Hommage à la Mère de la Nation

« Et si l’on parlait d’Elle ? » est un hommage que je veux rendre à la Mère de la Nation Mauritanienne, son Excellence Mariem Daddah. Une femme digne de respect, de confiance, d’estime et de générosité, qui en épousant le Président Moktar, a fini par épouser la Mauritanie en entier.

Je l’ai rencontré pour la première fois en 2005, à la croisée de chemins de l’histoire d’un pays en perpétuel interrogation sur son passé, qui malheureusement a dû mal à assumer son identité de trait d’union entre deux Afrique. J’ai du mal à interpréter le poids de ma première rencontre avec la Mère de la Nation. Est-ce par hasard, ou du domaine divin du Mektoub.

Etant musulman et de bonne foi, je reverserai cette histoire sur la pesanteur de l’écrit divin, que le mauritanien ordinaire décrit comme du Mektoub.

Voilà quinze ans, que j’ai connu madame la Présidente Marièm Daddah. Sous le soleil matinal de l’été 2005, alors que je me promenais dans les ruelles étroites d’une capitale en perpétuelle mutation, j’ai découvert les écriteaux de la Fondation Moktar Ould Daddah, sur le fronton d’une maison.

Sans hésiter, j’ai poussé la porte, pour me retrouver nez à nez avec monsieur Gandega, Secrétaire Général de la dite Fondation. Et je lui ai demandé de m’arranger un rendez-vous avec le directeur de son institution. Il me répond qu’il n’a pas de directeur, la Fondation est dirigée par une présidente. Il se trouve que cette présidente s’appelle Madame Marièm DADDAH.

Aussitôt demandé, aussitôt fait, le dynamique SG m’inscrit dans la liste des audiences, pour la semaine prochaine. Ainsi le compte à rebours peut commencer, pour un citoyen ordinaire dans un pays extraordinaire, qui si tout va bien, doit rencontrer pour la première fois, la Mère de la Nation. Vous avez tout compris, ce sont les heureuses circonstances, qui m’ont permis de croiser le chemin de son Excellence Mariem DADDAH.

Voilà quinze ans que je l’ai connue, elle est restée toujours la même, accueillante, joviale, disponible, et généreuse, mais inquiète sur la trajectoire politique qui creuse l’écart entre la minorité riche et la majorité pauvre, du commun des mortels dans son pays, sans occulter la question raciale qui continue de saper l’idéal social du vivre ensemble.

Voilà quinze ans que je l’ai connue, elle est restée modeste et intègre, elle a toujours refusé de mettre sa vie en avant, mais d’une manière générale, elle me parle de son pays, de son peuple, la Mauritanie qui l’a adoptée et qui a fini par se confondre avec sa propre nature.

Elle me rappelle souvent qu’en épousant le Président, elle a fini par épouser la Mauritanie. Femme de cœur sans rancœur, femme de principe et de conviction, elle est restée fidèle à sa vocation d’avocate, attachée à son peuple, et croyante à la grandeur de son pays.

Elle a créé la Fondation Moktar Ould Daddah avec ses enfants, pour conserver la mémoire du Président. Et surtout pour venir en aide aux plus démunis de ses compatriotes.

Compte tenu de ce choix audacieux de quitter sa terre natale (France), pour un pays en création, sous le ciel de l’inconnu, j’ai choisi de rendre hommage à la Mère de la Nation, pour la présenter à son peuple sous l’angle de l’histoire, d’une femme qui a tout donné à la Mauritanie et qui continue de donner, sous l’ombre de la modestie et de la discrétion.

Elle est née à l’horizon de la 2ème guerre mondiale, dans le 14ème Arrondissement à Paris.

La petite Marie Thérèse est venue au monde, entre les deux grandes guerres, qui ont ensanglantées l’humanité. Des évènements majeurs, qui l’ont beaucoup marquée, pour orienter sa vie dans les arcanes du droit.

Elle a grandi entre Paris et Royat dans les Massifs Centrales, sous le regard attachant de sa mère, qui l’a élevée seule. Fille unique, des parents issus d’un milieu modeste, elle est élevée dans la rigueur de la tradition catholique. Après son baccalauréat, elle rentre à l’Université de Paris, pour suivre la filière du droit. Activiste et très active dans les mouvements associatifs, elle est présente sur tous les fronts, pour aider et défendre la cause des étudiants africains sous le joug colonial de sa France natale. Ainsi commence, le long combat d’une jeune avocate anticoloniale et engagée dans la défense de la charte universelle des droits humains. De ce choix osé et militant, il faillait être outillé pour faire face aux multiples défis de l’époque. C’est pour cette raison, après avoir obtenu son diplôme d’études supérieures en droit privé à l’Université de Paris, elle se consacre à l’étude de l’histoire, pour décrocher son diplôme d’études approfondies d’histoire ancienne, à l’Université d’Aix en Provence. Des diplômes comme armes intellectuelles, qui vont l’aider à vivre pleinement sa passion d’avocate au service des causes nobles, pour lutter contre l’injustice sous toutes ses formes.

En 1955, elle rencontre sur les bancs de l’Université, un jeune mauritanien, Moktar Ould DADDAH, alors étudiant en 3ème Année de la faculté de droit, comme elle. Ainsi commence le conte de fée d’un grand amour dont les germes viennent d’une passion commune pour les études.

En 1958, leur mariage est scellé dans la grande mosquée de Paris, pour ouvrir les portes du destin des parents d’une Nation en devenir (La Mauritanie) ! Pour la petite anecdote, lorsqu’elle a débarqué pour la première fois en Mauritanie, en compagnie de son mari, qui lui dit, nous sommes arrivés. Elle répond instinctivement, nous sommes arrivés où ?

