La France et ses partenaires européens envisagent un retrait militaire du Mali

Après l’expulsion de son ambassadeur à Bamako, la France souhaite clarifier la situation, tout en restant engagée au Sahel contre le terrorisme.

Le Monde  – A moins d’un revirement des autorités de Bamako, la France et ses partenaires européens examinent l’opportunité et les modalités d’un retrait total de leurs troupes du Mali. L’hypothèse est bel et bien sur la table des consultations en cours entre Paris, les capitales européennes et africaines engagées dans ce pays dans la lutte contre les djihadistes.

La rupture étant consommée après l’expulsion de l’ambassadeur français au Mali – Joël Meyer devait quitter Bamako jeudi 3 février –, l’heure est venue, estime-t-on à Paris, de clarifier collectivement la situation, tout en restant engagé au Sahel contre le terrorisme. Une décision devrait être annoncée d’ici deux à trois semaines. « Il n’y a de sens à être engagé que quand on peut être efficace. Là où les conditions ne sont pas réunies, il ne faut pas rester, affirme une source diplomatique française. Cela dépendra de la posture de la junte. Mais pour l’instant, elle reste dans l’escalade et rien ne permet d’anticiper un changement. »

 

Le sujet devrait s’inviter au sommet Union africaine-Union européenne, prévu à Bruxelles les 17 et 18 février. Un éventuel retrait prendrait ensuite plusieurs semaines, allant bien au-delà du scrutin présidentiel français d’avril. Une échéance qui complique aussi la donne pour Emmanuel Macron, surtout si la question devait s’inviter dans la campagne électorale.

L’ingérence russe complique la situation

L’heure n’est plus à chercher à gagner du temps pour tenter de renouer avec le régime malien, sanctionné par ses voisins de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) et par l’Union européenne. « Le sujet qui se pose actuellement est : est-ce que les conditions sont encore réunies au Mali pour avoir une action efficace contre les groupes terroristes ? C’est la question que nous nous posons collectivement », souligne cette source.

« Les partenaires européens sont tous très préoccupés par le comportement de la junte : le renvoi du contingent danois [annoncé le 27 janvier] a été un point de basculement, car il est difficile pour beaucoup de partenaires de continuer à s’engager si un pays est congédié de la sorte. » La secrétaire d’Etat allemande aux affaires étrangères, Katja Keul, devait d’ailleurs se rendre à Bamako jeudi, pour y rencontrer des représentants du gouvernement malien. L’armée allemande compte quelque 1 500 soldats au Mali.

Même si la coopération militaire continue de fonctionner avec le Mali, rien n’est plus comme avant. Les autorités françaises notent désormais des restrictions régulières portant sur le survol du pays par les avions militaires tricolores dans des zones qui correspondent peu ou prou à celles où les mercenaires russes de Wagner sont en train d’être déployés. « L’ingérence russe dans cette situation vient considérablement compliquer la situation », poursuit le diplomate, pour qui le Groupe Wagner bénéficie du soutien logistique et politique de Moscou.

 

Pour rester au Sahel, l’idée est d’amplifier encore la transformation de la mission « Barkhane », un processus engagé avant le double coup d’Etat perpétré par les militaires maliens. Les effectifs français déployés pour ces opérations ont été déjà réduits de moitié, à près d’environ 2 500 soldats. Trois bases installées par la France ont été fermées dans le nord du Mali.

« Le sujet n’est pas de déplacer “Barkhane”, ou de déplacer “Takuba” [la force européenne sous commandement français], mais de nous transformer pour nous rendre plus efficaces », dit encore cette source, tout en soulignant l’évolution de la menace dans cette partie du continent : « L’erreur serait de rester concentré sur le foyer d’origine [au Mali]. » « La menace n’est pas malienne et plus seulement sahélienne, elle est à l’échelle de toute l’Afrique de l’Ouest, indique cet expert de la question. L’agenda des groupes terroristes n’est plus le même, ils veulent métastaser dans toute la région et se rapprocher des poumons économiques que sont Abidjan et Dakar. »

« Transformation » des missions

Le sort de la mission « Takuba », qui réunit des forces spéciales d’une dizaine de pays européens en appui des soldats maliens, semble en tout cas être scellé. Après le renvoi du contingent danois, la Norvège a indiqué, mardi, qu’elle suspendait l’envoi prévu de ses soldats. « L’expérience de “Takuba”, c’est-à-dire de forces spéciales européennes travaillant avec leurs homologues africaines, pourrait être reproduite dans d’autres pays de la région, mais pas nécessairement sous l’appellation “Takuba”, indique-t-on à Paris. L’ensemble de nos partenaires sont soucieux de continuer à travailler au Sahel. »

Une option serait de prolonger, par petits groupes de pays volontaires, le travail entrepris dans les Etats de la région plus au sud, comme la Côte d’Ivoire, le Togo, le Bénin, voire le Sénégal, qui réclameraient un appui supplémentaire.

Cette « transformation » va aussi avoir des conséquences sur les autres missions présentes sur place : sur celle de l’UE, la Mission de formation de l’Union européenne au Mali, comme sur celle des Nations unies, la Minusma, dans lesquelles la France est pleinement engagée jusqu’ici. « Le temps de la concertation est important, car quelles que soient les décisions prises, elles auront un impact sur l’ensemble des missions », explique une source diplomatique : « C’est là où la junte joue un jeu dangereux, car ce n’est pas du pick and choose, un jeu à géométrie variable. »

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Philippe Ricard

Suggestion kassataya.com :

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Source : Le Monde 

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