Sur le Nil, le barrage de la Renaissance attise la guerre de l’eau

La construction en Ethiopie d’un gigantesque ouvrage sur le fleuve africain inquiète le Soudan et l’Egypte, qui ont saisi l’ONU.

L’ingénieur Izaat Saddiq se penche par-dessus la balustrade qui longe le pont supérieur du barrage de Roseires. En contrebas, à 78 mètres à pic, des dizaines de millions de mètres cubes d’eau sont recrachés dans un fracas assourdissant. Une grande usine de production hydroélectrique, dotée de sept turbines, est adossée à cet immense arc de béton construit dans les années 1960 en travers du Nil Bleu, dans le sud-est du Soudan.

« Le barrage de Roseires est l’un des piliers de notre économie. Plus de 20 millions de Soudanais dépendent de l’électricité qui est produite ici et de l’eau que nous y stockons pour les projets agricoles ou les stations de pompage d’eau potable jusqu’à Khartoum », explique, non sans fierté, le responsable de ce réservoir protégé par des batteries de défense antiaérienne.

  https://img.lemde.fr/2021/07/06/0/0/5184/3456/630/0/75/0/bdc3c06_378090424-08z2223.jpg

En aval, le Nil Bleu poursuit sa course vers le nord. Sur les rives, des pirogues échouées, des baobabs esseulés au milieu des rochers et quelques pêcheurs qui lancent leur filet dans les rapides. En amont s’étend un immense lac d’une capacité de 7 milliards de mètres cubes. Mais surtout, à seulement 120 kilomètres de là, un autre géant hydroélectrique est en cours de construction, le grand barrage de la Renaissance éthiopienne (GERD), avec des proportions sans commune mesure : deux fois plus haut que Roseires, pour une capacité de stockage d’eau dix fois supérieure.

 

« On est dans l’inconnu »

 

Situé à 15 kilomètres de la frontière soudanaise, le réservoir du GERD sera deux fois plus grand que la métropole du Grand Paris, couvrant une surface de 1 874 kilomètres carrés. « Il y aura 74 milliards de mètres cubes d’eau stockés à une centaine de kilomètres d’ici, et on ne sait pas quelle quantité va nous arriver, ni à quel moment », s’alarme Abdallah Abdelrahman, le directeur du barrage de Roseires. « On ne sait pas combien d’électricité les Ethiopiens veulent produire. Nous n’avons aucune information, hormis ce que nous lisons dans les journaux. On est dans l’inconnu », soupire-t-il.

Depuis 2011, la construction de ce qui deviendra bientôt le plus puissant barrage hydroélectrique du continent est au cœur d’une dispute tripartite qui menace de déstabiliser la Corne de l’Afrique. En investissant plus de 4,6 milliards de dollars (près de 4 milliards d’euros) dans ce projet, l’Ethiopie en a fait la pierre angulaire de son développement, qui permettra de fournir de l’électricité aux deux tiers de ses 115 millions d’habitants. L’Egypte craint pour sa survie à long terme, alors que le pays dépend à 90 % des ressources en eau du Nil. Pris en étau entre ces deux puissances régionales, le Soudan s’inquiète désormais pour la sécurité de ses installations, alors qu’aucun accord n’a été trouvé entre les trois pays.

  https://img.lemde.fr/2021/07/06/0/0/5011/3341/1920/0/75/0/ffff470_690724284-08z1873.jpg

Les négociations se trouvent dans l’impasse. Jeudi 8 juillet, le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir sur le dossier à la demande du Caire et de Khartoum. Les deux capitales, soutenues par la Ligue arabe, ont annoncé lundi avoir reçu des informations indiquant que le second remplissage avait commencé. Elles rejettent une « mesure unilatérale » en « violation flagrante du droit international ». L’Ethiopie n’a pas confirmé, mais avait laissé entendre qu’en dépit des craintes régionales elle remplirait entre les mois de juillet et août 13,5 milliards de mètres cubes d’eau supplémentaires.

 

 

 

Lire la suite (Edition abonnés)

 

 

Source : Le Monde

 

 

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page