Peut-on être ambassadeur de France après l’avoir été pour le Bénin ?

Jules-Armand Aniambossou, diplomate à la double nationalité, a été choisi par Emmanuel Macron pour le poste en Ouganda.

 

C’est un cas pour le moins inédit dans les annales du Quai d’Orsay. Jules-Armand Aniambossou, 56 ans, franco-béninois, a été directement choisi par l’Elysée pour devenir ambassadeur de France en Ouganda, alors qu’il était trois ans plus tôt ambassadeur du Bénin en France. Sa nomination est encore suspendue à l’agrément des autorités ougandaises.

Ce haut fonctionnaire passé par le ministère de l’industrie et la préfectorale avait été, entre 2013 et 2016, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire du Bénin en France, avec juridiction sur la Grande-Bretagne, l’Espagne, la Grèce et diverses organisations internationales basées à Paris. Depuis août 2017, l’ancien condisciple d’Emmanuel Macron à l’ENA était le coordinateur du Conseil présidentiel pour l’Afrique, créé par le chef de l’Etat pour incarner un renouveau dans les relations franco-africaines et donner plus de voix aux sociétés civiles. Une structure restée en bonne part une coquille vide. Contacté par Le Monde, M. Aniambossou n’a pas donné suite à nos demandes.

Emmanuel Macron ne cache pas sa volonté de faire de l’Afrique une priorité bien au-delà du pré carré francophone. L’Ouganda est en outre un pays-clé à la charnière avec l’Est et les Grands Lacs. Le chef de l’Etat a le pouvoir de choisir des personnalités extérieures à la carrière diplomatique pour des postes d’ambassadeur. Outre ses compétences reconnues, Jules-Armand Aniambossou a aussi une bonne expérience dans le privé.

Ce choix provoque quelques grincements de dents au sein du ministère des affaires étrangères, même si la nouvelle s’est peu ébruitée. « Cette nomination est une première et elle va ouvrir un débat à la fois juridique mais aussi sécuritaire », relève un haut diplomate tout en reconnaissant que le Bénin est « un pays proche et ami ».

 

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L’affaire risque aussi de relancer les polémiques sur le fait du prince déjà suscitées par la tentative de l’Elysée d’imposer l’écrivain Philippe Besson comme consul à Los Angeles avec un décret modifiant les règles de nomination d’un certain nombre d’« emplois supérieurs », dont vingt-deux postes de consul général. Une décision finalement cassée le 27 mars par le Conseil d’Etat.

Situation nouvelle

 

Le cas de Jules-Armand Aniambossou est différent mais sa nomination crée une situation nouvelle. Au regard du droit, un ambassadeur est l’incarnation de la souveraineté de son pays à l’extérieur. Et la souveraineté ne se partage pas. La France et l’Allemagne ont ainsi ouvert des ambassades « colocalisées » – c’est-à-dire dans les mêmes bâtiments – à Dacca et à Koweït, mais il n’y a pas d’ambassadeur commun franco-allemand.

Jules-Armand Aniambossou sera un ambassadeur de France. « Rien ne s’oppose à ce qu’un fonctionnaire ou un ambassadeur ait une double nationalité et la loi française est sur ce point très libérale », note Serge Sur, professeur émérite de droit international, et directeur de la revue Questions internationales. Ce dernier relève néanmoins que « cela pourrait poser un problème au pays d’accueil, qui au vu de son passé de diplomate béninois, pourrait théoriquement se demander qui il représente vraiment ».

Le malaise reste. « Les postes d’ambassadeur sont à la discrétion du chef de l’Etat, rappelle une diplomate. Mais quelles que soient ses qualités, choisir quelqu’un qui a déjà représenté un autre pays pose problème, y compris en termes d’allégeance. »

Marc Semo

 

Source : Le Monde

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