoit son homologue chinois, Xi Jinping, au Kremlin à Moscou, le 5 juin 2019.

Le président russe, Vladimir Poutine, reçoit son homologue chinois, Xi Jinping, au Kremlin à Moscou, le 5 juin 2019.

L’histoire de la relation entre ces deux puissances a été marquée de fortes turbulences et de rivalités asiatiques qui n’ont pas toutes été enterrées. Et un climat de défiance a longtemps persisté dans ces contrées à la rancœur tenace.

La déstalinisation mise en œuvre après la mort du « petit père des peuples » en 1953, avec la divulgation du Rapport Khrouchtchev en 1956, avait été perçue comme une trahison par Mao Zedong. Pour la Chine, la Russie post-stalinienne était devenue « révisionniste ». De son côté, Moscou accusa Pékin de « déviationnisme » idéologique. Au début des années 1960, la rupture entre les deux géants communistes est consommée. Elle dégénère, en 1969, en de graves incidents armés le long du fleuve frontalier Oussouri, aux confins nord-ouest de la Chine, face à la toundra sibérienne.

Le déroulement de cette guerre, qui eut pour théâtre principal l’île désertique de Zhenbao, que la Chine revendiquait, est aujourd’hui encore mal documenté. Elle fit au moins des dizaines de morts de part et d’autre et raviva le spectre de la menace nucléaire. Si un cessez-le-feu fut établi au bout de quelques mois, le conflit eut pour conséquence de rapprocher Pékin de Washington. En visite officielle aux Etats-Unis en 1979, le nouvel homme fort du régime chinois, Deng Xiaoping (1978-1989), porta un jugement sans concession et lucide sur son ancien allié devenu ennemi juré : « L’Union soviétique a montré par ses actions qu’elle était prête à envahir et occuper tous les pays qu’elle veut envahir et occuper. »

Le principal artisan de la restauration de l’amitié sino-russe sera cependant Xi Jinping, qui s’envole pour la Russie une semaine à peine après son élection à la présidence, en 2013.

 

La répression des manifestations de la place Tiananmen, en 1989, est considérée par les experts comme un point de bascule de la relation sino-russe : « Ce fut un moment décisif dans les rapports entre Moscou et Pékin. Après une période d’attentisme liée à l’effondrement de l’Union soviétique, le gouvernement chinois trouva paradoxalement dans le nouveau régime démocratique russe un partenaire essentiel dans son combat contre la domination idéologique et stratégique de l’Occident, en particulier l’unipolarité américaine », explique Jean-Pierre Cabestan, directeur de recherches au CNRS et auteur de La Politique internationale de la Chine (Presses de Sciences Po, 3e édition, à paraître le 22 avril).

Depuis, les rapports entre les deux puissances euro-asiatiques n’ont cessé de s’améliorer. Le contentieux frontalier a fini par être réglé : en 2003, un accord passé entre Moscou et Pékin donne le plein contrôle à la Chine sur deux îles de l’Oussouri, dont celle de Zhenbao. En 2005, les chefs de la diplomatie chinoise et russe échangent cérémonieusement les documents de cet accord. Une page se tourne.

Le principal artisan de la restauration de l’amitié sino-russe sera cependant Xi Jinping, qui s’envole pour la Russie une semaine à peine après son élection à la présidence, en 2013. Devant l’Institut des relations internationales de Moscou, il évoque une « communauté de destins » appelée de ses vœux : « Les relations sino-russes sont les relations bilatérales les plus importantes du monde. Elles sont aussi l’exemple des meilleures relations qui puissent exister entre deux puissances. »

Selon M. Cabestan, l’évolution autoritaire du régime de Vladimir Poutine, la détérioration des relations entre la Russie et l’Occident et la montée de la rivalité sino-américaine vont expliquer, en grande partie, ce qu’il appelle « la connivence sino-russe sur la scène internationale, à tel point que l’annexion de la Crimée par l’homme fort du Kremlin, en 2014, a été acceptée avec une neutralité bienveillante par le gouvernement de Xi Jinping ».

Le président chinois, Xi Jinping, passe en revue la garde d’honneur russe, à Moscou, le 22 mars 2013.

