Mamadou Niang dit Petto : Monsieur « slalom » et photographe des lumières

Un gentleman s’en va (1937-2019).

« Les morts sont des invisibles,
Mais non des absents ». Victor Hugo

Notre humanité est aujourd’hui souffrante. En l’espace de quelques jours, nous avons perdu certains des nôtres, des hommes de valeur, de nobles kaédiens qui se sont entièrement investis au profit de leur ville. Seck Moussa, dit « Zuga », parti le 26 août 2019 puis Mamadou Niang, affectueusement dit « Petto », le 2 septembre 2019.

La nouvelle du décès de ce dernier s’est rapidement propagée dans le milieu kaédien pour faire le tour des réseaux sociaux en un temps record.

A quatre vingt deux ans, le joueur élégant des années soixante dix tire sa révérence et laisse le football et le FCK orphelins d’un serviteur doué.

Né 1937 au Mali, il a grandi avec deux aspirations simultanées : s’investir dans sa passion pour le football et poursuivre son amour précoce pour la photographie. Et il fut fidèle aux deux jusqu’au bout de ses forces. Le bilan en est éloquent, même si sa carrière de footballeur a dû subir l’épreuve de la disparition du père ; cela ne l’a pas empêché de goûter au plaisir des consécrations individuelles. Il a eu l’opportunité de faire se preuves en compagnie d’une légende du football malien et africain : Salif Keita, dit « Domingo », en club et en équipe nationale malienne.

Commença alors une pérégrination qui l’emmènera au Sénégal mais c’est finalement à Kaedi qu’il s’installera définitivement en 1971. La suite est une belle histoire qu’il a généreusement honorée de ses dons pour le football et la photo, mais pas que cela, sa gentillesse et son humilité devenant l’un de ses principaux attributs.

L’histoire de sa ville d’accueil fourmille de figures non seulement atypiques. Celle de Petto relève de la légende et a un statut à part, tant l’homme a connu une trajectoire digne d’un scenario « égyptien ». Cela coule de source pour ce fils du Djoliba ayant vécu une enfance tranquille, une jeunesse très animée et même agitée, entre la passion du football et le sens de la responsabilité familiale.

Attaquant solide et élégant, Petto, homme très attachant et d’un bon commerce, brillera dans les clubs locaux et en équipe régionale, entrainera l’équipe de Gattaga et, sous sa houlette, le « onze local ».

En dépit de la retraite – semi-retraite sied mieux au personnage-, il accompagnait la jeunesse kaédienne dans tous ses déplacements. Il était l’ami sincère, le footballeur doué, l’homme intègre et convivial.

Aujourd’hui, nous ne devrons pas être tristes. « Petto » l’aurait certainement voulu comme cela et c’est pour cette raison que j’ai voulu partager avec vous cette ode à la vie qui colle si bien à ce qu’était notre saltimbanque, réconforter sa famille et nous réconforter. Homme de qualité, qui a laissé une bonne impression tant pour sa trajectoire sportive que professionnelle, il a été élevé à la dignité de symbole, ce qui traduit l’affection et la considération qu’il suscitait.

Pour la photo, c’est une autre histoire. Connu pour ses clichés qui traduisent sa fascination pour « la géographie » des visages, il nous laisse de somptueux portraits et le souvenir de ses séries iconiques en « noir & blanc » que des générations de kaédiens gardent dans leurs albums souvenirs. Nous saluons au passage la générosité de celui qui n’avait pas hésité à lui mettre le pied à l’étrier dans les années 70, son compatriote feu Seyba Kanté. Ses deux passions -ou choix de vie- lui ont procuré du plaisir, des sensations et quelques consécrations régionales.

Aujourd’hui, nous avons du mal à croire au départ de l’ami et du frère, sur la pointe des pieds, comme s’il ne voulait pas nous quitter. Il laissera un vaste cratère dans le cercle de sa famille, de ses amis et des gens qui l’aiment.

Son image est entretenue à travers les souvenirs charriés au gré des événements et une participation régulière dans le sport corporatif, en tant que joueur, puis comme entraîneur passionné et un tantinet séduit par le maniement de la balle, laquelle n’a jamais cessé de le démanger.

Petto était un vrai gentleman. Tous ceux qui l’ont connu ou approché reconnaissent en lui élévation, loyauté et sincérité. Son dévouement pour le football ressemble à une volonté de s’acquitter d’une dette en guise de reconnaissance pour une ville qui lui a tout donné, même si nous savions tous que c’est le contraire qui était vrai. Il était trop humble et trop honnête pour souscrire à cette idée. Il a toujours été dans les valeurs et la passion. Son plus grand bonheur était de s’attabler avec ses amis autour du rituel d’un thé dont il était un grand consommateur. Nous raterons pour toujours ces moments de convivialité ; il nous manquera, comme son âme et son cœur car il était loin du jeu des clans et de manœuvres.

L’ayant revu au mois de décembre 2018, il s’est souvenu « de moments joyeux » et évoqué avec moi ses images en noir et blanc, sur fond de paysages fauniques ou de « natures mortes », qui étaient devenus la marque de fabrique du photographe et qui avaient contribué à l’éclosion du phénomène des super-modèles dans les années 70 en photographiant « au naturel » de jeunes en bas « pattes d’éléphants » et souliers « têtes de nègres ».

Aujourd’hui Monsieur « slalom » nous a quittés. Maintenant qu’il n’est plus là, c’est avec émotion que je me remémore ces vers de Ronsard, le chantre de la rose, et que je dédie à celui qui comptait beaucoup d’amis parmi les kaédiens :

Pour obsèques reçois mes larmes et pleurs

Ce vase plein de lait, ce panier plein de fleurs (nénuphars, dirais-je)
De Wanndama et kilinkaré aurais-je dit.

Adieu l’ami fidèle.
Daouda sow

(Reçu à Kassataya le 20 septembre 2019)

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