« Inventons un nouveau Ballon d’or, plus ouvert, plus juste et moins sérieux ! »

Le Ballon d’or, qui a récompensé lundi soir Lionel Messi pour la septième fois, tourne en rond. Notre chroniqueur Jérôme Latta imagine ce que pourrait être sa réforme.

Le Monde – On n’a jamais su exactement ce que le Ballon d’or masculin, trophée individuel le plus prestigieux et le plus contesté du football, récompensait. Ses successifs changements de périmètre, de formule et de jury n’ont fait qu’accentuer la confusion : les performances intrinsèques, le palmarès, les statistiques, le statut ?

De plus en plus ce dernier critère, semble-t-il, Cristiano Ronaldo et Lionel Messi ayant trusté 12 des 13 derniers trophées, ne l’abandonnant qu’à Luka Modric en 2018. Il a ainsi fini par exclure totalement les gardiens de but (unique vainqueur : Lev Yachine en 1963) et quasiment les défenseurs (dernier lauréat : Fabio Cannavaro en 2006), pour se réserver aux superstars.

Personne n’a jamais usurpé la récompense, mais on a vite à l’esprit ceux qu’on estime en avoir été spoliés, de Thierry Henry (2003) à Franck Ribéry (2013) en passant par Manuel Neuer (2014), Andrés Iniesta et Xavi (de 2008 à 2018). Même le « non attribué » de l’an dernier, « faute de conditions équitables suffisantes » en raison de l’épidémie, a fait râler.

Prime aux « légendes »

L’édition 2021 a donc été attribuée à Messi, ce qui lui procurera probablement moins d’émotion qu’à Cristiano Ronaldo. Cela a déjà quelque chose d’embarrassant aux lendemains de son transfert au Paris-Saint-Germain, qui suggèrent un déclin, voire une erreur de casting – eût-il, avec la Copa América, ravi le grand trophée qui lui manquait avec l’Argentine.

L’ère des superjoueurs semble pourtant s’achever, à l’heure où son rival Cristiano a continué à briller personnellement sans que cela semble profiter à ses équipes (Juventus puis Manchester United). A l’heure, aussi, où le PSG peine à résoudre la quadrature de son fantastique triangle offensif.

Le football redevient peut-être un sport collectif, mais le Ballon d’or ignore cette tendance. Il ne parvient pas, par exemple, à récompenser l’extraordinaire régularité au plus haut niveau de footballeurs comme Karim Benzema ou Robert Lewandowski (qui a le malheur d’évoluer en Bundesliga – dernier vainqueur : 1996).

Alors, il ne sacre ni ces joueurs parvenus à des accomplissements dans la durée, ni vraiment le meilleur joueur de l’année (année qui n’est même pas l’unité de temps pertinente du football, au contraire de la saison). Il accorde une prime au statut de « légende », aux plus « riches », dont il devient la chasse gardée.

Le Ballon d’or ne pourrait-il pas, au moins, revenir aux superjoueurs « nouvelle génération » ? D’autres prodiges sont sur les rangs : Erling Haaland ou Kylian Mbappé. Ni l’un ni l’autre ne figuraient parmi les favoris désignés, malgré des statistiques ahurissantes. Depuis Michael Owen (2001, 21 ans alors), la précocité semble un handicap.

Plutôt le festival de Cannes que l’Eurovision !

Prenons, pour ce qu’il est, l’exercice proposé par notre confrère du Temps, Laurent Favre, qui imagine que le trophée ne pourrait revenir à un individu l’ayant déjà reçu. Le palmarès ne serait pas seulement plus riche et divers, mais aussi beaucoup plus équitable. On pourrait retenir ce principe, et pousser plus loin la réforme.

Inventons un nouveau Ballon d’or, plus ouvert, plus juste et moins sérieux ! Donnons-lui un jury restreint et délibérément subjectif façon festival de Cannes, qui prendrait ses responsabilités et assumerait ses partis pris, plutôt qu’un panel de journalistes façon Eurovision qui laisse s’immiscer sympathies nationales et petits calculs pour, en définitive, obéir à un consensus mou.

Imaginons un jury restreint et subjectif façon festival de Cannes, plutôt qu’un panel de journalistes façon Eurovision pour obéir à un consensus mou

Chaque candidat serait défendu par une équipe d’avocats, lors d’une soirée spéciale qui n’exclurait pas un peu de légèreté. Ici, on plaiderait par exemple pour Kylian Mbappé (classé 9e lundi), contre l’opinion générale qui lui prête une saison neutre, avec force vidéos et statistiques sur l’écran géant.

On réexaminerait son Euro injustement présenté comme raté, images à l’appui. On apostropherait les jurés. « N’oubliez pas qu’il a porté à bout de bras, irréprochable, un PSG en difficulté tout au long de la saison 2020-2021. Que, malgré les turbulences de son été, il est resté à la hauteur de ses ambitions. »

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Jérôme Latta

 

 

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

 

 

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