 

En juin 2016, célébrant le 15e anniversaire de la signature du Traité sino-russe de bon voisinage, d’amitié et de coopération, Xi Jinping se félicite que « chaque pays donne la priorité à l’autre dans ses affaires extérieures ». Et, dans un propos qui prend tout son sens aujourd’hui, il précise : « En considérant le développement d’une partie comme une opportunité en faveur de l’autre, nos deux pays se soutiennent fermement dans le bon règlement des affaires internes, le développement et la montée en puissance. »

Sur le plan énergétique, les deux pays ont signé un accord prévoyant l’exportation annuelle vers Pékin de 38 milliards de mètres cubes de gaz naturel russe, acheminés par un nouveau gazoduc long de près de 4 000 kilomètres, à travers la Sibérie orientale. En 2021, alors que la Russie est devenue son deuxième fournisseur de pétrole, derrière l’Arabie saoudite, la Chine a encore conclu, le 4 février, l’achat à Gazprom de 10 milliards de mètres cubes de gaz supplémentaires par an. Quant au pétrolier Rosneft, il doit augmenter ses livraisons de 100 milliards de tonnes sur dix ans, par le Kazakhstan.

Côté défense, la Russie est le principal fournisseur d’armements de la Chine, même si l’Inde reste le premier client de Moscou. En 2018, l’achat d’avions de combat Soukhoï-35 et de systèmes de défense antiaérienne S-400 par l’Armée populaire de libération avait déclenché de nouvelles sanctions financières de la part de Washington. Avec pour conséquence de renforcer le partenariat militaire entre Pékin et Moscou. Les ventes d’armes russes se sont multipliées, et représentent désormais 1 milliard de dollars (910 millions d’euros) par an.

« Associée à une augmentation des exercices combinés et des patrouilles aériennes conjointes (…), la reprise à une large échelle de transferts d’armements contribue à une convergence militaire croissante entre la Russie et la Chine, tout en renforçant leur partenariat stratégique », estime Paul Schwartz, spécialiste des questions militaires russes, dans une note publiée, en 2021, par le centre de recherche américain CSIS (Center for Strategic and International Studies). Des manœuvres militaires communes, perçues comme de plus en plus menaçantes, se sont enchaînées avec des exercices en Méditerranée en mai 2015, puis en août au large du Japon. Elles sont suivies, deux ans plus tard, de manœuvres en mer Baltique. En décembre 2019, l’Iran est même invité à se joindre à celles organisées en mer d’Oman. A l’automne suivant, les deux marines traversent le détroit japonais de Tsugaru, entre les îles d’Hokkaido et Honshu, au grand dam de Tokyo.

Ce partenariat stratégique dépasse les questions militaires. En 2021, la Chine et la Russie ont signé un Memorandum of Understanding afin d’établir une station de recherche scientifique conjointe sur la Lune. Selon les communiqués officiels, plus de 1 000 événements auraient été organisés entre les mois d’août 2020 et 2021, décrétée « année sino-russe de l’innovation scientifique et technologique ».

Alliés dans un monde reconfiguré

 

Autre domaine d’intérêt commun, les médias ne sont pas oubliés. Dès la visite de Xi Jinping à Moscou en 2013, un accord de partenariat est signé entre La Voix de la Russie, une radio qui a cessé d’émettre en mars 2014 pour être remplacée par Sputnik, et la version en ligne du Quotidien du peuple, organe du Parti communiste chinois (PCC). D’autres suivront : Zhou Shuchun, directeur du China Daily, a estimé que les médias en ligne des deux pays avaient depuis échangé plus de 100 000 articles. En cette mi-mars, alors que Marioupol est écrasée sous un tapis de bombes, quand un internaute tape « Ukraine » sur le moteur de recherche chinois Weibo, c’est un article de Sputnik qui apparaît aussitôt.

Xi Jinping et Vladimir Poutine n’ont jamais été avares de superlatifs pour décrire les « nouveaux sommets » qu’avait atteints leur coopération. Même s’il ne s’agit pas d’une alliance formelle : lors du vote, le 2 mars, à l’Assemblée générale des Nations unies condamnant l’offensive russe, Pékin n’a pas voté contre, mais s’est abstenu de voter. Le discours officiel du Kremlin insiste moins sur le besoin d’un soutien chinois dans la crise actuelle que sur l’importance de la collaboration entre les deux pays dans un monde reconfiguré – sous-entendu après le succès de « l’opération militaire spéciale » en Ukraine…

Quelques experts et intellectuels conservateurs s’enthousiasment à l’idée de ce tournant asiatique qui remettrait sur le devant de la scène les idées « eurasistes », par opposition à celles des « occidentalistes ». L’oligarque et magnat de l’aluminium Oleg Deripaska a ainsi suggéré de transférer la capitale russe en Sibérie, « puisque nous avons tous nos intérêts en Asie ». Derrière cette campagne, c’est surtout le rôle que pourrait jouer la Chine pour relativiser l’isolement diplomatique russe et amoindrir l’effet des sanctions internationales qui est guetté.

