Infox et communication bâclée alimentent le scepticisme anti-vaccin en Afrique

En Afrique, le scepticisme gagne vis-à-vis des vaccins contre le Covid-19 sous l’effet d’une méfiance qui remonte loin, d’une communication qui laisse à désirer et de théories du complot à l’heure de commencer la vaccination.

 

Nourrie par les rumeurs proliférant sur les réseaux sociaux, une dynamique similaire à celle observée dans les pays occidentaux est à l’oeuvre en Afrique. Les réticences sont plus fortes quand il s’agit du Covid-19 qu’envers d’autres vaccins, expliquent des experts interrogés par l’AFP.

« On est à un haut niveau de scepticisme », assure Ayoade Alakija, qui dirige en Afrique la stratégie de Convince, une initiative pour l’acceptation de la vaccination anti-Covid.

Parmi les facteurs, elle cite l’impopularité des gouvernements et la désinformation. Une théorie qui a trouvé une large audience veut par exemple que les vaccins aient été conçus pour stopper la croissance démographique africaine. Et ce n’est pas tout.

Dans de nombreux commentaires publiés sur le réseau social Facebook, de nombreux internautes se demandent aussi comment il se fait que les remèdes à base de plantes aient été mis de côté dès le départ. Un exemple couramment cité est le Covid-Organics, remède expérimental proposé par Madagascar.

D’autres s’interrogent sur la rapidité avec laquelle le vaccin a été développé pour la maladie covid-19, alors que des calamités bien plus mortelles en Afrique n’ont pas encore trouvé de remède.

Une bouteille de Covid Organics dans une classe du lycée J.J. Rabearivelo, dans le centre d'Antananarivo, Madagascar, le 23 avril 2020.
Une bouteille de Covid Organics dans une classe du lycée J.J. Rabearivelo, dans le centre d’Antananarivo, Madagascar, le 23 avril 2020.

 

 

À cela s’ajoute le fait que les gouvernements eux-mêmes peuvent jeter le poison du soupçon. Le président tanzanien John Magufuli disait fin janvier, en dépit des avis sanitaires mondiaux, que les injections contre le Covid étaient « dangereuses pour (la) santé ». Au Burundi, avant l’investiture du président Evariste Ndayishimiye, les autorités affichaient un scepticisme et ont fini par expulser une équipe de l’Organisation mondiale de la santé.

Moise Shitu, 28 ans, chauffeur de camion à Lagos, la capitale nigériane, rejette l’idée de se faire vacciner. « C’est une escroquerie de la part de notre gouvernement », affirme-t-il, « ils disent qu’il y a un coronavirus au Nigeria pour se faire de l’argent ».

Même refus à Kano, ville du nord du Nigeria, de la part de Zainab Abdullahi, 41 ans. « On entend des gens qui se sont fait vacciner dans les pays occidentaux et qui parlent de graves effets secondaires, mais ils veulent quand même nous vacciner », dit-elle.

 

Le tableau n’est pas uniforme

 

Peu d’études fiables sont disponibles sur les attitudes vis-à-vis du vaccin en Afrique. Même si des enquêtes préliminaires suggèrent que beaucoup de gens se méfient, le tableau n’est pas uniforme.

Des serveurs interrogés dans un café d’Addis Abeba, la capitale éthiopienne, se disent impatients de se faire vacciner pour ne pas contracter le virus.

Les Centres africains de contrôle des maladies ont publié en décembre les résultats d’une enquête menée dans 18 pays et montrant que seul un quart des personnes interrogées pensait que les vaccins contre le Covid ne présentaient pas de danger.

Pour autant, l’étude n’a pas identifié un front massif de réfractaires: 79% disaient qu’ils accepteraient un vaccin s’il était prouvé comme étant sûr.

Richard Mihigo, coordinateur Afrique de la vaccination à l’Organisation mondiale de la santé, souligne qu’historiquement, le degré d’acceptation des vaccins est haut en Afrique et y voit un heureux présage.

Mais il concède que les rumeurs se sont « répandues comme une traînée de poudre » en ligne et constituent un « vrai problème ».

 

L’exemple d’en haut

 

Une interview dans laquelle deux scientifiques français suggéraient en 2020 que les entreprises expérimentent leurs vaccins d’abord en Afrique a provoqué une levée de boucliers et contribué à raviver les craintes anciennes d’exploitation du continent par les Occidentaux.

La controverse a causé « de gros dégâts », regrette Richard Mihigo, « les gens ont dit: ‘Alors, vous voyez ? On peut bien dire maintenant que les Africains sont des cobayes' ».

En dehors de l’accès au vaccin, les infox représentent l’un des défis majeurs à surmonter pour la campagne à venir au Sénégal, selon Ousseynou Badiane, chef du programme de vaccination dans ce pays.

Le souvenir douloureux de la traite des esclaves, ainsi qu’un passé où les gouvernements ont eu la main lourde expliquent les hésitations, dit Cheikh Ibrahima Niang, professeur sénégalais d’anthropologie médicale.

Des scandales comme la mort en 1996 de 11 enfants nigérians après des essais de traitement menés par le géant pharmaceutique Pfizer contre la méningite ont laissé des traces, selon lui.

Les gouvernements doivent oeuvrer activement à convaincre les récalcitrants, souligne-t-il. Le président guinéen Alpha Condé a prêché la bonne parole en se faisant vacciner devant les caméras.

Mais Ayoade Alakija, pour l’initiative Convince, prévient qu’emporter l’adhésion est d’autant plus difficile que la cote de confiance gouvernementale est basse.

AFP

Source : VOA Afrique (Etats-Unis)

 

 

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