Ils étaient bien arrivés à Nouakchott, la capitale imaginaire et en devenir, car il n’y avait rien, sinon un poste militaire noyé dans les dunes. Il fallait tout construire et la pose de la première pierre de Nouakchott fut lancée en 1958, pour accueillir l’héritage d’une capitale en exil (Saint Louis), qui représentait la Mauritanie dans l’empire colonial de l’Afrique Occidentale Française.

Durant le règne du Président, en tant que première Dame, elle a apporté sa contribution citoyenne dans divers domaines, notamment celui de la promotion de la femme, dont l’axe centrale se repose sur la scolarisation des filles. La création du Collège des Jeunes Filles constitue un atout majeur dans l’émancipation de la femme mauritanienne. L’ouverture des ateliers de coutures et la promotion de la femme par le travail, seront à l’origine de l’Office Mauritanien du Tapis. Le lancement de la première revue féminine « Mariemou » en arabe et français, a aidé à sensibiliser et éveiller la conscience de la femme mauritanienne.

Elle a fait ce qu’elle a pu, par la formation citoyenne et l’action humanitaire à travers le Croissant Rouge Mauritanien, sans jamais empiéter sur le champ du Président, comme le font la nouvelle race des premières Dames africaines. Elle a eu trois enfants avec le président, qui sont éduqués dans les réalités socioculturelles de la Mauritanie, avec en primes au milieu de leurs jeunes compatriotes, parce qu’à l’époque, il n’y avait pas encore le virus de la discrimination scolaire à travers les écoles privées, ou le chapiteau des écoles dites d’excellence, qui aujourd’hui ont finis par annihiler l’existence des écoles publiques.

Un destin mythique et très riche d’une grande Dame digne de foi, d’estime et de confiance, qui a consacré sa vie et son amour à sa famille, à son pays et à son peuple.

À travers la Fondation Moktar Ould DADDAH qu’elle dirige, elle reste plus que jamais attachée à sa Mauritanie et à ses compatriotes les plus vulnérables, pour les accompagner, les assister et au besoin les aider à trouver des solutions aux équations quotidiennes, qui les interpellent. Marièm DADDAH, car c’est bien d’elle qu’il s’agit, je l’ai rencontré pour la première fois en 2005, donc bien après la règne et la mort de son mari, le Père de la Nation Mauritanienne.

En laissant aux historiens et chercheurs, le soin de faire leurs travaux de recherches sur la période de règne du président Moktar, il me semble normal de rendre hommage enfin, à la Mère de la Nation, en se rachetant avec l’ultime slogan : Et Si l’on parlait d’elle !

Si l’on parlait d’elle ! Un refrain qui peut paraitre curieux pour certains, mais naguère aux yeux d’un citoyen ordinaire comme moi, qui vit dans un pays extraordinaire.

J’ai eu l’opportunité de la rencontrer, comme je l’ai dit un peu plus haut, alors qu’elle n’était plus la première Dame et pire, elle a traversé toutes les privations, pour ne pas dire humiliations.

Et pourtant, elle continue son combat dans l’idéal social d’une société juste et prospère, contre vents et marées, pour aider ses compatriotes. J’insiste pour dire ses compatriotes mauritaniens, car aux yeux de certains, elle n’est qu’une française égarée dans le désert, et pour d’autres, c’est une mauritanienne en quête de sensation. La Marièm Daddah que j’ai rencontrée, est une icône incomprise de part et d’autre des frontières et surtout à l’intérieur de celles que son cœur et son amour l’ont léguée.

Sous le règne du régime autoritaire du président Aziz, sa Fondation s’est vue retirer son label d’utilité publique et perdre sa subvention, comme punition contre sa présidente, qui a osé donner son point de vue sur le choix du nom de l’Aéroport International de Nouakchott, qui aurait dû porter le nom du Père de la Nation, Maitre Moktar Ould Daddah.

Quel malheur, quand le destin du pays se retrouve entre les mains d’un impulsif, qui refuse d’entendre les voix discordantes et de voir la logique du temps. Ce n’est pas un crime, de donner un point de vue sur des questions nationales et d’actualités, selon la liberté d’expression.

Effectivement, en reconnaissance à l’œuvre du Président Daddah, l’aéroport international de Nouakchott, aurait dû porter son nom, comme ses collègues pères fondateurs des Nations africaines : Modibo Keita au Mali, Léopold Cedar Senghor au Sénégal, Houphouet Boignet en Côte d’Ivoire, Habib Bourguiba en Tunisie et j’en passe.

Il est impératif que l’Etat décore la Mère de la Nation, en guise de reconnaissance et réhabilite la Fondation Moktar Ould DADDAH.

À la veille de notre fête nationale, je laisse le soin au Président de la République et son gouvernement de se pencher sur la question, le plus rapidement possible, afin que cela se fasse du vivant de celle qui a tout donné à son pays, sans attendre une miette du retour.

Comme disait un certain KENNEDY : « Au lieu de dire qu’est-ce que mon pays doit faire pour moi, il faut en toute modestie, se demander qu’est-ce que je peux faire pour mon pays. »

Et l’icône Marièm Daddah, fait partie de cette rare espèce humaine en voie d’extinction.

Merci Madame la Présidente !

Que le Bon Dieu vous protège.

NGam Seydou

Source : Cridem (Le 26 novembre 2020)

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