 

Le « pivot » russe vers l’Asie s’annonce cependant incertain. D’abord, il s’effectue sous une pression et une urgence inédites. A propos de l’impact des sanctions imposées à la Russie au lendemain de l’invasion de l’Ukraine, le politologue pétersbourgeois Iya Matveev rappelle qu’« aucune autre économie n’a jamais rien connu de tel : une déglobalisation extrême menée en quelques jours ». Selon lui, le commerce avec la Chine ne peut compenser cette rupture brutale avec l’Occident.

« Si Russes et Chinois partagent la même volonté d’affaiblir la puissance politique et militaire des États-Unis, cette communauté d’intérêts reste de circonstances », estime Jean-Pierre Cabestan, directeur de recherches au CNRS

 

L’ancien « grand frère soviétique » est aujourd’hui devenu une sorte de « petit frère » : il y a trente ans, la Chine et la Russie avaient un PIB comparable. Aujourd’hui, celui de la première est dix fois plus élevé que celui de la seconde. Et Moscou n’est que le onzième partenaire économique de Pékin. Même si les dirigeants chinois prennent soin de ne pas évoquer ce déséquilibre, celui-ci hante la relation bilatérale.

Vladimir Poutine ne s’est jamais montré particulièrement enthousiaste à l’égard des « nouvelles routes de la soie » chères à Xi Jinping. En particulier lorsque celles-ci visent les régions d’Asie centrale, où la rivalité des deux puissances est multiséculaire, malgré l’Organisation de coopération de Shanghaï, créée en 2001, qui a permis d’atténuer nombre de différends. « Si Russes et Chinois partagent la même volonté d’affaiblir la puissance politique et militaire des Etats-Unis, cette communauté d’intérêts reste de circonstances, tant leurs ambitions de grandes puissances, voire de puissances impériales, demeurent concurrentes », estime Jean-Pierre Cabestan.

 

Les sanctions consécutives à l’annexion de la péninsule de Crimée en 2014 ont favorisé le développement des liens économiques entre la Russie et la Chine. « Ce fut le point de départ du pivot de la Russie vers la Chine », avançait, avant la guerre en Ukraine, Alexandre Gabouev, expert du centre américain Carnegie à Moscou. Alors que le volume des échanges commerciaux ne dépassait pas les 11 milliards de dollars en 2001, il a frôlé les 140 milliards en 2021. Entre 2020 à 2021, les échanges entre les deux pays ont bondi de 30 milliards de dollars. Mais cette relation est asymétrique – la part de la Chine dans le commerce extérieur russe est de 20 %, tandis que celle de la Russie ne pèse que 2,5 % en Chine – et Moscou reste dépendant des investissements et des technologies chinois.

La stabilité du partenariat entre les deux pays repose sur trois « piliers », expliquait M. Gabouev, lors d’un séminaire, le 7 décembre 2021 : « La paix à leurs frontières, un développement économique complémentaire et un soutien mutuel de régimes autoritaires qui ont un intérêt commun à saper l’influence des Etats-Unis. » Il concluait : « Pour la Russie, la Chine est la ligne de vie qui lui permettra de soutenir son économie », en matière d’import-export et de développement au sens plus large.

 

Le « rêve chinois » pris en tenaille

 

Les conditions du fonctionnement de cette « ligne de vie » et sa pérennité sont cependant encore lourdes d’incertitudes : la Chine est prise en tenaille entre sa fidélité au « pacte » passé avec Moscou et les contraintes de l’économie mondialisée sur laquelle elle a bâti sa réussite : « Si la Chine basculait trop fort du côté russe, elle pourrait être l’objet de nouvelles sanctions américaines, observe Jean-François Huchet, spécialiste de l’économie chinoise et président de l’Institut national des langues et civilisations orientales (Inalco). Pékin a beau avoir dénoncé les sanctions occidentales imposées à la Russie, les entreprises et les banques chinoises vont devoir les respecter : elles ne peuvent se permettre de franchir une ligne rouge qui les exposerait à ne plus avoir accès aux systèmes de paiement américains, en vertu du puissant dispositif Trading With the Enemy Act [loi sur le commerce avec l’ennemi], qui a des portées extraterritoriales s’appliquant à tous les pays, et pas uniquement aux entreprises américaines. »

 

