Impression des bulletins de vote : un délit d’initié politique ?

Erray-Essiyasi – Comment une affaire inavouable comme celle-ci, ne constitue pas un « délit d’initié » politique, hautement qualifié?

 

Il s’agit bien de la décision d’attribuer le marché de l’impression des bulletins de vote pour les élections présidentielles en Mauritanie, à un homme d’affaires non seulement proche du Pouvoir, dont le candidat écran a choisi d’élire domicile chez lui, en utilisant ses immeubles en plein centre-ville de Nouakchott, comme quartier général et pour diriger les activités de sa campagne électorale prématurée.

Comment une telle décision ne peut-elle que frapper le dernier clou dans le cercueil du processus électoral en Mauritanie et, saper davantage la crédibilité d’un processus électoral, déjà largement critiqué et contesté?

Même si la notion de « délit d’initié » ou « insider trading » en anglais, s’est développée initialement dans le cadre du droit pénal boursier, l’acte de l’infraction en soi-même ne peut être restreint exclusivement au fonctionnement des marchés financiers.

En effet, toutes les personnes sont susceptibles dans l’exercice de leurs professions de commettre le « délit d’initié », quand ces personnes détiennent à un moment donné, des informations privilégiées, dont ne disposent pas les autres acteurs et, qui peuvent influencer la bonne tenue des valeurs sur le marché et/ou compromettre les principes d’équité et d’égalité des chances dans le cadre d’une compétition. On parle alors, de « délit d’initié » lorsque ces personnes seraient tentées, pour une raison ou une autre, par l’exploitation de ces « informations privilégiées » à leurs propres profits ou pour des raisons politiques.

C’est pourquoi l’adjudication par la CENI du marché d’impression des bulletins de vote, pose beaucoup d’interrogations.

En effet, dans un contexte marqué par l’éclatement médiatique de scandales économiques et financiers tous azimuts et, la prolifération de l’argent politique, l’octroi du marché, malgré tout, au profit d’une imprimerie appartenant à un « Well-Connected » homme d’affaire connu pour sa connivence avec le Pouvoir en place et, dont le candidat issu du sérail, utilise depuis quelques mois, des immeubles qui lui reviennent en plein centre-ville de Nouakchott, pour son quartier général où siège le staff de sa campagne électorale anticipée. Un tel acte, quel que soit par ailleurs ses justificatifs, ne peut être lucide ni sage.

De surcroit, ce même homme d’affaires, du reste connu, non seulement pour son parti pris pour le candidat du Pouvoir, mais aussi, pour ses manœuvres obsédées en tant que chef du Patronat national, en réunissant en conclave le dimanche 24 Mars au Palais des Congrès, les membres de l’Union des employeurs de Mauritanie, afin de les sommer manu militari, pour participer activement et contribuer financièrement à la campagne politique du candidat écran du Pouvoir. Alors qu’à priori, le patronat est un organisme professionnel, tenu à respecter les règles de son fonctionnement régi par les textes réglementaires en vigueur, et, doit rester à l’écart des rivalités politiques et, s’abstenir de favoriser un clan politique au profit d’un autre.

Si la situation est telle, il ne peut s’agir que d’un autre précédent encore plus provocant, lequel, avec les autres violations successives, frapperait le dernier clou dans le cercueil du processus électoral en Mauritanie. Mais l’ironie est de savoir si le Comité des sages de la CENI, qui avait pris la décision d’octroyer le marché, savait seulement que finalement l’homme d’affaires du Pouvoir n’imprimera pas les bulletins de vote en Mauritanie, mais plutôt chez des imprimeurs libanais « Chwam » à Dakar, à qui d’ailleurs, il avait déjà semble-t-il, confirmé depuis plusieurs semaines, avoir remporté le marché!

Qu’est-ce que les Mauritaniens attendent donc, notamment les politiques et les candidats aux présidentielles en particulier, pour monter au créneau, afin de dénoncer cette bavure, si les faits s’avéreraient exacts?

En tout cas, ailleurs sous d’autres cieux où vivent des peuples qui se respectent, le délit d’initié est passible de lourdes sanctions. Les personnes physiques qualifiées d’initiés directs ou d’initiés indirects sont passibles de 5 ans d’emprisonnement et d’une amende allant jusqu’à cent millions d’Euros. L’amende est quintuplée pour les personnes morales par rapport aux personnes physiques.

« Erray-Essiyasi »

Source : Rimweekly

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