Fini les aiguilles, les vaccins du futur viendront dans du riz !

Des chercheurs japonais ont développé un riz OGM qui intègre un vaccin contre le choléra, plus facile à stocker et à administrer que les vaccins traditionnels.

Peur de vous faire piquer ? Du riz vous pourrez manger ! Absurde, n’est-ce pas ? Et pourtant, il se pourrait que bientôt les vaccins ne passent plus par une affreuse aiguille, mais par un bon bol de riz japonais.

 

C’est désormais le cas pour le choléra, qui cause des diarrhées sévères et qui entraîne la mort de dizaines de milliers de personnes chaque année. Comme d’autres maladies infectieuses, le choléra sévit principalement dans des régions souffrant d’un manque d’infrastructures sanitaires, ce qui rend difficile le stockage et l’administration des vaccins qui souvent nécessitent d’être conservés au froid. Pour contourner ces barrières logistiques, des chercheurs de l’université de Tokyo (Japon) ont conçu un riz génétiquement modifié qui produit une portion non toxique d’une protéine spécifique de la bactérie responsable du choléra (Vibrio cholerae), la sous-unité toxine B (CTB).

Une fois ingérée, cette protéine va apprendre au système immunitaire à reconnaître et neutraliser la bactérie, comme n’importe quel vaccin. Sauf qu’au lieu d’une piqure, il suffira de boire une petite quantité de ce riz mélangé dans de l’eau. Et selon leur essai de phase 1, publié le 25 juin 2021 dans la revue The Lancet Microbe, leur vaccin génère bien des anticorps spécifiques contre la bactérie du choléra sans causer des effets secondaires graves.

 

Dans le grain, on protège bien le vaccin

 

Il est très difficile de conserver des vaccins dans certains endroits du globe où par exemple il n’y a pas d’électricité. C’est pourquoi nous avons voulu développer un vaccin qui puisse être stocké à température ambiante, nous révèle Hiroshi Kiyono, immunologiste à l’université de Tokyo et auteur de l’étude. Le riz en poudre peut être gardé pendant de longues périodes sans réfrigération, et en plus il évite le besoin de seringues et d’aiguilles, ce qui faciliterait la vaccination d’un grand nombre de personnes sans produire autant de déchets médicaux qui ensuite peuvent endommager notre environnement.” En effet, le riz-vaccin peut être stocké comme n’importe quel autre grain, et il suffit de le moudre et de mélanger 6 grammes de ce riz avec 90 millilitres d’eau pour l’administrer. “Ce « vaccin » pourrait être plus accessible parce qu’il n’y aura pas besoin de personnel soignant pour l’administrer, chacun pourrait se vacciner lui-même”, ajoute-t-il. Et le riz protège le vaccin non seulement de la chaleur et l’humidité, mais aussi des acides gastriques dans l’estomac, pour qu’il puisse être absorbé dans l’intestin.

 

Pour le tester, les chercheurs ont traité 60 volontaires (âgés de 20 à 40 ans) avec différents dosages (1, 3 ou 6 grammes), ou avec un placebo, toutes les deux semaines pendant huit semaines, donc quatre doses au total (il s’agit ainsi d’un essai randomisé en double aveugle). Résultat : les sujets vaccinés produisaient des anticorps en fonction du dosage, sans produire plus d’effets secondaires que dans le groupe traité avec placebo.

Un effet qui dépend du microbiote

 

À la différence de la plupart des vaccins qui sont injectés sous la peau, le vaccin-riz est absorbé par le système digestif.

Point positif, il imite mieux la façon dont notre corps est normalement exposé aux microbes et génère la production de différents types d’anticorps : les immunoglobulines G (IgG), produites par les vaccins traditionnels, et les immunoglobulines A (IgA), des anticorps essentiels dans l’immunité des muqueuses, créant donc une réponse immunitaire plus complète que les vaccins injectés.

Point négatif, l’effet du vaccin semble dépendre directement de la composition du microbiote intestinal du sujet : un tiers des personnes vaccinées n’ont pas produit d’anticorps, précisément les personnes qui avaient un microbiote moins équilibré (avec une plus grande proportion de Bacteroides vulgatus au détriment d’autres espèces bactériennes). Ce qui pourrait être un problème, car les vaccins utilisés dans des pays en développement sont souvent produits dans des pays développés, donc mis au point pour s’adapter à un microbiote peut-être différent que celui des personnes qui recevront le vaccin. Pour tester cette possibilité, l’équipe d’Hiroshi Kiyono compte reproduire l’essai avec des sujets de différentes origines ethniques.

Un potentiel risque environnemental ?

 

Ce riz-vaccin est un OGM (organisme génétiquement modifié), qui pourrait donc contaminer d’autres cultures de riz et leur transmettre leur modification, comme cela est observé avec d’autres plantes OGM. “Nous comprenons cette inquiétude et cherchons à éviter toute contamination de ce riz dans l’environnement, convient l’immunologue. C’est pourquoi nous le cultivons dans des installations hydroponiques étanches, qui ne permettent pas de fuites d’OGM vers l’extérieur ni l’entrée de poussière ou de pathogènes.” Reste à résoudre la question du temps. “Actuellement, on estime que cela prend au moins deux ans de préparer ces grains, on doit encore essayer de réduire le temps lié à l’insertion du gène du vaccin dans ce riz”, nous confie-t-il. Malheureusement, il faudra encore affronter les aiguilles avant de pouvoir se faire vacciner en mangeant du sushi, par exemple.

Nicolas Gutierrez C.

Source : Sciencesetavenir.fr

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