La guerre en Ukraine est donc une sale affaire pour la Chine, sur le plan économique. « La légitimité du pouvoir du PCC repose sur la poursuite de la croissance et du maintien de la stabilité sociale et économique, rappelle Jean-François Huchet. S’exposer à des sanctions américaines risquerait de saborder le “rêve chinois” promis par Xi Jinping. »

Le dilemme est d’autant plus aigu que deux camps opposés s’affrontent en coulisses à Pékin au sujet de l’attitude à adopter vis-à-vis de la Russie, affirme l’expert japonais des questions chinoises Akio Takahara, professeur à l’université de Tokyo : « L’un de ces camps pense que Poutine est un danger, l’autre non. Xi Jinping a commis la grave erreur de croire, apparemment, que la guerre allait rapidement se terminer. Si elle se poursuit, la Chine va perdre sa crédibilité sur la scène internationale. Si le régime de Poutine coule et que Pékin persiste à le soutenir, quels seront les dégâts pour Xi Jinping dans la perspective du [XXe] congrès » du PCC, prévu à Pékin, dans la deuxième moitié de cette année ?

« Pour la Russie les problèmes sérieux sont à l’ouest, pour la Chine, ils sont dans le Pacifique. En cas de conflit, il leur sera difficile de s’unir. » Guan Guihai, de l’Institut d’études stratégiques et internationales de l’université de Pékin

Le 5 mars, un texte publié sur le site américain US-China Perception Monitor émanant d’un intellectuel que l’on ne peut soupçonner de dissidence reflète la thèse du professeur nippon : l’universitaire Hu Wei, expert en relations internationales et présenté comme le vice-président d’un centre de recherches appartenant au Bureau du conseil des affaires de l’Etat, écrit dans son article que les dirigeants chinois doivent « se détacher au plus vite de Poutine ». Le régime russe, affirme-t-il, a toutes les chances de perdre la guerre. Or, les conséquences de cette défaite seraient désastreuses pour la Chine, face à une Amérique renforcée, qui aura dès lors les mains libres pour l’« enfermer dans un confinement stratégique », Washington n’ayant plus à faire face à deux ennemis, mais à un seul.

 

Les difficultés auxquelles sera confrontée la Chine, si elle s’obstine à soutenir la Russie dans sa folie guerrière – les Américains ont récemment fait « fuiter » des informations selon lesquelles les Chinois seraient prêts à fournir de l’armement aux Russes –, ne sont pas les seules ombres au tableau : la méfiance réciproque entre Pékin et Moscou risque de s’y ajouter, en particulier concernant le volet militaire de leur relation. « Pour la Chine, la Russie est le seul partenaire militaire de haut niveau », commentait Guan Guihai, de l’Institut d’études stratégiques et internationales de l’université de Pékin, en décembre 2021. Mais il nuançait aussitôt l’affirmation, en ajoutant que « l’alliance militaire n’est pas une bonne option pour la Chine. Pour la Russie, les problèmes sérieux sont à l’Ouest, pour la Chine, ils sont dans le Pacifique. Cela signifie qu’en cas de conflit il leur sera difficile de s’unir ».

 

« Alignement d’objectifs pragmatiques »

 

Entre Moscou et Pékin, la « quasi-alliance » ne va donc pas de soi : selon le dernier rapport du service de renseignement extérieur d’Estonie, pays très attentif à l’éventuelle coagulation d’une menace sino-russe, il faudrait plutôt parler d’« un alignement d’objectifs pragmatiques, mis en lumière par la crise, que tous deux essaient d’exploiter ». Toujours selon les Estoniens, le « pivot » russe vers la République populaire est certes motivé par les sanctions économiques occidentales, mais « l’élite russe est parfaitement consciente que la Chine traite les autres pays soit en subordonné, soit en opposant ».

Si la politique de Vladimir Poutine en Ukraine paraît avoir remporté l’approbation sur les réseaux sociaux chinois, « les internautes ne doivent pas compter sur la russification de la diplomatie chinoise », a averti, le 4 mars, Hu Xijin, ancien rédacteur en chef du journal nationaliste chinois Huanqiu Shibao. Cet analyste reconnu souligne que les cultures historiques et diplomatiques russes et chinoises diffèrent et que les deux pays ne sauraient « s’imiter » : il note que si la Russie a besoin du « levier militaire pour maintenir son statut de grande puissance », ce n’est pas le cas de la Chine, « deuxième économie » mondiale.

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Nathalie Guibert

Frédéric Lemaître Pékin, correspondant

Bruno Philip

Benoît Vitkine Moscou, correspondant

 

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

 

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